En un demi-siècle, le personnage créé par Antonine Maillet a marqué l’imaginaire en passant par la radio, le théâtre, la télé, en une seule incarnation, celle de Viola Léger, mise en scène par Eugène Gallant. Retour sur le parcours unique d’un personnage à la fois singulier et universel et de son discours.
Lorsque les projecteurs se braquent sur elle pour la première fois en novembre 1971, la laveuse de planchers, femme et fille de pêcheur, a déjà 72 ans. Elle s’était fait connaître un an plus tôt à la radio et lors d’une lecture publique à la Bibliothèque nationale du Québec de Montréal, le 20 février 1971.
La Sagouine parle, la Sagouine parlons
«J’ai peut-être ben la face nouère pis la peau craquée, ben j’ai les mains blanches, Monsieur!», dit-elle, pour se présenter. La Sagouine gagne sa vie en lavant les planchers chez les gens «d’en-Haut», ceux qui peuvent s’endimancher pour aller à la messe. «Je pouvons ben passer pour crasseux : je passons notre vie à décrasser les autres.»
Entre deux séances de récurage, la femme authentique, sage et terre-à-terre raconte la misère des siens et celle des autres.
Ce faisant, la dramaturge Antonine Maillet a ramené sur scène la vieille langue acadienne qui rappelle Rabelais (reconnu pour inventer des mots nouveaux dans ses ouvrages). Même si elle a archaïsé légèrement le vocabulaire pour ajouter de la couleur au discours, les Acadiens s’entendent dans la parlure de la Sagouine, lorsqu’elle sort de son placard, fin 1970.