Haïti: le rapatriement d’une statue redonne confiance en l’avenir

Malgré la très grave crise actuelle en Haïti – politique, économique, sécuritaire – certains citoyens maintiennent la motivation et le courage de se mobiliser pour inspirer l’avenir. Le récent rapatriement de la statue d’un héros du pays dans sa ville natale a suscité une telle mobilisation.

«Pour réécrire l’histoire, comme devoir de mémoire, mais aussi pour inspirer l’avenir», explique le Dr Martineau Guerrier, membre du groupe Vision pour la Grande-Rivière-du-Nord et ex-sénateur.

Cette initiative apolitique est formée de gens issus de la communauté et de la diaspora. Le Dr Guerrier, originaire de la Grande-Rivière-du-Nord, vit à Gatineau, au Québec.

Statue déboulonnée

«On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de statue de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de la Patrie, dans le Nord du pays, dont il est pourtant originaire.»

«La seule qui se trouvait sur la Place Notre Dame, à Cap-Haïtien, a été déboulonnée par un individu il y a deux ans. Aucun signal clair n’est parvenu de l’État pour la remplacer.»

«Depuis l’indépendance, l’État haïtien n’a jamais prévu d’ériger une statue de Jean-Jacques Dessalines dans sa ville natale. Pourtant une fierté pour le pays, pour les gens de la localité, et la diaspora.»

Transport risqué en Haïti   

D’où le projet citoyen de rapatrier la statue, «en collaboration avec la résiliente communauté rivanordaise et les Rivanordais de la diaspora», rapporte le Dr Guerrier.

C’est ainsi que la statue de Jean-Jacques Dessalines, œuvre du sculpteur Berthony Seize basé à Pétion-Ville, fut transportée dans un camion par la route nationale reliant Port-au-Prince à Cap-Haïtien… En passant par le Plateau Central, un tronçon de non droit contrôlé par 400 Mawozo (membres des gangs armés).

Succès! «Une remarquable structure de transport a permis de pouvoir emprunter ce passage, non sans risque, pour finalement atteindre la Grande-Rivière-du-Nord.»

Manifestation culturelle d’envergure

Les 17 et 18 juin derniers, l’inauguration de la statue érigée en la mémoire de Jean-Jacques Dessalines, né le 20 juin 1758 sur l’habitation Vye Kay à Cormier dans la commune de la Grande-Rivière-du-Nord, s’est déroulée sans anicroches.

Au menu: présentation du film Jean-Jacques Dessalines, le vainqueur de Napoléon Bonaparte, du cinéaste Arnold Antonin; danses folkloriques; groupes musicaux, dont le fameux Anbyans du Cap-Haitien; conférence avec l’historien Michel Soukar.

Le 18 juin, un Te Deum a été chanté en l’église historique Sainte-Rose de Lima (1712), suivi d’une prestation de l’orchestre local Septentrional et un défilé illustrant la fanfare Délile Bellerive.

Puis le dévoilement acclamé de la statue «sous la vive satisfaction de l’auditoire local et venu d’ailleurs dans un climat de paix et sérénité», détaille Dr Guerrier.

Par ailleurs, Martineau Guerrier s’y est vu décerné une plaque pour sa participation active à la concrétisation de ce rêve citoyen.

Portée historique incontournable

La statue de Jean-Jacques Dessalines, érigée dans la Grand-Rivière-du-Nord, se veut un incitatif pour tourner Haïti vers l’avenir.

«La Grande-Rivière-du-Nord promet de découvrir le berceau de grands personnages haïtiens, tel un livre ouvert sur la surprenante histoire du Nord au sein d’une nature grandiose», explique Dr Guerrier.

Plusieurs grandes figures de l’Histoire haïtienne sont originaires du Nord: Toussaint L’Ouverture (1743-1803), le père de l’Indépendance; l’empereur Jean-Jacques Dessalines (1758-1806); le roi Henry Christophe (1767-1820).

La commune est également le lieu de naissance de Jean Price-Mars (1876-1969). Médecin, ethnographe, diplomate, pédagogue et écrivain, Jean Price-Mars est considéré comme le principal maître à penser haïtien du 20e siècle.

La Grande-Rivière-du-Nord détient aussi la particularité d’avoir hérité du plus grand nombre de présidents: le général Henry Namphy, Vilbrun Guillaume Sam, Tirésias Simon Sam, Jean-Baptiste Riché, Philippe Guerrier, Jean-Jacques Dessalines.

Socio-économie durable possible en Haïti

Aujourd’hui la commune historique abrite la Coopérative agricole et cacaoyère Jean-Baptiste Chavannes, créée en 1964, regroupant 750 producteurs de cacao.

La cacaoyère haïtienne révèle les secrets de la culture de la divine plante, la fermentation et le séchage des fèves. On y fabrique un chocolat local au goût pur et unique, absolument exquis.

La Coopérative propose aux visiteurs toute une gamme de produits aux saveurs chocolatées: liqueur de cacao, poudre cacao, chocolat en liquide, huile de cacao.

C’est un riche appui à l’économie locale durable.

Tourisme éco-responsable

Rappelons la proximité de la Grande-Rivière-du-Nord à la commune de Dondon, susceptible de créer de nouvelles opportunités favorables à l’écotourisme dans la région. Les deux communes possèdent un patrimoine culturel et environnemental exceptionnel.

«À l’heure où le voyage éco-responsable n’est plus marginal, mais en train de s’imposer comme un standard, il est temps de miser sur les atouts éco-touristiques dans le Nord d’Haïti, mais aussi partout au pays», selon Dr Guerrier.

Valoriser le patrimoine haïtien

Reconnaissons les retombées socioéconomiques durables possibles en lien avec:

• le tourisme patrimonial à la Grande-Rivière-du-Nord;
• le spéléo tourisme à Dondon;
• l’agritourisme à Sainte-Suzanne;
• le tourisme historique à Milot (Citadelle Laferrière), les ruines du Palais du roi Christophe (1811);
• la cité culturelle et commerciale du Cap-Haïtien.

Sans oublier les joyaux environnementaux logés partout sur le territoire haïtien. Notamment à Jacmel et dans l’arrière-pays, dans le Sud-Est, à Vallue, en Artibonite, à Port-au-Prince, sur la côte haïtienne.

«Notre initiative se veut une démonstration concrète du possible en Haïti, terre de caractère, grâce à l’engagement citoyen essentiel», de conclure Dr Martineau Guerrier, confiant dans l’avenir.

Reste à rétablir la paix et mettre en place un gouvernement imputable, élu par le peuple.