La ruelle est une communauté tricotée serrée

Florence Sara G. Ferraris, Ruelles
Florence Sara G. Ferraris, Ruelles, livre pratique avec photos d’Ariel Tarr (photo dessous), Montréal, La courte échelle, 2024, 256 pages, 29,95 $.
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Publié 29/05/2024 par Paul-François Sylvestre

Oreille tendue et œil grand ouvert, voilà comment il faut arpenter une ruelle pour saisir l’essence d’une ville. La journaliste Florence Sara G. Ferraris et la photographe Ariel Tarr ont parcouru nombre des 4 000 ruelles montréalaises pour nous offrir Ruelles, un hommage aux gens qui les peuplent.

Ces petites artères souvent cachées s’étirent sur près de 500 kilomètres. Elles épousent des formes en ligne droite, en H, en T et en S. «Terrains de jeux pour les enfants, lieux de passage pour certains et espaces de rencontres pour d’autres, les ruelles montréalaises font partie de l’imaginaire collectif.»

Après la Conquête

Les ruelles n’existaient pas en Nouvelle-France. Elles font leur apparition après la Conquête britannique, permettant aux domestiques de gagner les cuisines sans être vus et aux cochers d’accéder aux écuries des vastes maisons de style anglais.

Un personnage typique des ruelles au 19e siècle est le guenillou, appelé aussi chiffonnier ou vendeux de guenilles. D’un ton éraillé ou nasillard, il lance son «bouteill’ guenill’ à vendre». Il est «un peu comme un bonhomme Sept-Heures réinventé».

L’ouvrage note que la ruelle était l’univers des enfants. Les parents y venaient seulement pour acheter de la glace ou du pain. «C’était vraiment notre terrain de jeu.» Mais il faut écouter les consignes, peu importe l’adulte qui les dicte. «La ruelle, c’est une communauté où tous s’occupent les uns des autres.»

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Michel Tremblay et Beau dommage

Pour l’écrivain Michel Tremblay, les ruelles racontent quelque chose de bien particulier sur Montréal. «C’est une fenêtre sur l’intime, sur la vie des gens ordinaires… et c’est unique à chez nous.» La ruelle de la rue Fabre a été son lieu de parties de cache-cache, de concours de balle au mur et d’interminables tournois de «kick la cacane».

C’est entre les murs de tôle des hangars, avec de la garnotte plein les souliers, que le parolier Pierre Huet a commencé à écrire ses premières chansons.

Le chanteur Michel Rivard ajoute: «ce n’est pas comme si on avait pu raconter notre enfance sur le bord de la mer à Natashquan» (Vigneault).

Pour l’un et pour l’autre, parler des ruelles, c’était parler d’une certaine insouciance associée à l’enfance, parler de liberté et évoquer un désabusement nostalgique.

Festival des arts de ruelle

Il arrive parfois que le public ne se reconnaît pas dans l’offre culturelle du centre-ville et de la place des Festivals. Pour cette raison, le Festival des arts de ruelle (FAR) voit le jour à la fin des année 2010. «Le FAR, c’est une livraison culturelle en proximité citoyenne.»

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Florence Sara G. Ferraris écrit que les ruelles catalysent les rapprochements. «On y observe des relations qui poussent et qui fleurissent entre les jeunes et les moins jeunes.» Des liens égayent le quotidien et un réseau solide se tricote. Cela peut parfois aller jusqu’à changer le cours d’une vie.

Visiter des ruelles de Montréal, c’est une façon de découvrir la ville autrement. L’ouvrage propose dix parcours – d’Hochelaga-Maisonneuve à Verdun en passant par Rosemont, La Petite-Patrie, Le Plateau et le Mile End. Il y a un code QR qu’on peut balayer pour se repérer sur une carte.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

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