La reconnaissance des territoires: une nouvelle tradition bien établie

autochtones, réconciliation, reconnaissance des territoires
Chez les Premières Nations, le bol à une cuillère symbolise la paix. On y fait référence dans plusieurs déclarations de reconnaissance des territoires. Photo: capture d’écran d’une vidéo de l’artiste autochtone Jessie Buchanan: vimeo.com/517181293
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 09/07/2024 par François Bergeron

Bon nombre d’institutions et d’associations canadiennes, grandes et petites, débutent désormais leurs activités par une «reconnaissance des territoires», une déclaration rappelant que des Premières Nations vivaient là avant l’arrivée des Européens, et qu’ils y vivent encore. Ces déclarations peuvent aussi être affichées dans leurs lieux physiques et leurs sites web.

Ces invocations répondent aux «appels à l’action» du rapport de 2015 de la Commission sur la vérité et la réconciliation, qui avait été établie dans le cadre d’une entente juridique entre les survivants des pensionnats autochtones et le gouvernement canadien.

Presque tous les organismes franco-ontariens participent à cette démarche. C’est ainsi qu’on lira une «reconnaissance des territoires» à l’inauguration d’une nouvelle école ou à l’ouverture d’un festival, ainsi qu’au début d’une assemblée générale annuelle ou d’une conférence.

La plupart des déclarations sont assez brèves et factuelles. D’autres fournissent plusieurs détails historiques ou géographiques. On en profite parfois pour reconnaître les souffrances et l’apport d’autres minorités à l’histoire du Canada.

La pratique n’a pas toujours fait l’unanimité, notamment quand se posait le choix de qualifier des territoires autochtones de «non cédés». Les déclarations de reconnaissance des territoires les plus controversées restent celles qui incluent un appel à une «décolonisation» des mentalités ou du pays.

Publicité

Voici comment quelques-uns des organismes franco-torontois s’acquittent de la reconnaissance des territoires autochtones.

timbres, Premières Nations, réconciliation, Postes Canada
Des timbres en l’honneur de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le 30 septembre.

Société d’histoire de Toronto: Tkaronto

La SHT, toujours intéressée par ces questions, reconnaît «les titulaires actuels du traité 13, la première Nation des Mississaugas de la Credit», et le fait que «ce territoire est soumis au traité de la ceinture wampum (Dish with One Spoon), entente définissant le partage et la préservation pacifiques de la région des Grands Lacs.»

Elle précise que «la région connue comme Tkaronto a été préservée par la nation Anishinabek, les Chippewa, la Confédération Haudenosaunee, les Hurons-Wendats et les Métis. Elle est désormais le foyer d’un grand nombre de peuples autochtones.»

Société d’Histoire de Toronto
Décédée en janvier 2023, la Métisse Lisette Mallet a été présidente de la Société d’histoire de Toronto.

Centres d’accueil Héritage: le Traité 13

CAH, le centre de services aux aînés francophones de Toronto, opte aussi pour la concision. CAH reconnaît que «la terre sur laquelle nous nous réunissons est le territoire traditionnel de nombreuses nations, notamment les Mississaugas du Crédit, les Anishnabés, les Ojibwés/Chippewa, les Haudenosaunés et les Hurons-Wendats, et abrite maintenant de nombreux peuples diversifiés des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Nous reconnaissons également que Toronto est couvert par le Traité 13 avec les Mississaugas du Crédit.»

autochtones, réconciliation, reconnaissance des territoires
Une page du fameux Traité 13 par lequel les Britanniques complétaient l’achat du territoire de Toronto aux Mississaugas du Credit en 1805. Photo: Archives de Toronto

Alliance française de Toronto: terres ancestrales

L’Alliance française de Toronto est devenu le principal centre culturel de la francophonie torontoise, en présentant cinéma, théâtre, concerts, conférences, expositions, etc. On a donc plusieurs fois l’occasion de souligner que «les terres sur lesquelles nous sommes rassemblées font partie des terres ancestrales des premières nations».

Publicité

«Cette région fait partie du territoire traditionnel des Wendats, des Anishinabés et des Haudenosaunees, des Mississaugas de la rivière Crédit et de la nation Métis et nous leur sommes reconnaissants d’avoir la possibilité aujourd’hui de travailler sur ces terres ancestrales.»

