Le français au Canada pourrait-il un jour disparaître?

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Publié 15/07/2021 par Michèle Villegas-Kerlinger

Dernièrement, il y a beaucoup de discussions au sujet de l’avenir du français au Canada, autour de la Loi sur les langues officielles au Canada, de la Charte de la langue française au Québec, des services en français offerts par le gouvernement de l’Ontario…

C’est que le français, en déclin presque partout au pays depuis quelques années, aurait besoin de lois plus strictes pour assurer sa vitalité au Canada.

français au Canada

Même au Québec, berceau de la langue française en Amérique du Nord, la situation n’est pas rassurante.

En 2016, 81,5% de la population québécoise utilisait le français comme langue d’usage contre 83% en 2001. Et en 2016, 78% des Québécois déclaraient le français comme langue maternelle contre 81,5% en 2001.

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La situation est particulièrement alarmante dans la grande ville de Montréal. Pour l’année 2031, on prévoit que le pourcentage de francophones dans la métropole ne formeront plus que 47% de la population.

Québec

Montréal

Mais avec plus de 7 millions de francophones au pays, est-ce qu’il y a vraiment de quoi se préoccuper?

Les cinq causes principales de la disparition d’une langue

Selon le site L’aménagement linguistique dans le monde, de l’université Laval, il existe cinq facteurs principaux qui jouent un rôle-clé dans la disparition d’une langue. Regardons-les de plus près.

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1 – Les guerres

Au Canada, la Guerre de Sept ans, entre 1756 et 1763, a marqué un point tournant pour la langue française. Les Anglais se sont installés sur le territoire… Et leur langue a commencé a faire concurrence aux autres parlers déjà présents au pays.

Pourtant, le français étant une langue d’un puissant pays européen et impérialiste, il a pu résister mieux à l’assimilation que certains parlers autochtones qui, malheureusement, ont disparu.

2 – Un nombre insuffisant de locuteurs

Les linguistes fixent le seuil de la survie d’une langue à 100 000 locuteurs. Mais déjà, à moins de 1 000 000 de locuteurs, la survie d’une langue n’est pas assurée.

Seules les petites communautés isolées résisteraient un peu plus longtemps. Mais elles aussi finiraient pas s’assimiler. Surtout aujourd’hui dans notre monde hyper-connecté grâce à Internet.

Triste constat, ce n’est pas seulement le faible taux de natalité, mais encore les locuteurs eux-mêmes qui, dans certains cas, choisissent de ne plus parler leur langue maternelle ni de l’enseigner à leurs enfants. Or, dès qu’on choisit de ne plus utiliser sa propre langue dans la vie de tous les jours, on commence à la perdre.

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Un des pires scénarios pour la survie d’une langue est la dispersion de ses locuteurs sur un grand territoire dominé par une autre langue. C’est le cas actuel des francophones hors Québec et la situation des quelque 900 000 Québécois qui ont émigré aux États-Unis entre 1840 et 1930.

français au Canada

Un autre facteur démographique est l’immigration massive là où une langue est déjà menacée par celle de la majorité.

C’est le cas, par exemple, de la ville de Ste-Geneviève dans le Missouri. Des colons français ont établi cette communauté vers 1735. Mais, au milieu du 19e siècle, des vagues successives d’immigrants allemands sont arrivées, attirés par les terres fertiles le long du fleuve Mississippi.

Vingt ans ont suffi pour que la population francophone devienne minoritaire.

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La vente de la Louisiane par Napoléon au gouvernement américain, et l’arrivée massive des Américains qui s’en est suivie, ont sonné le glas des langues française et allemande à Ste-Geneviève.

En dernier lieu, il y a les mariages exogames et la dénatalité proprement dite. Les mariages mixtes hors Québec seraient responsables d’un taux d’assimilation variant entre 30% et 90%.

Quant à la baisse des naissances, elle peut avoir des effets dévastateurs. Surtout dans les petites communautés où vivent un grand nombre de francophones hors Québec.

3 – La domination sur les plans social et économique

La place économique et social qu’occupe une langue est un facteur déterminant pour sa survie.

