L’ordre de naissance contribue-t-il à l’anxiété chez les enfants?

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Fait avéré ou pseudo-science? La personnalité des enfants seraient affectée par leur place dans la famille. Photo: iStock.com/FRANCKOR
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Publié 02/08/2023 par Michèle Villegas-Kerlinger

C’est un secret de Polichinelle que la santé mentale des enfants est mise à rude épreuve de nos jours. On a souvent rendu l’épidémie de la covid responsable de la hausse de leur niveau d’anxiété, mais les chiffres étaient déjà alarmants avant mars 2020.

Quelques experts pointent du doigt d’autres facteurs comme ce que les enfants entendent dire sur la conjoncture économique, les guerres, l’environnement, le climat, etc. Mais peu font mention de l’ordre de naissance des enfants qui, pourtant, joue un rôle dans leur développement.

Se pourrait-il qu’on ait passé sous silence un élément-clé dans les troubles de perfectionnisme et d’anxiété chez nos enfants?

Voici quelques données très générales, basées sur des recherches, qui ne s’appliqueront pas forcément à tous les enfants, mais qui pourraient être révélatrices pour mieux comprendre le lien entre l’ordre de naissance, le perfectionnisme et l’anxiété.

Les aînés

Quelques traits de caractère des enfants nés en premier, garçon ou fille: accompli, anxieux, attentionné, attiré par le pouvoir, autoritaire, complaisant, consciencieux, conservateur, dominant, doué, entrepreneur, fiable, gagneur, honnête, indépendant, obéissant, organisé, perfectionniste, performant, persévérant, prédisposé au leadership, programmé pour l’excellence et la réussite, prudent, responsable, sérieux, sûr de soi, têtu

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En général, les aînés aiment organiser les choses bien en avance et faire des listes. Ils cherchent l’approbation, mais peuvent être moins sociables et moins résistants au stress que leurs petits frères et sœurs.

Comme l’enfant aîné grandit dans un milieu d’adultes, il ou elle profite de toute l’attention de ses parents qui, souvent inexpérimentés, s’émerveillent de toutes ses réalisations. Le couple teste, il essaie, il apprend, il contrôle. Il retient ce qu’il faut faire, ce qu’il aurait dû faire et même ce qu’il ne doit plus faire.

Les aînés cherchent à rendre leurs parents fiers d’eux par leur comportement et leur réussite. Ces enfants croient qu’il leur faut exceller en tout.

Si les parents ont un autre enfant, ils auront moins de temps à consacrer à l’aîné et celui-ci pourrait ressentir un sentiment d’abandon. Pourtant, les aînés développent souvent une sorte d’instinct maternel vis-à-vis les cadets et se sentent obligés de les couver et de les protéger.

Quoi qu’il en soit, les enfants aînés auront plus d’affinités, en général, avec d’autres aînés de leur âge qu’avec leurs propres frères et sœurs.

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L’ordre de naissance fait en sorte que l’aîné fera certaines choses mieux que ses petits frères et sœurs et sentira le devoir, ou ce devoir lui sera imposé, de montrer l’exemple aux plus jeunes. En revanche, pour les aînés, il n’existe qu’une façon de faire les choses, la leur qui, à leurs yeux, est la meilleure.

Côté carrière, cet enfant préfère les professions libérales, comme le droit, la médecine, l’éducation ou la comptabilité, c’est-à-dire des domaines qui exigent de grandes responsabilités. En fait, diverses études ont montré que l’aîné a trois fois plus de chances de devenir PDG d’une entreprise que le benjamin.

Il ou elle aime les grandes structures aux règlements bien définis. Fait intéressant, parmi les lauréats du prix Nobel, les aînés sont omniprésents dans le domaine des sciences.

Les cadets-benjamins

Quelques traits de caractère des cadets ou benjamins: s’adapte facilement, altruiste, ambitieux, cherche à plaire à tout le monde, conciliant, consciencieux, diligents, diplomate, doué pour les relations professionnelles et les négociations, empathique, entremetteur, indépendant, pas toujours organisé, ouvert (surtout à la nouveauté), pragmatique, parfois rebelle, peut se sentir rejeté, quelquefois procrastinateur, sociable.