AFT Joseph Sagaj
En janvier 2025, l’AFT présentera une exposition des oeuvres de l’artiste anishinabé Joseph Sagaj.

TfT: paix et amitié

Le Théâtre français de Toronto reconnaît «dans un esprit de paix, d’amitié et de collaboration, que nous sommes accueillis sur les terres de la Confédération Haudenosaunee, des Mississaugas de la Crédit, les Anishinaabeg, les Chippewa, et les nations Wendat».

«Nous offrons notre respect et notre gratitude envers les gardien.ne.s traditionnel.le.s de ces terres», poursuit le TfT, «et reconnaissons la présence et la résilience de tous les peuples des Premières nations, des Métis et des Inuits.»

MonAvenir: l’île de la Tortue

Au Conseil scolaire catholique MonAvenir, qui couvre la péninsule ontarienne de Peterborough à Niagara, on déclare accueillir des élèves au sein d’écoles «établies sur un territoire qui englobe de nombreux peuples autochtones de l’île de la Tortue, notamment les nations Anishinabek, Haudenosaunee et Wendat, qui résident sur ces terres depuis des temps immémoriaux».

Viamonde: la flore et la faune

À Viamonde, le conseil scolaire laïc couvrant toute la péninsule, de Bowmanville à Windsor, on commence par déclarer respecter «cette terre qui nous accueille, nous nourrit et nous abrite» et souligner «le rôle important que jouent la faune, la flore, l’eau et les minéraux dans notre vie».

Publicité

«Nous nous rappelons que nous vivons sur un territoire visé par l’accord du bol à une cuillère, et le Traité de Niagara, représenté par la chaîne de l’alliance», poursuit-on.

Comme plusieurs autres, la déclaration de Viamonde mentionne aussi le «traité 13» et la «terre des Anishinaabe, dont les Mississaugas du Credit, des Haudenosaunee et des Wendat», précisant que «plusieurs peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuit vivent sur ce territoire» aujourd’hui.

Viamonde, école secondaire Michelle-O'Bonsawin
Le Conseil scolaire Viamonde inaugurait en mai son école secondaire Michelle-O’Bonsawin, dans le quartier Greenwood et Danforth de Toronto, en présence de la première juge autochtone à la Cour suprême du Canada.

Université de l’Ontario français: la ceinture Wampum

L’Université de l’Ontario français mentionne elle aussi un «vaste territoire régi par la ceinture Wampum d’un seul bol, ou d’une seule assiette, qui scelle une entente de coexistence, de protection et d’utilisation des ressources autour des Grands Lacs».

Le territoire de Toronto, indique l’UOF, est «témoin de milliers d’années d’activité et de coexistence humaine» et «se veut toujours un lieu de rencontre fréquenté et adopté par plusieurs peuples autochtones provenant des quatre coins de l’île de la Tortue».

«Nous sommes reconnissants envers ces premiers peuples d’avoir la possibilité de nous rencontrer et de travailler sur ce territoire.»

Publicité
UOF reconnaissance des territoires
Le logo de la reconnaissance territoriale de l’UOF.

Collège La Cité: coexistence

Le campus torontois du Collège La Cité se trouve dans celui de l’UOF. On y utilise généralement le même texte que l’UOF, en ajoutant le nom des peuples: «les Mississauga du Crédit, les Anishnaabe, Haudenosaunee, Chippewa et les Wendat».

Collège Boréal: torts et erreurs du passé

Le Collège Boréal, avec ses nombreux sites et campus en Ontario, dessert plusieurs territoires autochtones traditionnels. Sa longue déclaration invite «à reconnaître et à honorer l’histoire et la culture des peuples autochtones sur ce territoire et sur l’ensemble des territoires que nous partageons en Ontario».

«Nous remercions ces communautés autochtones de leurs enseignements, de leur collaboration et de leurs contributions à la richesse de notre patrimoine.»

Le Collège Boréal mentionne «les territoires ancestraux sujets à des traités, des alliances ou des ententes, ainsi que les territoires ancestraux non cédés, de tous les Inuits, Métis et Premières Nations qui habitent ce pays».

L’établissement postsecondaire réaffirme «notre engagement et notre responsabilité envers l’amélioration des relations entre les nations, et notre volonté de faire avancer notre propre compréhension des peuples autochtones locaux et de leur culture».

