Faussaire et assassin, tel est le tagueur

Laurent Chabin, Tags ou graffs?
Laurent Chabin, Tags ou graffs? Pour comprendre l’art de rue, album illustré par Christine Delezenne, Montréal, Éditons de l’Isatis, collection Griff, 2025, 48 pages, 29 $.
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Publié 23/04/2025 par Paul-François Sylvestre

Qu’il dérange ou embellisse, l’art de rue spontané peut être illicite. Laurent Chabin nous aide à nous y retrouver dans cette jungle urbaine en signant un album intitulé Tags ou graffs?

Édifice public ou privé, abri de bus, wagon de métro, silo ou structure industrielle, bloc de béton, tunnel, mur… autant de surfaces où le tagueur choisit d’apposer sa signature, souvent pour détruire celle d’un autre.

Art ou vandalisme?

Dès la première page, Laurent Chabin souligne la différence entre le graff qui est une œuvre d’art et le tag qui s’apparente plutôt au vandalisme. Le terme graffiti désigne toute œuvre réalisée sur une surface publique sans avoir été autorisée.

L’auteur élimine d’emblée les murales qui ressortent de l’art urbain de commande, «certifié, pratiqué sous surveillance et qui fait l’objet de contrats entre l’artiste, d’une part, et l’administration ou l’autorité qui est commanditaire de l’œuvre, d’autre part».

Vouloir laisser sa marque, une trace de son passage, une commémoration, remonte à aussi loin que l’Antiquité. On apprend, en effet, que des graffitis ont été retrouvés sur les murs de la ville ensevelie de Pompéi.

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Revendications

Le street art, qui est plus chic semble-t-il que «art de rue», fait appel à diverses techniques: charbon, craie, pinceau, bombe, pochoir, collage. Les sujets sont également variés, embrassant des revendications tour à tour ethniques, politiques ou sociales.

Si le mur n’est pas vierge, le tagueur le recouvre et dénature ce qui existait avant lui. À ce titre, il est doublement incohérent. «Il vandalise celui dont il prétend être le frère – et qu’il fait disparaître par la violence de son trait sans appel –, et il s’approprie ce contre quoi il se pique de s’insurger: la propriété.»

Entre le mur déjà signé et le tagueur revendicateur, c’est la guerre. Armé de sa bombe, il détruit ce qui la précédé. À noter que ce constat vaut aussi pour tous ceux qui gribouillent, grattent, rognent, signes et détériorent les monuments historiques et les vestiges anciens: Colisée de Rome, Parthénon d’Athènes, pyramides d’Égypte ou du Mexique.

Le tagueur détruit

Laurent Chabin clame haut et fort que le tagueur est un faussaire, voire un assassin. En choisissant de taguer une surface qui a déjà été peinte, il est de facto un voleur. L’œuvre qu’il recouvre est perdue à jamais. Même le nettoyage du mur n’en restituera rien.

L’auteur se penche d’ailleurs sur les coûts liés au nettoyage des tags. En 2021, selon La Presse, ils s’élevaient entre 45 000 $ et 500 000 $ par arrondissement montréalais. Le coût annuel du nettoyage du métro de New York était estimé, il y a quelques années, à une cinquantaine de millions de dollars (à peu près la même somme à Paris).

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Laurent Chabin est né en France et vit présentement à Montréal. Il a écrit plus de 90 romans policiers, dont une soixantaine pour les jeunes, son principal public. Parallèlement à la fiction, il est aussi traducteur et scénariste de bandes dessinées.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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