Budget de l’Ontario: «investir pour rebâtir»

Face à «l’incertitude économique causée par les taux d’intérêt élevés et l’instabilité à l’échelle planétaire», le gouvernement de l’Ontario sera déficitaire en 2024-25.

Le déficit post-covid, que les Progressistes-Conservateurs de Doug Ford avaient réussi à réduire à 5,9 milliards $ en 2022, puis à 3 milliards $ en 2023, repart à la hausse en 2024. Le ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy, prévoit qu’il s’élèvera à 8,8 milliards $ cette année (l’écart entre les dépenses de 214,5 milliards $ et les revenus de 205,7 milliards $). Le déficit retomberait à 3,1 milliards $ en 2025 et 2,5 milliards $ en 2026.

Quand on se compare, on se console. Le Québec voisin, avec une population moins nombreuse que celle de l’Ontario, vient d’annoncer un déficit de 11 milliards $.

«Malgré ces défis», indiquait le ministre Bethlenfalvy dans son discours du budget livré le 26 mars, «l’Ontario poursuit le déploiement de son plan pour bâtir en investissant dans l’infrastructure pour construire plus de logements plus rapidement, en attirant de meilleurs emplois mieux rémunérés, en maintenant les coûts bas pour les familles et les entreprises et en demeurant sur la voie vers l’équilibre budgétaire.»

Le gouvernement «investit pour rebâtir l’économie de l’Ontario sans augmenter les impôts», résume-t-il. «Nous refusons de répercuter les coûts sur les vaillantes familles ontariennes ou sur les municipalités.»

L’Ontario va d’ailleurs prolonger les réductions temporaires des taux de la taxe sur l’essence de 5,7 cents le litre et de la taxe sur le diesel de 5,3 cents le litre jusqu’au 31 décembre 2024. «Cet allégement est particulièrement important compte tenu de l’augmentation de la taxe fédérale sur le carbone qui est prévue le 1er avril 2024.»

Meilleurs services en français

La Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA) compatit avec le gouvernement qui fait face à des obstacles comme «la montée du coût de la vie, une certaine persistance de l’inflation, des défis au niveau de l’accessibilité au logement».

Le président Dominic Mailloux salue «une amélioration de la livraison des services en français via le renouvellement de l’entente Canada-Ontario, ainsi qu’un investissement additionnel de 10 millions $ sur 3 ans».

Pour la FGA le budget ontarien se démarque aussi par «une accélération de la réalisation du plan de l’Ontario pour bâtir, le plan d’immobilisations le plus ambitieux de l’histoire de la province»: 190 milliards $ au cours des 10 prochaines années pour construire et développer des routes, des lignes de transport en commun, des logements, des réseaux Internet haute vitesse et d’autres «infrastructures essentielles qui favoriseront la croissance économique».

La FGA se réjouit de l’investissement additionnel de 6,8 millions $ au cours des deux prochaines années dans les Centres d’encadrement des petits entrepreneurs (CEPE). Elle-même bénéficie d’un financement de 500 000 $ sur deux ans «pour la mise en place d’un CEPE francophone basé à Toronto, mais qui aura vocation à appuyer l’ensemble des CEPE francophones ou bilingues de la province».

«Nous sommes fiers de la reconnaissance que le gouvernement accorde à notre organisme», ajoute Dominic Mailloux.

Et la santé?

De son côté, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Fabien Hébert, félicite les gouvernements du Canada et de l’Ontario «pour l’augmentation de leurs investissements dans les services gouvernementaux en français».

«Ces investissements sont importants pour la mise en œuvre de la nouvelle Loi sur les services en français de l’Ontario.»

L’AFO salue la reconduction du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO), qui finances des dizaines de projets communautaires, ainsi que l’appui à la FGA. «La francophonie ontarienne, ce sont 30 000 entreprises et un apport économique d’au-delà de 80 milliards $. Il est important de poursuivre ce type d’initiative.»

L’AFO se dit toutefois «déçue de l’absence d’engagements budgétaires pour les services de santé en français et interpelle le gouvernement de l’Ontario à intégrer la variable linguistique sur et dans la carte santé».

«Nous devons faciliter l’accès aux soins primaires, aux soins de santé mentale et de traitement des dépendances, aux soins à domicile, aux soins aigus ainsi qu’aux soins de longue durée pour les personnes d’expression française», a fait valoir Fabien Hébert.

Crise du logement

Dans le champ gauche, Impact ON retient du budget «les différentes stratégies proposées pour répondre à la crise du logement en Ontario».

L’ex-Conseil de la coopération de l’Ontario, présidé par Élodie Grunerud, qui travaille en développement économique, social et communautaire, se demande toutefois «si ces mesures seront suffisantes et mises en œuvre assez rapidement pour avoir un impact significatif».

Impact ON constate une «absence de mesures spécifiques en faveur des coopératives d’habitation, qui ont prouvé leur efficacité dans la création de logements abordables et durables».

Dans le domaine de la santé, le financement d’une augmentation du nombre de places dans les résidences pour aînés est une bonne nouvelle, selon Impact ON. Mais «afin de ne pas revivre la situation désastreuse vécue lors de la pandémie de covid, il est important de pallier le manque de financement pour les soins à domicile, une composante essentielle du bien-être des aînés et qui coûte également moins cher aux contribuables».

En agriculture et alimentation, Impact ON trouve «intrigant de constater une concentration si forte sur le thème de la réduction de la taxation sur l’alcool, au détriment d’autres sous-secteurs qui seraient réellement de première nécessité».

À l’instar de la FGA, Impact ON célèbre l’octroi de fonds supplémentaires (200 millions $) pour créer ou moderniser des installations sportives, récréatives et communautaires.

Des tremplins pour les travailleurs et les employeurs

La Société économique de l’Ontario (SÉO) s’inquiète du déficit, mais approuve «les annonces faites pour appuyer les travailleurs et pour aider les entreprises».

«Le financement de 500 000 $ octroyé à la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario, dont nous sommes membre, est un véritable coup de pouce pour la communauté économique francophone en Ontario et nous nous en réjouissons», souligne le président Denis Laframboise.

Entre autres, la SÉO mentionne l’enveloppe de 100 millions $ affectée au Fond pour le développement des compétences pour aider les personnes en recherche d’emploi et faire progresser leur carrière.

«Les choix d’investissements du gouvernement provincial démontrent une réelle volonté des pouvoirs publics de booster l’économie ontarienne dans son ensemble en utilisant comme fer de lance le soutien aux entreprises, l’appui aux travailleurs, le développement des infrastructures, et en donnant les moyens d’agir localement aux collectivités et aux organismes communautaires.»

La SÉO dit vouloir profiter des «tremplins» annoncés dans le budget pour renforcer ses moyens d’action en faveur de sa clientèle francophone de travailleurs et employeurs.