Université pour tous les Franco-Ontariens: «si le gouvernement n’en veut pas, qu’il le dise»

Le comité de Dyane Adam ne s'occupe que du Centre-Sud-Ouest

Manif à Queen's Park le 18 février 2016 pour une université franco-ontarienne. (Photo: Harriet Vince)
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Publié 02/12/2016 par François Bergeron

Le projet d’université franco-ontarienne limité pour l’instant à Toronto et au Centre-Sud-Ouest de la province «est peut-être un premier pas, mais si c’est l’intention du gouvernement d’aller en ce sens à moyen et long terme, qu’il le dise clairement».

«Cela influencerait énormément les conversations que pourraient avoir Dyane Adam dans le cadre du Conseil de planification et les balises d’un éventuel premier campus à Toronto», soutient Myriam Vigneault, l’une des trois co-présidentes du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), dont les commentaires à L’Express vendredi sont endossés aussi par les dirigeants de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO).

Exaspérés, après avoir réclamé une gouvernance universitaire «par et pour» tous les Franco-Ontariens à maintes reprises ces dernières années, ces jeunes avaient exprimé jeudi, dans une lettre ouverte, leur indignation à l’effet qu’aucun de leurs membres ne fera partie du Conseil de planification pour une université de langue française, présidé par Dyane Adam, et que ce projet d’université n’est limité pour l’instant qu’à Toronto et au Centre-Sud-Ouest de la province.

Dyane Adam
Dyane Adam

Le gouvernement l’avait confirmé le 22 septembre en choisissant l’ex-commissaire aux langues officielles du Canada et ex-principale du Collège Glendon de l’Université York, dans le cadre de son «plan visant à faciliter l’accès des étudiantes et étudiants à l’éducation postsecondaire en français dans le Centre et le Sud-Ouest de l’Ontario».

Le gouvernement «refuse toute possibilité d’élargir le mandat de ce conseil afin qu’il puisse étudier un projet d’envergure provinciale desservant toutes les régions de la province», dénoncent les deux organismes de jeunes. «Par ce refus, on prive ce projet de l’oxygène nécessaire à sa réussite.»

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«Si nous ne mettons pas toutes les chances de notre côté en réfléchissant à un modèle universitaire qui accorderait aux francophones la pleine gouvernance de leur système postsecondaire, la question universitaire restera non réglée en Ontario français», précisent les jeunes. «Cette gouvernance universitaire francophone doit comprendre la gestion des programmes, du financement, de l’administration, de la recherche, des installations physiques et de la vie étudiante sur l’ensemble du territoire.»

Déjà consultés

En entrevue à TFO, la ministre déléguée aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, a dit que les jeunes ont déjà été consultés lors d’étapes précédentes, et que «Dyane Adam a maintenant besoin d’experts»…

À L’Express, Mme Lalonde répond par courriel que le mandat limité au Centre-Sud-Ouest correspond aux recommandations du rapport Le temps d’agir! (février 2016) du Comité consultatif en matière d’éducation post-secondaire en langue française dans la région du Centre-Sud-Ouest… dont le mandat était donc déjà limité à cette région: une logique circulaire.

«Mme Adam a une équipe d’experts engagés, provenant de différents domaines d’activités», indique la ministre Lalonde. Elle «mène son Conseil de planification afin d’en arriver au meilleur plan possible pour que cette université soit solide et durable sur du long terme».

Un savoir essentiel

Le RÉFO et la FESFO soutiennent que le gouvernement «exclut du processus le segment de la population qui s’est le plus mobilisé pour la réussite de ce projet», estimant que la jeunesse «a un savoir essentiel à partager afin que cette institution soit fréquentée par la prochaine génération».

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Cette exclusion du comité Adam – qui doit pondre un rapport l’été prochain – est «blessante» et «méprisante», disent les signataires de la lettre ouverte, qui a beaucoup circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux comme la page Facebook Je suis Franco-Ontarien // Franco-Ontarienne.

Deux jours plus tôt, justement, le blogueur Pierre Allard, ex-éditorialiste au quotidien Le Droit d’Ottawa-Gatineau, estimait que la composition du Conseil de planification confirmait le pire: «leur mission est clairement régionale, pas provinciale». Et de demander: «qu’attendent les promoteurs du projet d’université de langue française pour frotter les oreilles de ce gouvernement impudent?»

