Justin Trudeau et la francophonie: un bilan mitigé

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De 2015 à 2025, Justin Trudeau a posé plusieurs actions pour les langues officielles, accompagnées toutefois de faux pas ou de manquements. Photo: Inès Lombardo, Francopresse
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Publié 09/01/2025 par Inès Lombardo

À l’heure du bilan, on retiendra que c’est sous Justin Trudeau que la modernisation de la Loi sur les langues officielles s’est réalisée. Plusieurs faux pas font cependant ombrage aux actions positives pour la francophonie mises de l’avant par son gouvernement.

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Liane Roy, présidente de la FCFA. Photo: Chantallya Louis, Francopresse

Dans un communiqué publié après la démission de Justin Trudeau, le 6 janvier, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a dit voir en lui un premier ministre qui «passera à l’histoire comme celui qui a mené la modernisation la plus substantielle de la Loi sur les langues officielles en une génération».

La professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal de Kingston, Stéphanie Chouinard, apporte une nuance: «Ce n’est pas évidemment le fait d’une seule personne de voir un changement de culture institutionnelle, mais il reste que les exemples viennent d’en haut, et que si les langues officielles avaient été réellement une priorité pour le premier ministre, je pense qu’on aurait vu des changements plus substantiels au sein de l’État fédéral.»

Voici neuf ans de langues officielles sous Justin Trudeau.

La modernisation de la Loi sur les langues officielles

Après six ans d’attente, 50 ans après l’adoption de la première du genre au Canada, la modernisation de la Loi sur les langues officielles s’est concrétisée en 2023.

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De longs débats ont porté sur la place des anglophones du Québec, le français du PDG d’Air Canada, les sanctions administratives, le partage de la responsabilité des langues officielles entre plusieurs ministères et le poids de l’immigration francophone au Canada.

La modernisation ne s’est pas faite sans accrocs, notamment sur la question de la place des langues autochtones dans les langues officielles. Les derniers débats au Sénat ont exposé les divergences de points de vue entre les francophones et les Autochtones.

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Stéphanie Chouinard. Photo: courtoisie

Pour Stéphanie Chouinard, même s’il faut «saluer» Justin Trudeau pour cette réforme, cette question semblait aussi, à certains égards, servir de point de négociation pour sécuriser le vote des francophones, notamment lors des élections fédérales de 2019 et 2021.

Des promesses étaient faites, mais on n’était pas certains que ça allait aboutir».

Le processus règlementaire sur la partie VII de la Loi n’était toujours pas terminé au moment de la démission du chef du Parti libéral. «C’est une tâche au tableau», commente la professeure.

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Deux plans d’action conséquents, mais avec des failles

Dans son communiqué du 6 janvier, la FCFA a salué les deux plans d’action pour les langues officielles, «qui ont permis aux francophones d’aller chercher des gains importants en termes d’investissements».

Celui de 2018 avait offert une première hausse de l’enveloppe totale depuis le tout premier plan, élaboré en 2003 par un ministre libéral d’alors, Stéphane Dion. Il ajoutait 500 millions $ sur cinq ans.

Le document n’avait toutefois pas accédé à la demande de la FCFA de financer des organismes francophones en milieu minoritaire de plus de 575 millions $ sur cinq ans.

Toutefois, dans son budget, le gouvernement a plutôt réservé un nouveau financement de 400 millions $ sur cinq ans pour les minorités linguistiques, ainsi que 88,4 millions $ par an ensuite.

Chaque année, des organismes attendent dans l’incertitude, ne sachant pas si des fonds fédéraux leur seront assurés au début de chaque exercice financier.

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En 2023, le plan d’action annonce un investissement historique de 1,4 milliard $ au total.

Un bémol toutefois: deux ans plus tôt, Justin Trudeau faisait campagne sur la promesse de financer les établissements postsecondaires francophones à hauteur de 80 millions $ par an de manière permanente. Mais ce financement ne s’est jamais concrétisé.

Immigration francophone: oublier sa propre loi

Justin Trudeau peut aussi se targuer d’avoir atteint la cible d’immigration francophone de 4,4%, fixée en 2003 mais atteinte 20 ans plus tard, en 2022.

Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, a d’ailleurs annoncé une nouvelle cible de 6%. Celle-ci demeure toutefois en dessous des revendications de la FCFA, qui aimerait voir le double.

Les francophones ont aussi été les seuls épargnés par la baisse drastique des seuils d’immigration permanente annoncée par le gouvernement Trudeau à l’automne 2024.

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La Loi sur les langues officielles comprend un «retour du poids démographique de l’ensemble des membres des minorités francophones» au niveau du recensement de 1971, le plus haut niveau atteint, soit 6,1 % de la population à l’extérieur du Québec.

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Le ministre Marc Miller. Photo: Inès Lombardo, Francopresse

Le recensement de 2021 a confirmé la diminution du poids démographique des francophones en situation minoritaire. Statistique Canada constate un recul de 0,3 point de pourcentage comparativement à 2016.