Les cadets-benjamins, c’est-à-dire les derniers enfants du couple, doivent partager l’attention de leurs parents avec l’aîné, ce qui les incite à combler leur besoin d’attention en s’entourant de beaucoup d’amis.  Les cadets reconnaissent vite la position occupée par l’aîné et ils se taillent une place bien à eux dans la fratrie.

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Obligés de grandir dans l’ombre de l’aîné, qui est souvent considéré comme plus «compétent» et qui leur impose son rythme, les cadets luttent souvent pour le surpasser. Par conséquent, ils apprennent souvent plus rapidement que les autres.

Ils sont aussi plus enclins à se fixer des objectifs parfois irréalistes qui peuvent leur valoir un plus grand nombre d’échecs dans la vie. Mais apprendre à faire face aux difficultés de la vie les rend plus forts.

En ce qui concerne leur carrière, le petit côté rebelle des cadets fait d’eux des personnes influentes qui font avancer la société. À travers l’histoire, ils se sont battus pour l’égalité, la liberté d’expression et de culte et l’abolition de l’esclavage. Ils sont aussi très présents parmi les récipiendaires du prix Nobel en littérature.

Les cadets-enfants du milieu

Quelques traits des enfants du milieu: compréhensible, conciliateur, coopératif, équilibré, flexible, médiateur, négociateur, pacificateur, sociable

Ces cadets, qui ne sont pas les derniers enfants d’un couple, ont l’esprit de compétition tout en étant soucieux de la justice, à l’égal des cadets-benjamins.

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À l’égal de ces derniers, les cadets-enfants du milieu ne bénéficient pas d’autant d’attention que l’aîné. S’ils se sentent rejetés, ce sentiment pourrait se transformer en désobéissance pour attirer l’attention des autres. En effet, ces enfants reçoivent en général moins d’attention que le reste de la fratrie.

De plus, les cadets n’excellent que rarement dans le même domaine que les aînés. Les traits de personnalité qui définissent les uns s’opposeront à ceux qui définissent les autres, sans compter la petite longueur d’avance qui privilégie les aînés.

Et pourtant, cette place dans la fratrie en est une des plus privilégiées puisqu’en étant au milieu, ces enfants jouent souvent un rôle d’intermédiaire entre les frères et sœurs. Il est souvent la personne à qui on se confie et par conséquent, le frère ou la sœur avec qui on est le plus proche. L’enfant du milieu sait communiquer, échanger, négocier et rétablir la paix. Ces qualités ne sont pas négligeables sur le marché du travail ni dans la vie privée.

Coté carrière, ces enfants peuvent se réaliser plus tardivement, mais se retrouvent souvent dans des carrières de pouvoir qui leur permettent d’utiliser leurs capacités de négociation et d’obtenir ainsi l’attention dont ils ont tant besoin. Ils sont ceux qui sont le plus susceptible de déménager très loin de leur famille, d’avoir peu d’intérêt pour leur généalogie tout en étant le mieux préparé pour faire face aux difficultés de la vie.

Les benjamins

Quelques traits de caractère des benjamins: accessible, aventurier, boute-en-train, charismatique, charmeur, clairvoyant, créatif, dépendant, extraverti, facile à vivre, frivole, généreux, indiscipliné, irresponsable, libre, manipulateur, ouvert d’esprit, persévérant, sociable

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À l’arrivée du benjamin ou de la benjamine, les parents, ayant acquis une certaine expertise et faisant preuve d’un peu de laisser-aller, sont plus confiants, indulgents et moins appréhensifs. Ils savent à quoi s’attendre et ne répondent plus forcément aux moindres faits et gestes des petits derniers, d’où l’importance de ces enfants de «charmer» les autres pour attirer leur attention.

La plupart du temps, les benjamins arrivent à jouir de l’attention et des soins non seulement de leurs parents, mais encore de leurs frères et sœurs plus âgés. Comme ces derniers ont pavé la voie pour les petits derniers, ceux-ci peuvent être très motivés à les surpasser. Et très souvent, ils rencontrent le succès et sont reconnus dans le domaine qu’ils ont choisi.

En général, les benjamins de la famille jouissent de plus de libertés que leurs frères et sœurs. Toutefois, si cette liberté est sans limites, ces enfants peuvent fuir leurs responsabilités et s’évader de la réalité.

Côté carrière, comme les benjamins ont besoin de cette liberté dont ils ont profité au sein de leur famille, ils aiment les métiers où ils peuvent laisser libre cours à leur créativité.

Bien que le monde du spectacle les attire tout particulièrement, les petits derniers font aussi de bons médecins et professeurs, tout comme des athlètes et des musiciens doués. En tant que bébés de la famille, les benjamins ont eu moins de responsabilités. Par conséquent, ils sont moins attirés par des postes de dirigeants.

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L’enfant unique

Traits de caractère de l’enfant unique: accompli, ambitieux, confiant, consciencieux, créatif, désir de réussir à tout prix, digne de confiance, doué, extraverti, indépendant, ingénieux, intelligent, leader, mature, nerveux, perfectionniste, sensible, sociable, sûr de soi.

Les enfants uniques aiment être le centre de l’attention et ont besoin de reconnaissance. S’ils ne veulent pas ou n’arrivent pas à exceller, ils peuvent se rebeller pour trouver leur propre voie.

Faute de frères ou de sœurs avec qui se mesurer, ces enfants sont souvent en compétition avec leur père ou leur mère. S’ils sont trop choyés par les parents, ils s’attendront à être dorlotés et protégés des autres enfants et, par conséquent, risqueront de devenir dépendants et égocentriques.

Sans frères ni sœurs, l’enfant unique pourrait avoir des difficultés à interagir avec ses pairs et ne développera pas forcément l’instinct maternel que l’on voit chez les enfants aînés avec qui, toutefois, il a beaucoup en commun.

Le fait de grandir entourés d’adultes fait en sorte que ces enfants s’expriment plus aisément et sont souvent plus matures que les autres enfants de leur âge.

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Côté carrière, l’enfant unique suit un tracé similaire à celui de l’enfant aîné, mais peut faire plus d’études.

D’autres facteurs à prendre en compte

Il faut noter que plusieurs facteurs peuvent influencer ces données, comme la différence des sexes. Un garçon qui est né après une ou plusieurs filles (ou l’inverse) pourrait être considéré comme un aîné «fonctionnel», c’est-à-dire comme le premier enfant de la famille puisqu’il est le premier garçon.

Un autre facteur susceptible de fausser les données est la différence d’âge entre les enfants. Si elle est de plus de cinq ans, les traits liés à l’ordre de naissance s’atténuent.

Enfin, d’autres événements, comme un divorce, l’invalidité ou le décès d’un membre de la famille, peuvent affecter tout ce qui précède à l’égal d’une famille reconstituée qui peut modifier l’ordre de naissance des plus jeunes.

En revanche, les enfants plus âgés seront moins affectés par ces changements parce que leur rang est établi depuis un certain temps. Ils y sont plus résistants et leur personnalité est déjà formée.

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La famille moderne dans les sociétés industrialisées

Les familles d’aujourd’hui ne comptant souvent qu’un ou deux enfants, elles engendrent un grand nombre d’aînés et d’enfants uniques et moins de cadets et de benjamins.

La citation suivante résume bien une partie de ce que l’on voit actuellement dans les pays industrialisés: «En ayant des familles de moins en moins nombreuses, on court le risque d’avoir des enfants aux caractères perfectionnistes et ambitieux» – Kevin Leman, psychologue et auteur d’une série de livres sur le rang de naissance dont The Birth Order Book: Why You Are the Way You Are.

Cela dit, faut-il retourner à l’époque des grandes familles? Je ne crois pas que la biocapacité de la Terre ni la conjoncture économique actuelle nous le permettent.

Mais, en étant plus conscients de l’enjeu, nous pouvons tous agir en conséquence en révisant nos attentes vis-à-vis de l’enfant et en lui faisant comprendre que la perfection n’existe pas dans ce bas monde.

Même si personne n’aime échouer et que la peur de l’échec a de quoi rendre tout le monde plus ou moins anxieux, cela fait partie de l’expérience humaine. En fait, c’est en apprenant de nos échecs que nous réussissons à faire mieux la prochaine fois. C’est ainsi que nous grandissons.

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Auteurs

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

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