Haïti : les élèves demeurent les grandes victimes de l’insécurité

Les kidnappings dominent dans les zones défavorisées

Haïti
Des élèves dans la cour de l'école Saint-Paul de Corail Cesselesse en Haïti. Photo: PEH.
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Publié 18/05/2023 par Annik Chalifour

Voici le témoignage d’un directeur d’école du Nord de la capitale d’Haïti, Port-au-Prince, à la suite d’au moins cinq assauts de bandits récemment perpétrés à Canaan, Bon Repos, Corail et Onavillle (bidonvilles situés dans la commune de Croix-des-Bouquets).

«Chacun de ces assauts engendre pillages, viols, vols, meurtres, exodes et fermetures des classes. Des familles entières doivent constamment se relocaliser.

Les kidnappings diminuent dans les quartiers riches, tandis qu’ils augmentent dans les zones défavorisées», rapporte le directeur de l’école Saint-Paul de Corail Cesselesse.

Croix-des-Bouquets.

Rappelons que l’école Saint-Paul de Cesselesse fut construite à la suite du séisme de 2010 en Haïti, grâce à l’appui de l’organisme torontois Pierspective Entraide Humanitaire (PEH).

Depuis 2012 l’école offre une éducation indispensable à plus de 500 élèves aux paliers élémentaire et secondaire.

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L’école Saint-Paul de Corail Cesselesse en Haïti. Photo: PEH.

Fermetures d’écoles, exodes, inflation

«Les écoles n’ont pas d’autres choix que de fermer en raison de la présence des bandits lourdement armés qui terrorisent la population», poursuit le directeur d’école.

«Mais aussi à cause des exodes. En quittant, les gens perdent tout ce qu’ils ont laissé dans leurs maisons.»

«Les rares familles osant rester, doivent payer pour sortir, encore pire si elles veulent sortir avec un véhicule. On peut payer jusqu’à 20 000 gourdes (134$ US) pour déplacer un véhicule.»

Entretemps la pénurie de carburant et l’inflation persistent. Les prix des courses ont doublé et ceux des produits de première nécessité ont triplé.

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Port-au-Prince entre insécurité et pauvreté. Photo: Annik Chalifour.

Lourdes pertes d’effectifs

La situation d’insécurité rend très difficile la réouverture des établissements scolaires. L’école Saint-Paul reste parmi les rares écoles des bidonvilles (zones rouges) résistant à la tentation de se jumeler à d’autres écoles pour assurer sa survie.

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«À la suite de l’invasion cruelle de Corail par des bandits de Canaan le 20 janvier dernier, l’école Saint-Paul a perdu la moitié de ses effectifs en raison du déplacement en masse des habitants d’Onaville», témoigne le directeur de l’école.

«Aujourd’hui entre 150 et 200 élèves viennent difficilement en classe car ils habitent loin. D’autre part, leurs parents sont appauvris.»

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Bidonvilles à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Photo: Annik Chalifour.

Vacuum du personnel enseignant

De nombreux enseignants et membres du personnel administratif quittent la zone métropolitaine à cause de l’insécurité et du chômage. Ces trois derniers mois, l’école Saint-Paul a perdu une vingtaine d’enseignants.

«Notre plus grand défi consiste à trouver des remplaçants compétents. Le programme de Biden (visa humanitaire) empire la situation. L’employé admis n’en parle jamais à la direction. On constate simplement qu’il ne vient plus travailler. Les impacts sont très lourds sur le système scolaire.»

Psychose de peur

«Mercredi 11 mai, tôt dans la matinée, à quelques mètres de l’école Saint-Paul, on a kidnappé trois élèves, un responsable de discipline et un parent. On a libéré les élèves et le responsable quelques minutes après.»

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«Jeudi 12 mai, on a tué plusieurs personnes qui ont été kidnappées et on a gardé le père d’une élève du secondaire. On demande à la famille 50 000 $ US pour la libération de ce parent.»

«Cette situation de grave insécurité crée une psychose de peur chez tout le monde, les élèves en particulier. Le traumatisme, le découragement, la démobilisation, le pessimisme s’empirent à côté d’une pauvreté croissante qui règne partout dans le pays.»

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Quartier Fort National, Port-au-Prince. Photo: Annik Chalifour.

Soutien psycho-social

«Malgré les détonations, les parents et les élèves s’arment de courage pour arriver à l’école. Grâce aux plats chauds et au jus naturel que nous distribuons chaque jour, on réduit l’impact de la pauvreté», détaille le directeur de l’école.

«Les rencontres individuelles et en petits groupes gardent les élèves éveillés. Aux premiers examens, mars dernier, les résultats ont été assez satisfaisants. Nous attendons ceux du début de mai.»

Pour préparer l’an prochain, l’école Saint-Paul priorisera les activités académiques. Juillet et août, si possible, seront consacrés aux activités plus légères en raison de la chaleur tropicale plus intense.

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On en profitera pour continuer le travail d’accompagnement psycho-social auprès des élèves, enseignants et parents.

Un seul repas par jour

La direction de l’école Saint-Paul remercie les bienfaiteurs (Mary’s Meals International et Pierspective Entraide Humanitaire) ayant rendu possible la distribution quotidienne des plats chauds et de jus naturel.

Selon certains témoignages, «c’est le seul repas que la plupart des élèves ont chaque jour; il n’y a rien à la maison…»

Les rues sont vides; seuls les cabris et les chiens rachitiques font la parade.

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