Élections fédérales: un débat enflammé sur les enjeux francophones

Débat sur les enjeux francophones
Débat sur les enjeux francophones. Photos: Olivier Plante, Radio-Canada
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Publié 23/04/2025 par Marianne Dépelteau

La langue française a le don d’éveiller les passions, et le débat électoral du 22 avril sur les enjeux francophones en a été la preuve. Dès les cinq premières minutes, les cinq représentants des principaux partis avaient déjà pris la parole pour présenter leurs promesses en matière de langues officielles et, bien sûr, pour attaquer le programme de leurs adversaires.

La glace a très rapidement été brisée par François Choquette (Nouveau Parti démocratique), qui n’a pas hésité d’interrompre Steven MacKinnon (Parti libéral du Canada) pour lui rappeler qu’il reste de nombreux besoins à combler en matière de garderies francophones.

Aucun parti n’a expliqué clairement comment ils combleraient ces besoins. M. MacKinnon a simplement répondu que si réélus, les Libéraux garantiraient des places francophones en garderie.

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Steve MacKinnon, du Parti libéral.

Postsecondaire

Sur le financement du postsecondaire francophone, Joël Godin (Parti conservateur du Canada) a promis de la «prévisibilité» aux établissements. Son adversaire libéral a vanté le Plan d’action pour les langues officielles (PALO) 2023-2028, mais n’a annoncé rien de nouveau pour le secteur.

M. Choquette a insisté sur le fait qu’il fallait tenir compte des établissements de petite taille, comme l’Université de Hearst et l’Université de l’Ontario français à Toronto. Martin Champoux (Bloc québécois) a rappelé que l’éducation est de compétence provinciale, et que le fédéral devrait «équiper» les provinces.

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L’éducation n’était que l’échauffement.

Débat sur les enjeux francophones
Joël Godin, du Parti conservateur.

Bilan libéral attaqué

Le co-chef du Parti vert du Canada, Jonathan Pedneault, a profité de cette invitation pour dénoncer un manque d’action libéral en matière de francophonie.

«En quoi c’est suffisant?», a-t-il demandé deux fois plutôt qu’une à M. MacKinnon, qui vantait le PALO de 1,4 milliard $. «C’est insuffisant», a ajouté François Choquette, qui souhaite bonifier les fonds octroyés aux organismes francophones.

Attaquant le bilan libéral en matière de bilinguisme et estimant lui aussi que la bonification du PALO par les libéraux était insuffisante, Joël Godin stipule que pour protéger le français, «c’est très simple»… «On va nommer une gouverneure générale qui parle français. On va permettre de comptabiliser tous les ayants droit dans le recensement.»

Steven Guilbeault

M. MacKinnon a aussi été questionné sur la disparition du titre de ministre des Langues officielles dans le Cabinet ministériel formé par le nouveau chef libéral et premier ministre du Canada, Mark Carney, en mars dernier. Ce à quoi il a répondu: «Steven Guilbeault est le ministre des Langues officielles» et «tout sera à refaire après les élections».

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M. Guilbeault est responsable des Langues officielles, mais le portefeuille ne figure pas dans son titre: ministre de la Culture et de l’Identité canadiennes, Parcs Canada et lieutenant du Québec.

Humains vs robots

Steven MacKinnon a également essuyé des critiques concernant les récentes compressions annoncées au Bureau de la traduction. Selon lui, le Bureau doit être conservé et l’intelligence artificielle doit aussi en faire partie, mais avec un encadrement humain.

L’IA «n’a pas sa place dans la fonction publique de cette manière-là», a rétorqué Jonathan Pedneault. «Il faut protéger [le Bureau de la traduction], pas le couper.»

Martin Champoux s’est aussi positionné contre l’intégration de l’IA au Bureau, évoquant le besoin de «talents humains». «On est loin d’être prêts à laisser [à l’IA] autant de place pour des sujets aussi importants. Ce serait une grave erreur.»

NPD
François Choquette, du Nouveau Parti démocratique.

Couper sans blesser

Questionné sur les compressions prévues par son parti dans la fonction publique, Joël Godin a promis que le cadre financier conservateur «n’indique aucune coupure au niveau des organismes de langue française».

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Pour ce qui est des fonctionnaires, il y aura une réduction par attrition, mais surtout, une demande de «résultats», affirme le candidat.

Et lorsque Jonathan Pedneault a accusé les conservateurs de vouloir couper dans le postsecondaire francophone, M. Godin a indiqué que cela était faux et qu’il fallait contrer l’antisémitisme. Il faisait ici référence à la condition que le Parti conservateur veut imposer au financement des établissements postsecondaires: l’application des normes de l’article 2 de la Charte sur la liberté d’expression.

Médias

Joël Godin estime aussi qu’il est possible de définancer CBC et de protéger sa jumelle francophone, une proposition dénoncée par tous ses adversaires. Les quatre autres candidats ont réitéré leur soutien envers Radio-Canada et les médias locaux francophones.

Pour les autres médias en milieu minoritaire, M. Choquette veut d’ailleurs bonifier l’Initiative de journaliste local (IJL). M. Pedneault aimerait quant à lui voir plus de contenu francophone hors Québec à la «télévision nationale».

Martin Champoux en a profité pour rappeler que la Loi sur la diffusion continue en ligne est présentement devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et occasionnera «des résultats tangibles pour la participation des géants du numérique au contenu canadien et en matière de découvrabilité du contenu francophone».

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Débat sur les enjeux francophones
Martin Champoux, du Bloc québécois.

Nouvelles cibles en immigration francophone

Dans sa plateforme électorale, le Parti libéral promet une cible d’immigration francophone hors Québec de 12% d’ici 2029, un objectif que le chef conservateur Pierre Poilievre a qualifié de «raisonnable» lors d’une conférence de presse la semaine dernière. Malgré ce compliment, les conservateurs ne donnent pas de cible dans leur plateforme.

Néanmoins, Joël Godin a annoncé lors du débat que les conservateurs iraient jusqu’à 20% d’immigration francophone, mais a refusé de dire pour quelle année.

M. MacKinnon a de son côté vanté la cible de 12% promise par son parti, tout en prétendant que c’était la demande de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). Mais comme l’a rectifié Martin Champoux, celle-ci demandait 12% dès 2026.

M. Choquette a reconnu le besoin de cibles plus ambitieuses, mais n’a pas eu le temps de détailler les promesses néo-démocrates en la matière. Jonathan Pedneault a reconnu le besoin d’augmenter l’immigration francophone, mais il n’a pas non plus donné de cible.

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Jonathan Pedneault, co-chef du Parti Vert.

«Plus de mordant» pour le CLO

Un prochain commissaire aux langues officielles sera bientôt nommé, et François Choquette demande que des consultations soient menées en prévision. Il espère aussi qu’il s’agira d’«une personne qui va avoir du mordant».

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Joël Godin a quant à lui rappelé que le commissaire attend toujours un décret dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il a demandé à M. MacKinnon une échéance pour le dépôt de ce décret, mais n’a pas obtenu de réponse.

Ce débat est le fruit d’une collaboration entre Radio-Canada, les médias écrits membres de Réseau.Presse et Francopresse, qui ont participé à l’élaboration des questions posées aux représentants des partis politiques.

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