Publicité

Enfin, il invite à la réflexion «afin de reconnaître les torts et les erreurs du passé et de réfléchir à la manière dont nous pouvons, chacun à notre manière, aller de l’avant dans un esprit de réconciliation et de collaboration.»

Collège Boréal Toronto, Desjardins
Le président du Collège Boréal, Daniel Giroux, lors d’un événement à Toronto. Derrière lui: les drapeaux du Canada, de l’Ontario, de la nation anishnaabe, des Métis, des Franco-Ontariens.

Centre francophone: Autochtones et Afrodescendants

Au Centre francophone du Grand Toronto, qui offre notamment des services d’installation et d’insertion aux nouveaux arrivants, on reconnaît explicitement «les peuples autochtones et afrodescendants».

Une assemblée générale annuelle commencera «en reconnaissant que nous sommes une organisation diversifiée dont les membres viennent d’horizons différents».

«Nous savons que la terre où nous nous réunissons et où se déroulent nos services dans diverses parties de la Région du Grand Toronto est le résultat de la colonisation et du déplacement de peuples autochtones, sur le territoire traditionnel de nombreuses nations, notamment les Mississaugas de la rivière Crédit, les Anishinabés, les Ojibwés/Chippewas, les Haudénosaunés et les Huron-Wendats, et qu’elle abrite aujourd’hui de nombreux peuples divers des Premières nations, des Inuits et des Métis.»

On se dit enfin «reconnaissants et humbles de travailler et de vivre sur ces terres, et nous reconnaissons la résilience, passée, présente et future, des peuples autochtones, ici sur l’île de la Tortue. Nous reconnaissons que nous sommes tous visés par les traités avec les Peuples Autochtones, et nous acceptons d’assumer notre responsabilité et de les honorer.»

Publicité
femmes, autochtones, réconciliation, reconnaissance des territoires
Le 5 mai marque la Journée de la robe rouge, en souvenir des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées. Photo: page Facebook du Centre national pour la vérité et la réconciliation

Oasis Centre des femmes: génocide

L’organisme torontois Oasis Centre des femmes mentionne «les terres du territoire traditionnel des Premières Nations des Hurons-Wendats et des Pétuns, des Sénécas et, plus récemment, des Mississaugas de la rivière Crédit», ainsi que le «traité de la ceinture wampum en référence au concept du bol à une seule cuillère, entente entre la Confédération iroquoise, les Ojibwés et les nations alliées convenant de partager et préserver pacifiquement les ressources sur tout le pourtour des Grands Lacs.»

«Comme organisme féministe», poursuit Oasis, «il est important de reconnaître que le colonialisme et les violences sexistes sont intrinsèquement liés. Les Premières Nations au Canada font présentement l’objet d’un génocide, documenté entre autres par l’Enquête sur les Femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il est de notre devoir de nous opposer activement à toutes violences touchant les femmes autochtones et les personnes deux-esprits et Indigiqueer.»

«Notre lutte pour la libération des femmes n’est pas complète tant qu’elle n’inclue pas toutes les femmes et personnes de la diversité de genre», conclut Oasis.

Mononk Jules, Jocelyn Sioui
En mars dernier, l’auteur, comédien, marionnettiste et metteur en scène huron-wendat Jocelyn Sioui a présenté son livre Mononk Jules au Salon du livre de Toronto, puis son spectacle au Théâtre français de Toronto. Photo: Marie-Julie Garneau

Salon du livre: répercussions du colonialisme

Le Salon du livre de Toronto reconnaît lui aussi que ses activités «se déroulent sur le territoire traditionnel de nombreuses nations, dont la Première Nation mississauga de New Credit, les Anishnabeg, les Chippewas, les Haudenosaunees et les Wendats».

«Ce territoire abrite aujourd’hui divers membres des Premières Nations et des communautés inuites et métisses. Il est également reconnu que Toronto est visé par le traité 13 signé avec la Première Nation mississauga de New Credit, et par les traités Williams signés avec des multiples bandes des Mississaugas et Chippewas.»

Publicité

Reconnaissant «la présence contemporaine et historique des peuples autochtones et leurs droits à l’égard de ces territoires», les administrateurs du Salon du livre disent espéerer «que cette déclaration sera un petit pas vers l’élimination des répercussions encore ressenties du colonialisme et le rétablissement de l’importance des communautés autochtones dans notre vie de tous les jours.»

Auteurs

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur