Le Tournant vert du Parti libéral: le beurre et l’argent du beurre

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Publié 24/06/2008 par François Bergeron

On ne pourra plus traiter Stéphane Dion de mauviette. Avec le Tournant vert qu’il vient de dévoiler, qu’il expliquera et défendra à toutes les tribunes au cours des prochains mois, il risque le tout pour le tout.

En présentant ce programme de réformes environnementalistes du système fiscal canadien, qui sera au coeur du programme électoral général de son Parti libéral, le chef justifie son opposition tactique au déclenchement d’élections prématurées au cours de la dernière année, il impose sa loi à ses troupes divisées, il force les Conservateurs à débattre du programme libéral au moins autant que des réalisations et des engagements du gouvernement, et il se pose en alternative crédible pour les électeurs néo-démocrates et verts dont les Libéraux ont besoin pour reprendre le pouvoir.

Les Conservateurs, qui avaient déjà entrepris d’exposer sa «taxe sur le carbone» pressentie comme une taxe sur «tout», devront rectifier le tir. Le Tournant vert des Libéraux met l’accent autant – voire davantage – sur les baisses, les crédits et les remboursements d’impôts aux particuliers et aux entreprises (totalisant environ 15 milliards $) que sur les nouvelles taxes «sur la pollution» (qui rapporteraient aussi environ 15 milliards $).

Les Libéraux ont ici une chance d’affronter les Conservateurs à armes égales sur la question de l’allègement du fardeau fiscal des Canadiens. Le Tournant vert récupère sans vergogne les arguments traditionnellement «conservateurs» voulant que les citoyens «méritent de conserver une plus grande part de leur revenu en payant moins d’impôts»!

Stéphane Dion réussira-t-il à communiquer efficacement les aspects relativement compliqués, et parfois contradictoires, de cet ambitieux programme vert? C’est la plus grande inconnue. Il sera (il est déjà) vilipendé à gauche et à droite… Des notions «dépassées», se permet-il d’ailleurs de faire remarquer en appelant à la formation d’une «coalition non partisane» pour combler ce qu’il identifie plutôt comme un «fossé de générations» (entre les vieux qui ont pollué la planète et les jeunes qui la sauveront, faut-il comprendre).

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«Notre plan est simple», affirme-t-il, comme pour conjurer le mauvais sort. «Nous allons réduire les impôts sur ce que nous voulons voir augmenter: revenus, investissements et innovation, et nous allons réorienter ces impôts vers ce que nous voulons voir baisser: pollution, rejets de gaz à effet de serre et gaspillage.»

L’idée est simple, en effet, et elle est loin d’être nouvelle, mais le Diable sera dans les détails, comme on dit en anglais. Des «détails» comme l’harmonisation du plan vert des Libéraux fédéraux avec des projets provinciaux parallèles, pour ne rien dire des accommodements qui seront consentis aux sensibilités différentes, souvent concurrentes, des divers secteurs de l’économie et de la société canadienne.

Plusieurs juridictions – dont le Québec et l’Ontatio – prônent un marché du carbone, privé mais fortement réglementé, dans lequel les entreprises les plus polluantes achèteraient des crédits, véritables permis de polluer, aux entreprises les plus vertueuses. Un tel système entre les nations était prévu dans le Protocole de Kyoto. Il a été dénoncé comme un artifice injuste et facilement corruptible de transfert de richesse des démocraties aux dictatures. Cette idée reste nébuleuse ou du moins très mal comprise.

Les Conservateurs doivent décider s’ils condamneront le plan libéral parce que son impact serait énorme, catastrophique, ou au contraire parce qu’il serait trop modeste. On ne discute en effet ici que d’un projet de transfert fiscal de 15 milliards $ (des méchants pollueurs aux bons citoyens) sur un budget fédéral qui dépasse les 240 milliards $.

La volonté des Libéraux de protéger les Canadiens moins fortunés des conséquences de l’augmentation des prix du gaz naturel ou de l’huile à chauffage viendrait également amortir l’effet de l’augmentation des prix sur le comportement des citoyens. Et dans le contexte d’une augmentation sentie des prix de l’essence à la pompe ces derniers mois, les Libéraux s’empressent de préciser que l’essence sera exemptée de la nouvelle taxe de 40$ la tonne sur les émissions de carbone, sous prétexte que les taxes actuelles sont déjà supérieures à la taxe proposée!

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Quant aux «emplois bien rémunérés» promis par le Tournant vert, c’est encore un mirage, à moins qu’on fasse référence ici à l’intérêt envers le développement durable qui se manifeste déjà dans de nombreuses industries et qui prendra de plus en plus d’ampleur, indépendamment des gouvernements, en réponse aux forces et aux demandes du marché.

Stéphane Dion tentera donc de faire valoir l’immense importance pour le Canada d’adopter son Tournant vert… tout en minimisant l’impact de sa taxe sur le carbone sur le niveau de vie des Canadiens: la quadrature du cercle?

Les citoyens qui sont réellement préoccupés de la qualité de l’environnement et du développement pardonneront aux Libéraux leurs hyperboles sur les changements climatiques, présentées comme le plus grand défi de notre temps et la conséquence de l’industrialisation.

C’est l’activité solaire et les cycles de notre biosphère qui sont responsables des changements climatiques; l’activité humaine n’a encore eu qu’une faible incidence sur le climat. Sur une échelle de un à dix des grands enjeux socio-économiques au XXIe siècle, on peut classer les changements climatiques en onzième place.

La pollution et d’autres problèmes comme la surconsommation sont bien réels mais trouvent des solutions à mesure qu’on s’y intéresse. Tant mieux si, en croyant s’attaquer au réchauffement climatique, les gens adoptent des comportements plus respectueux de leur environnement et de l’avenir de leurs enfants.

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21 mai 2016 – Climat économique et économie climatique

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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