Commémoration et sensibilisation au forum des hommes alliés d’Oasis

hommes alliés d'Oasis Centre des femmes
Cérémonie en mémoire des 14 jeunes femmes tuées à l'École Polytechnique de Montréal le 6 décembre 1989. Photo: page Facebook d'Oasis
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Publié 09/12/2025 par Soufiane Chakkouche

Le panel était exclusivement constitué d’hommes en ce 5 décembre au Collège Boréal, à l’occasion de l’événement commémoratif et mobilisateur autour de la prévention de la violence basée sur le genre organisé par Oasis Centre des femmes. Et pour cause, la parole y a été donnée aux hommes alliés de cet organisme torontois d’aide aux femmes en détresse.

Pour la première participation d’Inès Benzaghou au forum des hommes alliés d’Oasis en tant que directrice générale, tout s’est déroulé comme sur des roulettes, sans anicroches ni voix discordantes, contrairement à l’édition 2023.

Beaucoup d’émotion

Tant s’en faut, il y régnait une atmosphère teintée d’émotion, surtout lors de la première partie de l’événement où il était question de la commémoration du féminicide de l’École Polytechnique de Montréal survenu en 1989 et où 14 femmes ont laissé la vie.

Pour ce faire, l’organisation a invité l’auteure Michèle Laframboise, en plus d’Isabelle Dostaler, vice-rectrice aux études et à la recherche à l’UOF, qui étaient étudiantes à Polytechnique au moment du drame. Elles ont livré des témoignages poignants, ce qui n’a pas manqué de tirer une larme à Serge Paul, fondateur du groupe des hommes alliés d’Oasis et animateur de la soirée.

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Isabelle Dostaler et Michèle Laframboise. Photo: Soufiane Chakkouche, l-express.ca

«Ce jour-là, j’étais à l’École Polytechnique, mais je suis sortie un peu avant 17h30. Donc je n’ai pas vu de sang. Mais c’était un cauchemar quand j’ai su qu’on a tué tout ce monde derrière mon dos. J’ai été très affectée par ce drame, au point d’avoir eu recours à l’aide psychologique», relate Michèle Laframboise.

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Même émotion palpable dans la voix d’Isabelle Dostaler. «Ce qui m’a fait plaisir, c’est qu’il y a quelques années, on a vraiment appelé un chat un chat en faisant référence à ce tragique événement comme étant un féminicide. C’est d’autant plus important qu’il y a un inquiétant ressac aujourd’hui concernant les gains et les terrains parcourus par les femmes.»

Toucher le problème à la source

Quant à la deuxième partie de l’événement, consacrée aux échanges sur le rôle des hommes alliés dans la lutte contre la violence basée sur le genre, ainsi qu’au lancement du projet de recherche-action Sa lutte, ma lutte visant à comprendre le rôle des hommes dans la prévention des violences faites aux femmes, on est allé droit au but.

«On veut trouver un moyen pour atteindre les hommes», explique Inès Benzaghou. «On a organisé le même événement l’année dernière, il y a eu très peu d’hommes. Cette année on a un peu plus d’hommes, et on espère que chaque année il y en a de plus en plus si on trouve les outils et la méthodologie pour les sensibiliser et les mobiliser.»

Le but étant de réussir à amener «ceux qui n’osent pas venir à ce genre d’événement ou qui n’osent même pas parler de violences basées sur le genre… peut-être parce qu’ils ont peur d’être stigmatisés ou jugés par les autres hommes».

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Inès Benzaghou, directrice générale d’Oasis Centre des femmes. Photo: Soufiane Chakkouche, l-express.ca

Des propos que Karim Djinko, formateur de leaders, partage largement, à la différence près que le vocable «allié» lui pose problème. «Les hommes font partie du problème, donc ils doivent faire partie de la solution. C’est pour cela que je n’aime pas le terme allié. Je ne suis pas un allié, je suis partie prenante d’une situation dont je suis en partie responsable au sens collectif du terme.»

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Même son de cloche du côté de José Kouadio, auteur et producteur du film Face cachée, lequel intervenait via vidéoconférence. «En tant qu’hommes, nous devons être courageux et dénoncer ces situations, car il n’y a rien qui puisse justifier les crimes ou les violences basés sur le genre.»

Miser sur l’éducation

Par ailleurs, les trois panélistes avaient accordé leurs violons pour dire que l’éducation est la base de toute mobilisation ou prise de conscience, notamment pour les générations futures.

«Avant de parler d’actions, il faut parler d’éducation pour une prise de conscience», déclare Funch Curier, consultant en basketball et agent de projet chez Point Ancrage Jeunesse.

«Ce n’est pas un problème d’hommes ou de femmes», dit-il. «C’est un problème de l’être humain, et c’est ensemble qu’on doit devoir s’éduquer, trouver des solutions et avancer.»

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Karim Djinko, Funch Curier, Serge Paul. Photo: page Facebook d’Oasis
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Les hommes alliés panélistes de l’activité annuelle d’Oasis Centre des femmes.

Un avis concordant avec celui de José Kouadio, qui met le rôle de l’homme au centre de l’échiquier:

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«Notre rôle, nous les hommes, est central parce que personne ne nait violent. On apprend, on observe selon les circonstances et c’est là que cette violence se forme. Il faut être des hommes conscients, éduqués par rapport au rôle qu’on doit jouer dans cette lutte, c’est très important et c’est ce qui m’a motivé à mener ce projet de film.»

Durcir la législation

L’autre solution à ce fléau est celle de cette forme d’indulgence sur le plan législatif et judiciaire, que les panélistes estiment qu’on gagnerait à durcir.

«C’est vrai qu’il faut d’un côté l’éducation, mais, de l’autre, il faut des lois dissuasives qui vont décourager les auteurs des violences basées sur le genre. Récemment, en Italie, une loi a été votée. Celle-ci considère le féminicide comme un crime à part entière punissable par la perpétuité, c’est une mesure très forte à mon sens», souligne José Kouadio.

À cela, Karim Djinko complète: «Bien sûr qu’il faut des peines plus sévères envers les hommes violents, mais il faut aussi de la prévention.»

Funch Curier fait remarquer que «la justice, telle qu’elle est actuellement conçue, n’intervient qu’après que la faute a été commise. Il est donc crucial d’investir dans l’éducation pour prévenir la commission d’actes répréhensibles.»

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Rassemblement commémoratif d’Oasis Centre des femmes dans l’auditorium du Collège Boréal. Photo: Soufiane Chakkouche, l-express.ca
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Évolution de la violence conjugale et familiale à Toronto. Source: Police de Toronto

Un premier rapport de la police de Toronto

Par ailleurs, Inès Benzaghou porte à la connaissance de l-express.ca le rapport annuel publié en novembre dernier, premier du genre, de la police de Toronto sur la violence conjugale. Un fait qui donne à la fois une lueur d’espoir et la mesure du travail qui reste à accomplir.

On peut y lire qu’en 2024, 20 389 cas de violences conjugales et de violences familiales ont été signalés, contre 16 216 de janvier au 6 novembre 2025.

Le rapport annonce également la création d’un portail de données de sécurité publique concernant la violence conjugale.

Quant à savoir si, un jour, des hommes intégreront le conseil d’administration d’Oasis Centre des femmes, sa directrice générale indique qu’«il n’aura probablement jamais d’hommes au CA d’Oasis».

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