L’AFO discrète

Le lobby politique des Franco-Ontariens, l’AFO, a été consulté par les deux organismes jeunesse et «appuie leurs revendications, celle de faire partie du Conseil comme celle de l’élargissement de son mandat», a confirmé le président Carol Jolin en entrevue à L’Express. Sa signature ne figure pas au bas de la lettre ouverte parce que celle-ci exprimait «la frustration particulière des jeunes», dit-il.

Carol Jolin
Carol Jolin

Même si l’AFO n’avait pas commenté la nomination des six membres du Conseil de planification le 28 novembre, M. Jolin croit lui aussi que le gouvernement aurait pu trouver «au moins un jeune» apportant une expertise utile, et que les membres – «présentement cinq personnes de Toronto et une de la région de Niagara» – auraient dû provenir de tous les coins de la province.

Et l’AFO, assure-t-il, a toujours insisté pour que le gouvernement travaille à la création d’une université franco-ontarienne couvrant l’ensemble de la province. Les «États généraux» de 2014, de même que le «Plan stratégique communautaire» de 2015, rappelle-t-il, étaient clairs là-dessus.

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Projet dilué

Il est cependant tout aussi clair que le gouvernement, lui, n’a aucune intention de transférer les programmes français des universités bilingues d’Ottawa et de Sudbury vers une nouvelle université 100% franco – l’un des modèles de gouvernance proposés par les États généraux.

L’AFO, le RÉFO et la FESFO n’ont cependant jamais exigé un modèle particulier, restant vagues sur ce que M. Jolin appelle les «modalités» de la création de l’université franco-ontarienne, et sur l’avenir, dans un tel contexte, des programmes français des universités bilingues. Ces institutions sont notoirement opposées à tout projet qui toucherait à leurs programmes.

«Malheureusement», explique Myriam Vigneault à L’Express, «malgré la bonne foi des individus qui travaillent au sein des universités bilingues, ces institutions démontrent depuis des années une incapacité à répondre à plusieurs préoccupations de la communauté: des programmes qui ne sont pas offerts en français de A à Z, une minorisation grandissante des effectifs étudiants francophones, une vie universitaire anglo-dominante, un manque de pouvoir décisionnel francophone au sein des structures de gouvernance, la difficulté d’obtenir des services en français des tierces parties, etc.»

Comme les écoles et les collèges

Pour ses écoles, ses conseils scolaires et ses collèges, «la communauté franco-ontarienne a opté pour un meilleur système»: l’autonomie et la pleine gestion franco-ontarienne. C’est aussi ce qu’il faut à l’université, fait-on valoir.

«Quatre modèles avaient été explorés en 2014, et ce sont ces modèles que nous souhaitions que le gouvernement explore davantage en nommant un conseil des gouverneurs avec un mandat provincial», précisent les jeunes. «Ce conseil des gouverneurs aurait pu rassembler les experts qui connaissent le milieu universitaire actuel et qui pourraient proposer un nouveau modèle à moyen et long terme, tout en répondant aux besoins plus immédiats dans le Centre-Sud-Ouest. On aurait au moins été en mesure de discuter des forces et défis que pourrait avoir un modèle englobant et explorer comment travailler de pair avec les institutions existantes pour réfléchir une proposition innovante et adaptée, qui aurait comme valeur centrale la notion du ‘par et pour’ les francophones.»

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«À force d’ignorer nos recommandations et de demander notre patience, ce gouvernement a dilué le grand projet d’université de langue française provinciale qui a été imaginé par des représentant.e.s de tous les secteurs et toutes les régions de notre communauté», accusent le RÉFO et la FESFO dans leur lettre ouverte.

Les deux organismes jeunesse se disent «dans l’impossibilité d’attribuer notre accord à une telle démarche qui écarte autant de gens, autant de régions, autant de possibilités».

Les trois coprésidentes du RÉFO: Geneviève Borris, Josée Joliat et Myriam Vigneault.
Les trois coprésidentes du RÉFO: Geneviève Borris, Josée Joliat et Myriam Vigneault.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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