On ne pourra plus traiter Stéphane Dion de mauviette. Avec le Tournant vert qu’il vient de dévoiler, qu’il expliquera et défendra à toutes les tribunes au cours des prochains mois, il risque le tout pour le tout.
En présentant ce programme de réformes environnementalistes du système fiscal canadien, qui sera au coeur du programme électoral général de son Parti libéral, le chef justifie son opposition tactique au déclenchement d’élections prématurées au cours de la dernière année, il impose sa loi à ses troupes divisées, il force les Conservateurs à débattre du programme libéral au moins autant que des réalisations et des engagements du gouvernement, et il se pose en alternative crédible pour les électeurs néo-démocrates et verts dont les Libéraux ont besoin pour reprendre le pouvoir.
Les Conservateurs, qui avaient déjà entrepris d’exposer sa «taxe sur le carbone» pressentie comme une taxe sur «tout», devront rectifier le tir. Le Tournant vert des Libéraux met l’accent autant – voire davantage – sur les baisses, les crédits et les remboursements d’impôts aux particuliers et aux entreprises (totalisant environ 15 milliards $) que sur les nouvelles taxes «sur la pollution» (qui rapporteraient aussi environ 15 milliards $).
Les Libéraux ont ici une chance d’affronter les Conservateurs à armes égales sur la question de l’allègement du fardeau fiscal des Canadiens. Le Tournant vert récupère sans vergogne les arguments traditionnellement «conservateurs» voulant que les citoyens «méritent de conserver une plus grande part de leur revenu en payant moins d’impôts»!
Stéphane Dion réussira-t-il à communiquer efficacement les aspects relativement compliqués, et parfois contradictoires, de cet ambitieux programme vert? C’est la plus grande inconnue. Il sera (il est déjà) vilipendé à gauche et à droite… Des notions «dépassées», se permet-il d’ailleurs de faire remarquer en appelant à la formation d’une «coalition non partisane» pour combler ce qu’il identifie plutôt comme un «fossé de générations» (entre les vieux qui ont pollué la planète et les jeunes qui la sauveront, faut-il comprendre).