Trump vs Clinton en novembre… ou Cruz vs Sanders?

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Publié 08/03/2016 par François Bergeron

J’ai regardé ce weekend les quatre premiers épisodes de la quatrième saison de House of Cards, l’une des meilleures séries dramatiques des dernières années à la télé.

Malheureusement, les manigances fictives de Frank Underwood et de son épouse sont dépassées en 2016 par la réalité scabreuse de la politique américaine. Il y a quatre ans, les créateurs de House of Cards n’auraient pas été pris au sérieux s’ils avaient proposé des protagonistes comme Donald Trump et Bernie Sanders.

Je connais plusieurs admirateurs de Sanders, jeunes et vieux, qui s’insurgent de le voir constamment adossé à Trump en tant que politicien populiste atypique venant bousculer l’establishment de son parti.

Cette comparaison est injuste en ce qu’elle occulte l’essentiel, disent-ils: la décence et l’authenticité de Sanders contre la grossièreté et la frime de Trump, décrit chez nous comme «Rob Ford avec des bombes atomiques».

Tous deux dénoncent «Wall Street» et la libéralisation du commerce international, qui auraient floué les gens ordinaires, ce que ne fait pas Hillary Clinton.

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Aucun des deux ne cherchera à brimer le libre choix en matière d’avortement ou à s’opposer au mariage gai comme Ted Cruz. Trump promet même d’améliorer le nouveau système d’assurance-santé instauré par Barack Obama au lieu de le détruire.

Sanders et Trump semblent se moquer des limites constitutionnelles du pouvoir présidentiel. Ils demandent un mandat pour repousser ces limites afin d’intervenir massivement dans les affaires des citoyens, des juridictions locales et à l’extérieur, en socialiste ou nationaliste à l’européenne qu’ils seraient s’ils n’étaient pas si quintessentiellement Américains.

L’opposition à Trump au sein du Parti républicain se reconnaît d’ailleurs désormais comme «constitutionnaliste».

Justement à cause de la séparation et de la limitation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires imposées par la Constitution des États-Unis, ni Sanders ni Trump ne seraient en mesure de réaliser tout ce qu’ils proposent. Mais, dans l’éventualité de l’élection de l’un ou l’autre en novembre, ce serait là une mince consolation en regard de la défaite infligée aux idées originales fondatrices des États-Unis.

Malgré l’avance de Clinton chez les Démocrates et de Trump chez les Républicains après une vingtaine de primaires, je crois encore aux chances de Sanders et de Cruz.

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Véritable incarnation du pragmatisme, Clinton a dit tout et son contraire au fil des ans. Elle traîne des casseroles et n’inspire personne, son meilleur argument étant que «c’est son tour», c’est-à-dire le tour d’une femme d’accéder à la Maison-Blanche. Or les Démocrates carburent aux émotions qui animent et que leur fait vivre le vieux radical du Vermont, actif en politique depuis le début des années 1960.

Trump est lui aussi un motivateur hors pair, et sa candidature-spectacle touche des cordes sensibles, principalement la «colère» (c’est ce que tout le monde dit…) d’un bon nombre d’Américains contre l’incompétence de leur gouvernement, illustrée par les difficultés économiques, l’immigration hors de contrôle et les aventures militaires ruineuses qui n’ont fait qu’amplifier la menace islamiste.

Mais les Républicains sont censés être plus conservateurs et moins impressionnés par les émotions que par la raison, même quand elle est impopulaire. Si cela tient toujours (un gros «si»), c’est Cruz qui devrait en profiter à la fin. À l’aise devant les foules autant qu’en petit comité ou face aux médias sérieux, il est souvent persuasif quand il traite d’autres sujets que sa religion.

Il est fort possible que Trump se rende cet été à la convention républicaine aux commandes d’une pluralité de délégués, mais qu’il se fasse ravir l’investiture du parti par le report sur Cruz du vote des délégués des autres candidats.

Sanders pourrait triompher de Clinton, comme Obama en 2008 et pour les mêmes raisons. Contrairement à Obama, toutefois, il arrive après huit ans d’administration démocrate qui n’a pas fait que des heureux.

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Au cours de ces élections primaires, les Républicains mobilisent beaucoup plus d’électeurs que les Démocrates: il sera très difficile (pas impossible bien sûr) de remonter cette pente. Sanders ou Clinton ne réussiraient à devancer Cruz que si Trump, évincé chez les Républicains, choisissait de rester dans la course comme indépendant. Contre Trump seul, qui antagonise beaucoup d’Américains, les Démocrates seraient mieux positionnés.

Comparé à cette télé-réalité, House of Cards c’est Les Beaux Dimanches !


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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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