Haïti: intervention ou révolution?

Le statu quo actuel est inacceptable

Haïti
Les armoiries d'Haïti.
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Publié 31/08/2023 par Annik Chalifour

Le Kenya a récemment conclu sa mission de reconnaissance à Port-au-Prince, visant à déterminer comment aider Haïti par le déploiement éventuel d’une force policière multinationale sous la direction des Kenyans.

Cette mission s’est conclue par la proposition kenyane de protéger les infrastructures gouvernementales haïtiennes clés, telles que l’aéroport, les ports maritimes et les routes principales, selon le journal Miami Herald.

Gouvernement insatisfait

Ladite proposition a laissé insatisfaits les membres du gouvernement provisoire haïtien. Ceux-ci souhaitent que cette force mène des opérations pour démanteler et combattre les gangs fortement armés qui terrorisent la population, rapporte Le National de Port-au-Prince.

Notons que durant leur bref séjour (20-23 août) dans la capitale haïtienne, les 10 membres de la mission kenyane n’ont pas quitté l’ambassade américaine. Ils se sont réfugiés à l’hôtel Servotel près de l’aéroport alors qu’une nouvelle vague de violence des gangs armés faisait rage à Tabarre.

Intervention militaire nécessaire?

De nombreux individus et groupes ont émis leurs opinions concernant la question d’une éventuelle intervention multinationale en Haïti.

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Voici trois points de vue d’acteurs haïtiens reconnus.

Selon l’économiste Joseph Harold Pierre, «une intervention militaire est nécessaire pour faire face à la crise haïtienne; il est urgent de garantir la stabilité politique, économique et la sécurité sur le territoire».

Mais pour qu’on puisse parler de retombées positives d’une quelconque intervention militaire, celle-ci doit être une mission réussie.

«En ce sens qu’elle doit être totale. Soit trouver l’acceptation de la population haïtienne et son orientation de la part des autorités locales; être réalisée selon les besoins de la population et des réalités du milieu», cite l’économiste.

Plus de stratégie et de moyens 

Par ailleurs Joseph Harold Pierre ajoute que le Kenya n’est pas apte à conduire de manière autonome une force multinationale en Haïti, «lorsqu’on considère les pressions qui peuvent survenir de la part des pays occidentaux comme la France, les États-Unis et le Canada».

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L’économiste souligne «que le pays chargé de diriger la mission doit être plus stratégique, disposer de plus de moyens et de force, puisque la réalité sociopolitique et sécuritaire en Haïti a totalement changé ces dernières années».

Appel aux forces nationales du pays?

Selon le coordonnateur général de l’organisme haïtien de défense des droits humains Sant Karl Levêque, Jean Gardy Maisonneuve, l’implication des deux forces nationales – l’Armée et la Police nationale d’Haïti – est indispensable pour résoudre la crise.

«J’ai été en contact avec des membres de la Police nationale et des Forces armées, ils nous ont clairement dit que cette situation peut être résolue dans trois mois ou plus, si et seulement si on met à leurs dispositions des moyens efficaces», d’affirmer M. Maisonneuve en entrevue avec Le National.

D’autre part, Jean Gardy Maisonneuve soutient que «la situation actuelle est aussi le résultat d’un appui inconditionnel des pays néocolonialistes envers ce gouvernement illégitime, impopulaire, qu’ils nous ont imposé».

La sécurité: responsabilité de l’État

Par ailleurs, dans son article – entrevue, Le National rappelle que «la question de sécurité des vies et des biens de toutes les filles et tous les fils d’Haïti doit être assurée par l’État».

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La Constitution d’Haïti (1987), article 41, prévoit «qu’aucun individu de nationalité haïtienne ne peut être déporté ou forcé de laisser le territoire national pour quelque motif que ce soit».

«L’État haïtien doit donc créer les conditions nécessaires pour que tout individu sur le territoire puisse vivre paisiblement sans crainte d’être traqué comme un animal sauvage.»

Que la révolution vienne du Grand Sud?

Selon le sociologue, entrepreneur, écologiste, chercheur en sociogronomie Abner Septembre, «le Sud, cette fois-ci, doit bien penser son devoir de soulèvement pour que tout le reste de la population trouve l’intérêt et la motivation de collaborer et de participer au changement de la réalité d’Haïti».

Le problème d’Haïti, tout en étant complexe et multidimensionnel, est avant tout et davantage sociologique que politique ou économique, opine Abner Septembre.

«Haïti est un pays hautement mystique, ce dès les premiers pas de la lutte pour l’indépendance, à Bois Caïman

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Démocratiser Haïti selon ses propres vœux

«Changer la réalité d’Haïti dépend d’un grand chambardement calculé et stratégique qui fait passer d’abord les intérêts du pays pour le bien du plus grand nombre et qui fait fonctionner l’État comme un tiers impartial et désintéressé», déclare Abner Septembre.

«Si le jour est né dans l’obscurité la plus profonde de la nuit, pourquoi devons-nous avoir peur de nous battre pour faire basculer et chavirer l’ordre actuel des choses.»

«C’est après cette phase chirurgicale, puis l’élaboration tant d’une nouvelle charte fondamentale bien pensée (Assemblée constituante) et la création d’un climat d’apaisement social qu’on pourra réaliser, selon nos propres vœux, attentes et moyens, la démocratisation institutionnelle durable de la République», conclut le sociologue.

Le choix du peuple?

Vu de l’extérieur, je me demande ce que souhaite le peuple haïtien affamé, en situation de détresse, alors que le pays est sur le bord d’une guerre civile.

Une intervention militaire ou policière? Nationale ou multinationale ou les deux? La révolution? Un coup d’état?

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En fait, le peuple haïtien peut assurer la relève socio-économique et politique d’Haiti, comme tout autre peuple en santé évoluant dans un climat de paix dans notre monde bien qu’imparfait.

Le retour de la paix est possible

On doit commencer quelque part pour garantir l’accès du peuple haïtien à la sécurité, à l’alimentation, aux soins médicaux, à l’éducation, à l’économie durable.

Réapprendre à travailler ensemble diligemment. Choisir la juste avenue afin d’assurer la protection des droits humains du peuple haïtien.

Utiliser notre compétence mutuelle à la négociation. Mener une opération solidaire, ciblée, stratégique – devenue incontournable – sensible à la réalité haïtienne.

Le statuquo actuel est inacceptable. Avançons pour le bien commun en Haïti, dans nos Amériques, et pour notre francophonie.

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Le retour de la paix en Haïti est possible.

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