Le Canada a connu deux lois sur les langues officielles… Il en faut une troisième

Le 50e anniversaire: une occasion de se réjouir et de s’indigner

L'État fédéral est censé être bilingue... mais est-ce que ça suffit?
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Publié 26/09/2019 par Gérard Lévesque

Le Canada a connu deux lois sur les langues officielles. La première adoptée en 1969 sous le gouvernement libéral du premier ministre Pierre Elliott Trudeau. La deuxième en 1988 sous le gouvernement conservateur du premier ministre Brian Mulroney.

Pierre Elliott Trudeau, premier ministre du Canada de 1968 à 1979, et de 1980 à 1984.

Le 50e anniversaire de la législation fédérale sur les langues officielles nous fournit une occasion de souligner le progrès réalisé au cours des années grâce à la participation de législateurs, de juges, de fonctionnaires et de citoyens.

Cette législation nationale a fortement inspiré les gouvernements provinciaux et territoriaux et un grand nombre d’administrations locales à reconnaître leurs responsabilités à l’égard des droits linguistiques.

De dispositions législatives à dispositions constitutionnelles

La première Loi sur les langues officielles a contribué à préparer les esprits à l’adoption de dispositions linguistiques constitutionnelles.

Brian Mulroney, premier ministre du Canada du 17 septembre 1984 au 25 juin 1993.
Brian Mulroney, premier ministre du Canada du 17 septembre 1984 au 25 juin 1993.

En 1971, à la Conférence constitutionnelle de Victoria, l’Ontario, alors dirigé par le conservateur John Robarts est d’accord à ce que la Constitution canadienne inclue l’énumération de droits linguistiques pour les Ontariens.

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Son successeur à la direction de notre province, William Davis, préfère plutôt une politique de petits pas. En 1978, il refuse que le projet de loi sur les services en français, présenté par le député Albert Roy passe à l’étape de la troisième lecture.

La francophonie ontarienne se mobilise et, entre autres, publie une page de protestation dans le quotidien The Globe and Mail.

En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés entre en vigueur sans avoir de dispositions linguistiques spécifiques pour le territoire où réside le deuxième groupe francophone le plus nombreux au Canada.

Projets pilotes dans l’appareil judiciaire

L’ancien ministre et juge en chef de l’Ontario, Roy McMurtry.

Malgré l’opposition de certains de ses collègues du cabinet et de ses hauts-fonctionnaires, le procureur général Roy McMurtry va de l’avant avec des projets pilotes favorisant l’utilisation du français dans l’appareil judiciaire. Il réussit à faire reconnaître le français langue officielle des tribunaux.

En 1984, l’arrivée du gouvernement libéral minoritaire de David Peterson, appuyé par le Nouveau Parti démocratique, mené par Bob Rae, met un terme à l’hégémonie du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario qui dirige la province depuis 1943. En 1986, le projet de Loi sur les services en français présenté par le député Bernard Grandmaître est adopté.

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Bernard Grandmaître, le 1er ministre des Affaires francophones de l’Ontario.

Le 6 juin dernier, la députée Nathalie Des Rosiers dépose, en première lecture à l’Assemblée législative de l’Ontario, son projet de Loi sur la Francophonie.

Pour une nouvelle LLO fédérale…

Au fédéral, nous avons besoin d’une nouvelle Loi sur les langues officielles qui va, entre autres:

– entériner le critère de la jurisprudence bien établie de la Cour suprême du Canada en matière d’interprétation des droits linguistiques;

– spécifier que l’immigration doit contribuer au rattrapage du poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire;

– consacrer le principe de l’égale valeur et de l’égale autorité de la version française et de la version anglaise des jugements des tribunaux fédéraux.

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Mélanie Joly, ministre fédérale des Langues officielles.

… et une nouvelle LSF provinciale

En Ontario, nous avons besoin d’une nouvelle Loi sur les services en français qui va notamment inclure le concept de l’offre active et consacrer le principe de l’égale valeur et de l’égale autorité de la version française et de la version anglaise des jugements de notre Cour d’appel.

Il est honteux de constater qu’il n’y a pas encore de version authentique française d’une partie importante de la Constitution canadienne. Il est inacceptable que l’article 16 de la présente Loi sur les langues officielles exempte la Cour suprême du Canada de l’obligation des tribunaux fédéraux relative à la compréhension des langues officielles.

Que faut-il conclure de tout cela? Il n’y a pas de parti politique qui a l’exclusivité de favoriser la progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais. Dans chaque parti, il y a des gens qui sont en faveur des langues officielles, des gens qui sont indifférents et d’autres qui sont contre les langues officielles.

Caroline Mulroney, ministre des Affaires francophone de l’Ontario.

Les élections du 21 octobre

La présente période électorale est une occasion pour tous les citoyens de faire progresser les politiques publiques en discutant avec les candidats qui vous intéressent.

Qu’il s’agisse de droits linguistiques, environnement, économie, immigration ou autres, je vous invite à identifier, dans le parti de votre choix, le champion ou la championne susceptible de prendre en main votre cause. Grâce au crédit d’impôt, une contribution financière de 20$ revient à un coût de 5$, une contribution de 100$ ne coûte que 25$, et une contribution de 400$ signifie un coût de 100$.

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Votre contribution peut se faire en ligne par l’entremise du site Internet du parti politique que vous appuyez. Voilà un excellent moyen d’encourager des candidatures, de participer à la démocratie et de faire avancer la ou les causes qui vous intéressent.

Deux poids deux langues

Ce survol est nécessairement incomplet. Voilà pourquoi je vous recommande la lecture de Deux poids deux langues, ouvrage de l’historien Serge Dupuis, publié ce mois-ci aux Éditions du Septentrion. Il s’agit d’une excellente synthèse de l’évolution du bilinguisme franco-anglais au Canada, mettant de l’avant les tendances qui se sont imposées et les évènements marquants.

Serge Dupuis.

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Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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