Haïti : intervention militaire ou non?

Appel à un leadership avant-gardiste

Haïti
La salle du Conseil de sécurité de l'ONU. Photo: Nations Unies
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Publié 25/10/2022 par Annik Chalifour

Vendredi 21 octobre, en réponse à la demande du chef intérimaire du gouvernement haïtien, Ariel Henry, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté unanimement une Résolution prévoyant un régime de sanctions contre les gangs armés dans le pays et ceux qui les soutiennent.

La population haïtienne demeure victime de kidnappings, viols, pénurie de carburant, d’insécurité alimentaire, de non-accès aux soins médicaux depuis une éternité…

Rappelons que samedi 15 octobre, une livraison d’équipement spécialisé et de véhicules blindés – organisée conjointement entre le Canada et les États-Unis – a atterri en Haïti pour aider la police locale à combattre l’un des gangs armés les plus puissants du pays.

Intervention militaire inévitable

Une intervention militaire est incontournable, selon le professeur et historien haïtien Georges Michel.

Georges Michel.

«Les groupes armés opèrent comme s’ils étaient en guerre. Nous avons besoin de beaucoup plus qu’une force de service et de protection pour gérer la dégradation sécuritaire du pays.»

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«Conséquence de la mauvaise gouvernance des dirigeants politiques haïtiens, mais aussi de l’échec des différentes missions onusiennes et américaines en Haïti.»

«Dans le passé, la présence d’une force militaire nationale bien équipée a empêché la progression des groupes d’hommes armés.»

«L’élimination d’un tel corps, sans une politique de sécurité nationale, a encouragé la violence et traduit aujourd’hui la prise en otage de la capitale haïtienne qui maintient le pays en situation de détresse», rappelle Georges Michel.

La population opposée à l’intervention étrangère

Cependant, certains citoyens disent non à l’éventuelle intervention militaire étrangère. Selon eux, c’est est un moyen d’aider le premier ministre Ariel Henry à consolider son pouvoir.

Entre autres, les étudiants de l’Université d’État d’Haïti, le Bureau des avocats internationaux, ainsi que plusieurs acteurs politiques condamnent la décision du gouvernement d’Ariel Henry de solliciter une intervention des forces étrangères en Haïti.

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Réactions de la diaspora

Soulignons le plaidoyer du PDG de la Fondation Sylvenie Lindor à Toronto, Amikley Fontaine. Il appelle les signataires des accords (partis civils et formations politiques haïtiens) et le premier ministre intérimaire à trouver une solution durable.

Amikley Fontaine.

«Si la communauté Internationale veut vraiment aider Haïti, il faut arrêter la source qui approvisionne l’insécurité par la mise en place de structures comme le Plan Marshall (1948). Surtout, nous ne pouvons accepter ce soutien au Premier ministre actuel», a réitéré Amikley Fontaine.

«L’objectif est d’aider Haïti à avancer vers l’autodétermination et l’indépendance économique. Haïti est une république démocratique. Les principes démocratiques devraient s’y appliquer.»

«Le Canada ne peut pas jouer timidement, il faut un plan durable pour aider le pays à sortir de ce marasme économique et politique. L’établissement d’un gouvernement provisoire pour l’organisation des élections générales au pays.»

Maison d’Haïti

«On souhaite que l’actuel premier ministre illégal démissionne», a récemment déclaré la vice-présidente de l’organisation communautaire Maison d’Haïti (Montréal), Chantal Ismé.

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Chantal Ismé.

«Qu’il y ait une coopération qui soit respectueuse de la dignité et de la souveraineté d’Haïti. Mais qui ait aussi accès aux besoins réels d’Haïti. Il faut aller écouter avant de donner de l’aide.»

Par ailleurs «une intervention militaire étrangère est vue comme une solution de dernier recours», selon le directeur de CPAM 1410, radio desservant la communauté haïtienne de Montréal, Jean-Ernest Pierre. «Car les résultats d’anciennes interventions du genre ont laissé de mauvais souvenirs à la population locale.»

Crise avant tout politique

«Contrairement à certaines personnes qui pensent que la crise haïtienne est essentiellement sécuritaire, je crois qu’elle est avant tout politique», cite Alex Milhomme, enseignant, chef du projet Jardin botanique de Ouanaminthe en Haïti.

«Et la solution passe par un compromis entre les acteurs pour mettre un gouvernement de transition inclusif qui témoigne du rapport de force sur le terrain afin d’organiser des élections le plus rapidement possible.»

Haïti, jardin botanique
Alex Milhomme.

«On a déjà essayé la solution militaire, on connaît déjà le résultat.»

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«Pour que cela fonctionne, l’envoi de militaire doit être accompagné d’un compromis politique permettant de mettre en place un gouvernement de transition beaucoup plus inclusif pour organiser les élections générales à l’intérieur de deux ans.»

Leadership avant-gardiste 

Rappelons que l’ONU a aussi demandé à tous les leaders politiques haïtiens – acculés au pied du mur depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en juillet 2021 – de s’engager dans des négociations constructives en vue de trouver des solutions viables pour sortir Haïti de l’impasse politique actuelle.

Entre temps le député canadien d’origine haïtienne, Emmanuel Dubourg, en a appelé «à la solidarité du Parlement du Canada envers le peuple haïtien confronté à une crise multidimensionnelle aiguë».

Emmanuel Dubourg.

En plus de la livraison de blindés, faisons preuve d’avant-gardisme politique. Ne faudra-t-il pas davantage que du renfort auprès de la Police nationale d’Haïti pour rétablir la stabilité socio-politique en Haïti?

Approche égalitaire

Entamons une approche de communication-médiation égalitaire sur le terrain avec les acteurs haïtiens. Les négociations internes sont au point mort depuis trop longtemps.

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L’objectif devrait être de favoriser la tenue d’élections démocratiques dès que le contexte sécuritaire le permettra.

Il faut encourager l’évolution autonome possible vers l’économie durable et l’équité sociale en Haïti… Selon les besoins identifiés par et pour Haïti, dans le respect des compétences, des forces et des expertises haïtiennes.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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