Wilfrid Laurier a favorisé une politique migratoire expansionniste

«Conférence théâtrale» de la SHT

Immigration dans les prairies canadiennes.
Immigration dans les prairies canadiennes. Photo: Musée canadien de l'immigration.
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Publié 23/06/2024 par Lila Berdai

À la fin du 19e siècle, le Canada entre dans l’ère du libéralisme avec Wilfrid Laurier, septième premier ministre du Canada mais premier Canadien-Français à cette fonction. Son objectif: faire du Canada une grande puissance à l’aide d’une politique migratoire.

C’est ce que nous a fait découvrir le conférencier et comédien Christian Bode,  lors de la conférence Wilfrid Laurier – les Doukhobors, les Ukrainiens, les Français, les Noirs, organisée par la Société d’Histoire de Toronto, la semaine dernière à l’Alliance française.

C’est sous la forme d’une «conférence théâtrale» – pas une pièce de théâtre, mais presque – que Christian Bode s’est glissé dans la peau de Wilfrid Laurier, afin de retracer ce pan d’histoire du Canada, entre témoignages et lecture de textes politiques.

Ce 12 juin sur la scène du théâtre de l’Alliance française de Toronto, il était accompagné par les comédiens Hadrien Volle, dans le rôle d’un conférencier journaliste, ainsi que de Régine Guyomard et François Maurice, qui interprétaient respectivement une immigrante ukrainienne et un Doukhobor.

Christian Bode intérprète Wilfried Laurier.
Christian Bode interprète Wilfrid Laurier.

Wilfrid Laurier, père du libéralisme

Né en 1841 au Québec, Wilfrid Laurier était avocat avant de devenir l’une des figures politiques les plus influentes de l’histoire du pays, qu’il a dirigé de 1896 à 1911. Élu à la Chambre des communes en 1874, il devient chef du Parti libéral.

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Cette période, marquée par la relance d’une croissance économique prometteuse et d’un développement des industries, présente de nouveaux défis face auxquels Wilfrid Laurier doit s’adapter.

À la fin du XIXe siècle, la doctrine libérale est controversée, considérée comme véhiculant des idées perverses selon les catholiques.

Wilfrid Laurier rappelle que le libéralisme n’est pas une idée nouvelle. Il s’agit de s’adapter aux nouvelles mutations qui traversent le pays, à l’aide de réformes.

«L’Ouest est vide, il faut le peupler»

En 1885, le chemin de fer transcontinental voit le jour. Cette innovation technique permet l’exploitation de vastes terres agricoles dans les Prairies canadiennes, un atout économique non négligeable.

Sous l’influence de Clifford Sifton, procureur général du Manitoba, Wilfrid Laurier stimule le peuplement de l’Ouest canadien.

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Clifford Sifton.
Clifford Sifton. Photo: Wikipédia.

Ce projet impliquait le rachat des terres des populations autochtones et la signature d’accords avec les Métis, afin de réaménager le territoire en construisant des villes et en développant les infrastructures.

Cette politique a également encouragé l’essor des secteurs des ressources naturelles comme l’exploitation minière et forestière. En 1905, les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan voient le jour, marquant une étape significative dans l’expansion et la gouvernance du Canada.

Commerce et diplomatie

Sous Wilfrid Laurier, le Canada s’émancipe peu à peu de la Grande Bretagne et cherche sa propre autonomie. C’est d’ailleurs ce qui caractérisera le libéralisme face au conservatisme.

Face aux États-Unis, en dépit de tensions territoriales liées à l’Alaska ou encore aux frontières maritimes et au développement de la pêche, la croissance industrielle favorise les échanges commerciaux entre les deux pays.

Les Doukhobors, «lutteurs de l’esprit»

Le peuplement des plaines de l’Ouest Canadien ne se pas fait du jour au lendemain. Le gouvernement canadien invite des milliers d’immigrants de s’installer sur le territoire… dont des Doukhobors.

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En conflit avec les tsars en Russie, les Doukhobors sont en rupture avec l’Église orthodoxe et défendent des valeurs pacifistes. Appelés «lutteurs contre le Saint-Esprit» en Russie, ils se définissent plutôt comme des «lutteurs avec le Saint-Esprit».

En 1899, ils sont près de 7500 à arriver en bateau au Canada. Alors qu’ils sont persécutés en Russie, Wilfrid Laurier et Clifford Sifton voient en les eux le profil parfait pour repeupler les terres nouvelles de la Saskatchewan.

Ils y vivront alors en communautés, finissant par devenir copropriétaires de ces terres, acteurs du plan lancé par le gouvernement libéral.

doukhobors, Wilfrid Laurier
Femmes doukhobors tirant une charrue à Thunder Hill au Manitoba. Photo: Bibliothèque et Archives Canada, domaine public, Wikimedia Commons

Intensifier les flux migratoires

Tout comme les Doukhobors, de nombreux autres immigrants viennent peupler l’Ouest canadien: des flux migratoires servant à enclencher la croissance du pays.

Environ 7000 Ukrainiens arrivent pour travailler dans les champs du Canada. Les tensions resurgissent avec l’arrivée de 6000 Américains et Britanniques en 1899, accentuant les défis d’intégration et les remises en question des droits des immigrants.

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Malgré cela, Wilfrid Laurier continue de promouvoir une immigration ambitieuse visant à augmenter la population canadienne de 6 millions au début des années 1900 à 20 millions au début du 20e siècle.

Immigration ukrainienne.
Immigration ukrainienne dans l’Ouest canadien. Photo: Musée canadien de l’immigration.

Comme quoi l’histoire se répète, le Québec reproche au gouvernement libéral de ne pas réussir à attirer les immigrants francophones, malgré ses efforts pour attirer les populations françaises, belges ou encore suisses, notamment à l’aide de publicités.

En 1911, les gens de l’Ouest s’opposent à l’immigration des Noirs américains malgré leur faible nombre – «un gaspillage des fonds publics» selon des journaux comme Le Devoir. Des pétitions circulent à Edmonton contre ces immigrants, entraînant un moratoire d’un an qui sera ensuite annulé.

Avant la Première Guerre mondiale, environ 400 000 immigrants provenant d’autres pays d’Europe de l’Est et même d’Asie ont colonisé l’Ouest canadien.

Parallèlement, un million de Canadiens-Français, fuyant la pauvreté, travaillent dans les usines de la Nouvelle-Angleterre. Des critiques attaquent Wilfrid Laurier pour avoir attiré une certaine catégorie d’immigrants au dépens de l’influence française.

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Publicité incitant les immigrants à venir s'installer dans l'Ouest Canadien.
Publicité incitant les immigrants à venir s’installer dans l’Ouest Canadien. Photo: Musée canadien de l’histoire.

Défaite du gouvernement Laurier et controverses

Au regard des progrès mis en œuvre par le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier, son programme aura suscité de nombreuses désapprobations, le laissant avec une réputation mitigée.

Malgré ses efforts pour trouver un compromis entre impérialistes (britanniques) et nationalistes (canadiens), sa création de la Marine royale canadienne en 1910 pour soutenir l’Angleterre a été très critiquée.

Un an plus tard, accusé au contraire de favoriser une annexion politique avec les États-Unis, Wilfrid Laurier perd les élections face aux conservateurs qui reprennent le pouvoir.

Marine royale canadienne.
Un navire de la Marine royale canadienne. Photo: Musée virtuel canadien.

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