L’industrialisation, l’urbanisation et le mélange des populations favorisent l’abandon de la langue maternelle de la minorité pour celle de la majorité.

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Les locuteurs en situation minoritaire sont souvent contraints d’utiliser la langue de la majorité. Afin de s’intégrer dans leur milieu de vie. De participer à des activités culturelles et sociales. De faire leurs études et d’avancer dans leur carrière…

4 – L’absence sur la scène politique

Pour survivre, une langue a besoin de l’appui de l’État, comme dans le cas des langues officielles au Canada, ou, à la limite, d’un territoire qui lui est propre. Sans cet appui, la langue de la minorité est trop souvent reléguée à quelques situations informelles… Comme les échanges avec les membres de la famille et avec les amis.

C’est notamment le cas du français aux États-Unis. Et, dans une moindre mesure, dans certaines communautés canadiennes hors Québec.

Pourtant, même là où une langue jouit d’un certain pouvoir politique, elle peut être menacée si elle est soumise à un pouvoir national dominé par la langue de la majorité.

C’est le cas, par exemple, du Québec, en tant que province francophone. Et du Nouveau-Brunswick, comme province bilingue. Elles sont mieux protégées qu’une région comme l’Acadie ou un état américain comme la Louisiane. Mais les provinces doivent partager leurs pouvoirs avec le gouvernement fédéral.

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Acadie

5 – L’assimilation culturelle

Que dire de l’omniprésence de l’anglais dans les médias? Le succès de notre voisin du Sud stimule l’usage de l’anglais. Hollywood, les chansons et Internet (où la présence de l’anglais se chiffre à 25,9% contre 3,3% pour le français) sont tous des vecteurs de la langue de Shakespeare.

Ainsi, les locuteurs non-anglophones et grands consommateurs de produits culturels en anglais contribuent au déclin de leur propre langue.

Par contre, une langue qui dispose d’institutions stables, d’écoles et d’une grande variété de produits culturels, comme les livres, les films et les festivals, a plus de chances de résister aux forces assimilatrices et de survivre.

Les signes d’une langue à l’agonie

La disparition d’une langue est plus souvent qu’autrement un processus lent. Il peut, de ce fait, passer presque inaperçue. Peu à peu, les locuteurs remplacent leur langue par une autre qu’ils valorisent plus. Cela passe par différents degrés de bilinguisme pour aboutir à l’unilinguisme.

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Cependant, il faut noter que, si le bilinguisme peut être un symptôme d’une langue en danger, il n’en est pas en soi la cause.

Le bilinguisme signalant la disparition d’une langue n’est ni individuel ni institutionnel. Il est social, éthique. Pour les gens bilingues, qui utilisent une autre langue dans un contexte précis, comme au supermarché ou chez le médecin, leur langue maternelle n’est pas vraiment menacée.

Le danger se présente lorsque la deuxième langue usurpe la place de la première dans presque toutes les sphères de la vie d’une personne ou, encore pire, d’une communauté.

Tous responsables du français au Canada

Si le tableau brossé ici est plutôt noir, il faut savoir que ce processus n’est par irréversible. Un cas exceptionnel est justement le français au Québec. Presque 260 ans après le Traité de Paris, on y parle toujours le français. Mais pour combien de temps encore?

La Révolution tranquille au Québec dans les années 60 a eu des effets positifs pour les francophones hors Québec. Comme l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969.

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Mais la génération qui a connu la Révolution tranquille n’est pas éternelle. Les jeunes d’aujourd’hui semblent tenir pour acquis les gains si durement réalisés par leurs prédécesseurs.

L’appui de l’État est primordial. Sans un effort concerté et constant de la part de tous les locuteurs d’une langue, une fois le processus entamé, il suit son cours jusqu’à la disparition complète de la langue. Alors, ne reste plus qu’un lieu de mémoire.

La survie du français au Canada n’est pas que du ressort des gouvernements. Elle est aussi la responsabilité de tous les francophones au pays. Il leur incombe de valoriser leur langue et de la privilégier dans tous les échanges possibles.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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