Mais comme le rappelle la professeure Chouinard, Marc Miller a décidé l’hiver dernier de plafonner les visas des étudiants étrangers «en faisant fi de sa propre nouvelle Loi sur les langues officielles, c’est-à-dire sans consulter les communautés francophones en situation minoritaire».

«Les réflexes d’application de la nouvelle loi ne sont toujours pas là, que ce soit au ministère de l’Immigration ou ailleurs», estime la politologue.

L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) a déposé une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles pour cette raison. Le ministre est revenu sur sa décision quelques mois plus tard, uniquement pour quelques étudiants francophones et sous certaines conditions.

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Pour Stéphanie Chouinard, le gouvernement, à ce moment-là, n’a pas pris en compte «l’effet potentiellement dévastateur» et «l’impact démesuré» que cette mesure aurait sur ces institutions, comparé aux établissements de la majorité.

Autre ombre au tableau: des retards liés aux dossiers d’immigrants francophones africains et les méthodes utilisées pour les traiter ont forcé le ministère de l’Immigration à admettre qu’il y avait du racisme au sein de ses services.

La bataille continue pour les garderies francophones

En février 2024, la Chambre des communes a adopté un amendement au projet de loi C-35 pour garantir le financement à long terme des garderies francophones en situation minoritaire.

Une victoire davantage attribuée à la FCFA, qui a témoigné plusieurs fois en comité parlementaire pour attester du besoin vital de ce financement.

Mais sur le terrain, la lutte n’est pas terminée. Plusieurs témoins francophones en comité cet automne ont continué de rapporter un manque criant de places pour les tout-petits dans les services de garde en français.

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Dans ce même combat, une autre bataille reste à mener: les clauses linguistiques ne font toujours pas partie – ou juste partiellement – des ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires pour les garderies.

Sans ces clauses, les places et la construction de service de garde francophones, notamment dans les régions les plus reculées du Canada, ne sont pas garanties. Sur cette question, le gouvernement fédéral a renvoyé la balle aux gouvernements provinciaux et territoriaux.

gouverneure générale, Mary Simon
En 2021, Justin Trudeau a nommé Mary Simon, qui ne parle pas français, comme 30e gouverneure générale du Canada. En 2019, il avait aussi nommé une unilingue anglophone, Brenda Murphy, comme lieutenante gouverneure du Nouveau-Brunswick, une province pourtant officiellement bilingue. En 2023, cependant, le premier ministre nomme la Franco-Ontarienne Edith Dumont au poste de lieutenante gouverneure de l’Ontario. Photo de Mary Simon: capture d’écran CPAC, Francopresse

Médias de langue minoritaire

L’Initiative de journalisme local (IJL), lancée en 2019, a permis à plusieurs médias, incluant des journaux et des radios de langue minoritaire, de produire davantage de nouvelles.

Les autres tentatives d’aide pour les médias n’ont pas un bilan aussi positif. Plusieurs conditions aux mesures mises en place empêchent les petits médias d’en profiter.

Ceci inclut la Loi sur les nouvelles en ligne, qui ne contient «aucune reconnaissance ni caractère particulier […] aux journaux et aux radios qui desservent les populations de langues officielles en situation minoritaire», soulignait le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire pendant l’étude du projet de loi.

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Le Consortium estime que 96% des médias de langue minoritaire ne répondent pas aux critères d’admissibilité, sauf peut-être dans le cas d’une exemption, comme celle demandée par Google.

La réponse à cette question se fait encore attendre, alors que Google a remis 100 millions $ pour se conformer à son entente d’exemption à la Loi. Le Collectif Canadien de Journalisme, choisi par Google pour le distribuer, devra éclaircir la question.

Le blocage des médias canadiens par Meta (Facebook et Instagram), survenu en 2023 en réponse à la Loi sur les nouvelles en ligne, a été très mal vécu par l’ensemble de la communauté journalistique du pays. Les Canadiens et les Canadiennes ne peuvent toujours pas partager les nouvelles sur les plateformes de Meta.

Entente Netflix: une décision attendue sur le contenu francophone

L’ancien député du Nouveau Parti démocratique, François Choquette, a porté plainte auprès du Commissariat aux langues officielles, à la suite de l’entente conclue entre le gouvernement de Justin Trudeau et Netflix en 2017.

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François Choquette. Photo: courtoisie

Sa motivation: malgré un investissement de 500 millions $, dont 25 millions pour le marché francophone, le montant exact destiné aux communautés francophones est resté flou. François Choquette assurait que la partie VII de la Loi sur les langues officielles n’était pas respectée.

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Le député a donc saisi la Cour fédérale après que le CLO a conclu que sa requête n’était pas fondée.

«C’est un combat pour le respect de la francophonie», affirme-t-il. La décision de justice est toujours attendue.

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