Justice pour les « p’tites filles »

Prix Citron et Poisson d'avril

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Publié 01/04/2019 par Gérard Lévesque

Lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, le 17 mars dernier, l’ancien premier ministre Brian Mulroney a écorché, sans la nommer, la députée provinciale de Glengarry-Prescott-Russell: «La p’tite fille qui a démissionné, elle est partie. C’est fini là.»

À la suite d’un tollé de protestations, il a admis qu’il aurait dû employer l’expression jeune femme au lieu du terme «p’tite fille».

Le contexte dans lequel une personne utilise p’tite fille ou p’tit gars révèle si s’agit d’une description positive ou négative.

Jean Chrétien, un autre ancien premier ministre canadien, n’est plus petit depuis son enfance. Cependant, il aime encore se présenter comme étant le p’tit gars de Shawinigan. Dans son cas, c’est un terme familier, affectueux, qui démontre la fierté de l’endroit où il a grandi et le fait qu’il a gravi les échelons.

résistance franco-ontarienne
Amanda Simard

« P’tite fille » devenue grande

Née le 27 février 1989 à Ottawa, Amanda Simard grandit à Embrun. La ville d’Embrun doit son nom à la commune française d’Embrun, dans les Hautes-Alpes. C’est l’Embrunais d’origine française François-Xavier Michel qui suggéra ce nom en souvenir de son pays d’origine.

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En 2013, Amanda Simard complète des études de droit en français (2013) à l’Université d’Ottawa. De 2014 à 2018, elle est membre du Conseil de la municipalité de Russell, un canton dans les Comtés unis de Prescott et Russell.

Le 7 juin 2018, elle devient la première femme à être élue pour représenter à l’Assemblée législative de l’Ontario la circonscription provinciale de Glengarry-Prescott-Russell.

De juillet à novembre 2018, elle est adjointe parlementaire de la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney.

Cependant, après les décisions du gouvernement ontarien contre la francophonie ontarienne, elle annonce le 29 novembre 2018 son  départ du parti conservateur. Depuis, elle siège comme indépendante.

La démarche de désolidarisation de la députée Simard à l’endroit du gouvernement conservateur a contribué à faire connaître au niveau international la crise politico-linguistique, comme en fait foi l’article du journaliste Ian Austen, publié dans le New York Times: Ontario Has Francophones? Oui, Beaucoup, and They’re Angry.

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Non indifférence de la France

Le 10 octobre 2008, j’ai eu l’occasion de rencontrer un membre du Sénat de FranceChristophe-André Frassa, pour échanger sur la nécessité de conclure entre pays francophones des accords de réciprocité en matière d’obligations alimentaires.

Il y a quelques jours, le sénateur Frassa a profité d’un courriel qu’il m’envoyait sur un autre sujet (dont je vous ferai part dans une prochaine chronique) pour me laisser savoir de la façon suivante qu’il était bien au courant de la situation ontarienne: «Il est inutile de vous préciser que ces mesures visant spécifiquement les francophones de l’Ontario ont soulevé la colère de toute la francophonie canadienne qui s’est mobilisée jusqu’au Parlement pour dénoncer ces décisions. Vous connaissez sans doute la situation de Amanda Simard qui, après avoir fortement critiqué ces coupures, alors qu’elle était membre du parti au pouvoir, a décidé de quitter son groupe pour siéger comme indépendante. Situation emblématique du malaise qu’il y a aujourd’hui en Ontario puisque Madame Simard était l’adjointe parlementaire à la ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario.»

Lorsque les frères Doug et Rob Ford étaient en politique municipale, ils aimaient référer à leurs sympathisants comme étant la nation Ford. Devenu premier ministre, Doug Ford continue la tradition.

La Nation Simard

La députée Simard serait justifiée d’utiliser, elle aussi, le terme nation. Dans le territoire qu’elle représente à l’Assemblée législative de l’Ontario, il y a non seulement une rivière Nation mais aussi une municipalité désignée La Nation.

Créée à la suite de la fusion des cantons de Caledonia, Cambridge et Plantagenet Sud ainsi que du village de Saint-Isidore, cette entité a une population à près de 70% francophone.

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Il y a une autre raison qui milite en faveur de la Nation Simard. Dans la circonscription électorale de Amanda Simard, il y a aussi la municipalité de Clarence-Rockland, créée en 2001 lors de la fusion de plusieurs municipalités avoisinantes dont Clarence Creek. Or, c’est dans cette dernière localité qu’a été publié, le 1er avril 1895, le premier numéro du journal Le Ralliement.

Nul autre que Henri Bourassa, futur fondateur du quotidien Le Devoir, y écrit: «Nous maintiendrons sans faiblesse (dans l’ouverture aux autres) les droits de la population française de ce pays… garantis par les traités et les constitutions.»

Henri Bourassa a été député à Ottawa, puis à Québec. Lui aussi, il a été réfractaire aux lignes partisanes obligées des partis politiques.

Susciter un débat et une réflexion

L’objectif d’attribuer des prix Citron est habituellement de susciter un débat et une réflexion. Pour l’année 2018-2019, Impératif français décerne un de ses prix Citron à Doug Ford, «qui a fermé la première université de langue française en Ontario avant même que celle-ci n’accueille sa première cohorte étudiante et qui a, de plus, aboli le ministère des Affaires francophones (pour ensuite le recréer sous pression populaire!)».

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Impératif français est un organisme culturel de recherche et de communication voué à la promotion de la langue française, de la culture d’expression française et de la francophonie.

En 2001, il a décerné son Prix d’excellence Lyse-Daniels à L’Express de Toronto pour marquer la contribution de notre publication au rayonnement de la langue et de la culture françaises en Ontario.

Mieux vaut en rire

En 1564, Charles IX impose à l’ensemble du royaume de France la date du 1er janvier comme premier jour de l’année au détriment du 1er avril. En réaction à cette décision, il semble que des sujets du roi décident de se remettre dorénavant, le premier jour d’avril, de faux cadeaux et de se jouer les uns les autres des tours pendables. Au cours des siècles, la tradition se poursuit.

De nos jours, il faut souvent suivre l’actualité pour pouvoir comprendre la subtilité de certains poissons d’avril. Ainsi, dans le cas présent, il faut savoir que, le 15 novembre dernier, le gouvernement ontarien a annoncé qu’il n’allait plus financer la mise en place de l’Université de l’Ontario français.

De plus, la Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité, adoptée le 6 décembre dernier, a réduit considérablement les droits de la population ontarienne, notamment dans les trois domaines suivants.

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Par l’annexe 15, la Charte des droits environnementaux de 1993 est modifiée de manière à ce que les fonctions qui sont actuellement associées au poste de commissaire à l’environnement soient transférées au ministre de l’Environnement et au vérificateur général.

Par l’annexe 20, La Loi sur les services en français est modifiée de manière à ce que les fonctions qui sont actuellement associées au poste de commissaire aux services en français soient transférées à l’ombudsman.

Par l’annexe 34, la Loi de 2007 sur l’intervenant provincial en faveur de l’enfant et des jeunes est modifiée pour exiger de l’intervenant qu’il n’ouvre pas de nouvelles enquêtes le jour où les fonctions de l’ombudsman sont élargies. Des exigences sont imposées à l’intervenant en ce qui concerne des questions en cours et le renvoi de celles-ci à l’ombudsman.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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