Le cacao, source de colonisation outrancière de l’Afrique

Samy Manga, Chocolaté
Samy Manga, Chocolaté. Le goût amer de la culture du cacao, récit, Montréal, Éditions Écosociété, coll. Parcours, 2023, 136 pages, 20 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 17/06/2023 par Paul-François Sylvestre

Le mot chocolat évoque friandises et desserts. Il rime aussi avec déforestation, esclavagisme, empoisonnement aux pesticides et hypocrisie occidentale, comme l’explique avec brio Samy Manga dans Chocolaté: le goût amer de la culture du cacao.

La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao. Or, la consommation du chocolat en Afriques est d’à peine 4%.

Samy Manga raconte comment il a grandi sur une plantation de cacao, au Cameroun, comment il a été témoin de la dureté du travail, des pesticides qui rendent malade, des dégâts humains et environnementaux générés par la monoculture de la fève, pour le seul bénéfice des multinationales du chocolat.

L’argent du démon blanc

«Quelles que soient les sommes encaissées après la vente des sacs de fèves, la plupart des planteurs n’accédaient jamais vraiment à un niveau de vie à la mesure de leur productivité.[…] L’argent du cacao est comme l’argent du démon, il retourne toujours chez les Blancs.»

Ce récit explique comment les grands consommateurs européens se contentent de déguster les fèves transformées de l’or vert «en ignorant l’histoire de nos terres, de nos souffrances, de nos rêves brisés, de nos rudes quotidiens écorchés».

Publicité

Des milliers de morts jonchent les plantations des villages du Sud qui produisent «la graine des riches à la sueur de nos veines».

Une affaire de 100 milliards $

Selon le Conseil international du cacao, l’industrie chocolatière mondiale a réalisé un chiffre d’affaires de 100 milliards $ en 2021. De cette somme, les pays producteurs ne touchent que 6%, tandis que les paysans, eux, n’en récoltent qu’un maigre 2%.

Dans son récit à la frontière de l’intime et du politique, Samy Manga rappelle que de grandes étendues de forêt équatoriales ont été violées, dévastées, vidées de leurs essences d’arbre, de leurs primates, de leurs oiseaux et de leurs fauves.

«Comment ne pas penser aux centaines de rivières contaminées, aux sols empoisonnés, aux écosystèmes assassinés par les bulldozers du capitalisme?»

Le secret de la Caramilk

L’auteur nomme «les papes de la confiserie mondiale», ceux qui ne pensent pas aux fournisseurs de l’or vert: Cadbury, Mondelez, Olam, Ferrero, Hershey, Mars, Nestlé.

Publicité

Lors de la Journée mondiale du cacao et du chocolat, célébrée chaque année le 1er octobre par les grands consommateurs et les empires financiers de la graine, les planteurs sont et demeurent toujours les tristes oubliés.

Manga conclut en ces termes: «Pour moi, comme pour tout esprit raisonnable, il est évident que depuis son entrée à la cour royale de France, en 1615, la culture du cacao est devenue la bannière d’un sinistre prolongement de l’esclavage, de l’oppression économique, de la conquête alimentaire et de la colonisation outrancière du continent africain.»

Écologie et biodiversité

En 2022, l’auteur a soutenu une thèse sur «Le colonialisme vert en Afrique» à l’Université de Yaoundé.

Il se considère écopoète, défenseur d’une écriture en faveur de l’écologie et de la biodiversité. Notons que l’empreinte carbone d’un kilogramme de chocolat tourne autour de cinq kilogrammes d’équivalent CO2.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur