Le bleuet: un petit fruit aux grandes vertus

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Bien connu des Premières Nations, le bleuet est excellent pour la santé.
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Publié 30/04/2020 par Michèle Villegas-Kerlinger

Le seul fruit canadien dont on exploite commercialement des variétés sauvages et cultivées est le bleuet. Le Canada en est le plus grand producteur au monde après les États-Unis.

Ce petit fruit pousse sur des arbrisseaux mesurant entre trente centimètres et cinq mètres de haut. Il est de la famille des bruyères, comme les myrtilles, les airelles et les canneberges.

C’est une espèce indigène d’Amérique du Nord. Alors que la myrtille, son cousin qui lui ressemble tant, pousse en Europe et en Asie. La plante pousse surtout dans les montagnes et les bois[1], là où le climat est frais et le sol acide. À part son grand besoin en eau, le bleuet est une plante très résistante qui peut survivre dans des conditions pas toujours idéales[2].

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Les Premières Nations

En 1615, Samuel de Champlain était en route pour le lac Huron en compagnie de ses alliés autochtones. Il a observé une grande quantité de bleuets le long de la rivière Outaouais.

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«Il est vrai qu’il semble que Dieu a voulu donner à ces terres affreuses et désertes quelque chose en sa raison pour servir de rafraîchissement à l’homme, et aux habitants de ces lieux. Car je vous assure qu’il se trouve le long des rivières si grande quantité de bleuets qui est un petit fruit fort bon à manger et force framboises et autres petits fruits, et en telle quantité que c’est merveille.»[3]

Présente depuis des millénaires sur la côte est de l’Amérique du Nord, la petite baie sauvage faisait les délices des Autochtones. En plus d’en réaliser une teinture pour leurs vêtements et leur visage, les Amérindiens la mangeaient fraîche ou écrasée comme assaisonnement sur la viande ou dans leurs soupes et ragoûts.

Pemmican et pouding au bleuet

Le pemmican était un mélange de viande séchée et de graisse animale dont bien des tribus, comme les Algonquins, rehaussaient le goût en y ajoutant des bleuets. Certaines tribus faisaient sécher ces petits fruits au soleil pour les utiliser dans des galettes et des gâteaux. Ou les réduire en poudre pour en faire une pâte.

Mélangée avec du maïs, du miel et de l’eau, le bleuet se transformait en un pouding appelé «Sautauthig».

Les Micmacs faisaient un jus du petit fruit bleu et les colons de la Nouvelle-France ont fini par adopter un grand nombre des plats autochtones dans leur cuisine. Mais le bleuet, que les Premières nations croyaient envoyé par le grand Manitou, ne servait pas qu’à agrémenter l’ordinaire et à teindre corps et vêtements.

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Propriétés médicinales et nutritives

Les Amérindiens pratiquaient une médecine traditionnelle dont la médecine moderne commence à peine à apprécier la valeur. Des racines du bleuet, ils concoctaient un thé pour soulager les douleurs menstruelles de la femme ou celles reliées à l’accouchement[4].

Le jus et le sirop étaient de puissants antitussifs.[5] Alors que le thé des feuilles servait de tonique pour purifier le sang ou apaiser la colique infantile. Les Ojibwés et les Algonquins utilisaient les fleurs de la plante contre la folie.

Aujourd’hui, on sait que le bleuet est composé à 85% d’eau. En plus d’être une source importante de vitamine C et d’antioxydants[6].

Agents anticancérigènes

De tous les fruits et légumes, les bleuets sont parmi ceux qui contiennent le plus d’agents anticancérigènes. Les super-antioxydants du fruit neutralisent les radicaux libres dans le corps. Appelés flavonoïdes, les proanthocyanines et les anthocyanines sont les plus puissants,

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Ses catéchines, une sorte d’acide phénolique, possèdent, elles aussi, des propriétés antioxydantes[7]. Cette petite baie nous protègerait contre plusieurs types de cancer. Dont celui du côlon, qui est la deuxième cause de décès par cancer chez les Canadiens.

Le jus arrêterait la croissance des cancers de l’estomac, de la prostate, de l’intestin et du sein. Et l’extrait jouerait un rôle important dans la prévention des tumeurs en général. Ce pouvoir presque miraculeux vient du fait que les propriétés actives du bleuet agissent directement sur nos gènes pour prévenir certaines mutations à l’origine d’un cancer.

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Contre les maladies cardiovasculaires

Non seulement ils seraient anticancérigènes, mais encore les bleuets peuvent diminuer le risque de maladie cardiovasculaire en limitant l’oxydation du mauvais cholestérol, ou l’HDL, l’accumulation de triglycérides dans le sang, les effets du stress oxydatif, l’inflammation des vaisseaux sanguins et l’hypertension.

Son jus préviendrait le diabète, l’intolérance au glucose et la résistance insulinique chez les sujets à risque de développer ces maladies. Tout en limitant l’hyperglycémie chez les diabétiques. Fait intéressant, le bleuet semble prévenir même les troubles souvent liés au diabète comme la rétinite[8] et les angiopathies[9].

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Par ailleurs, il empêcherait la formation de graisse abdominale en agissant directement sur les gènes responsables de la combustion et du stockage des gras.

La vue et l’équilibre

Mais les bienfaits de la petite baie bleue ne s’arrêtent pas là. Antibactérien et anti-inflammatoire, elle est aussi efficace contre la diarrhée, si l’on n’en abuse pas. De plus, le bleuet peut améliorer l’acuité visuelle tout en prévenant la dégénérescence maculaire.

En dernier lieu, ce petit fruit aiderait les gens souffrant de troubles d’équilibre et de coordination. Car son jus aurait des effets positifs sur la mémoire et des maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer ou le Parkinson.

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La cueillette des bleuets à l’aide d’un «peigne».

Culture et commerce du bleuet

Le bleuet sauvage existe depuis quelque 13 000 ans. Mais ce n’est qu’au début du 19e siècle qu’Elizabeth White[10] et le docteur Frederick Coville[11] se sont mis à le cultiver à partir d’une variété sauvage[12].

Le râteau ou peigne à bleuets, dont on se sert encore pour récolter le fruit sauvage, a été inventé en 1822 par Abijah Tabbut du Maine. Le bleuet est d’ailleurs le fruit symbole[13] de cet état!

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L’Amérique du Nord produit 90% de la production mondiale de bleuets. Au Canada, c’est en Colombie-Britannique[14] que l’on trouve la majorité des bleuets cultivés. Et c’est au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse que l’on trouve le plus de bleuets sauvages.

Les bleuets cultivés sont récoltés plus tôt que les sauvages, qui sont mûrs au début du mois d’août. Étant plus grosses et moins périssables, les baies cultivées sont vendues fraîches alors que le fruit sauvage est plutôt congelé ou transformé pour entrer dans la composition de nombreuses recettes.

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Un râteau à bleuets.

Bleuets exportés… et importés

De nos jours, presque la moitié de la récolte canadienne de bleuets cultivés est expédiée aux fruiteries. Contre seulement 2% des fruits sauvages.

Les bleuets canadiens sont exportés aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Australie. Les amateurs de ces continents en apprécient le goût, mais aussi les propriétés neutraceutiques. En 2010, le Canada a produit 83 507 tonnes de bleuets et en a exporté pour une valeur de 245 153 119 $.

Mais le Canada ne fait pas qu’exporter des bleuets. Il en importe aussi, notamment des États-Unis, du Chili et de l’Argentine, lorsque l’hiver met fin temporairement à notre propre production. Sinon, comment satisfaire le Canadien moyen qui consomme chaque année plus de deux kilogrammes de ce petit fruit merveilleux?

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Cueillir ses bleuets en Ontario

Pour ceux qui n’ont pas la possibilité de cultiver des bleuets chez eux, il existe de nombreuses fermes dans la province où l’on pourra en faire la cueillette soi-même.

Certaines fermes offrent aussi toutes sortes de produits en ligne grâce à des marchés virtuels, comme Kendalhill Farms, qui se trouve entre Oshawa et Peterborough, et qui fait des livraisons dans la grande région de Toronto.

Alors, que vous cultiviez votre propre jardin potager, fassiez de l’auto-cueillette ou achetiez des produits d’une ferme locale, vous promouvez la sécurité alimentaire au pays, ce qui est très au goût du jour!

Muffins au bleuets.

Notes

  1. Le bleuet préfère surtout les forêts de pin.
  2. On cultive le bleuet en champ ou, comme au Québec, en forêt sur des bandes de terre défrichées. Le fruit sauvage, par contre, est cueilli à grande échelle sur des terres incendiées ou coupées à blanc. C’est surtout au Saguenay-Lac-Saint-Jean que le fruit sauvage abonde en raison du grand feu de 1870 qui a détruit une superficie de 3 900 km carrés, soit les deux tiers de la région. On baptise familièrement «Bleuets» les habitants de cette belle région.
  3.  Analyse de l’oeuvre de Champlain.
  4. Les femmes qui allaitent doivent limiter leur consommation de bleuets parce que ces fruits servent, depuis le 11e siècle, à arrêter la lactation.
  5. Pour arrêter la toux.
  6. Le bleuet sauvage a plus d’antioxydants que le bleuet cultivé.
  7. Un taux très élevé d’anthocyane, le pigment qui donne la couleur rouge ou bleu à la baie, dépend du pH du milieu.
  8. Trouble de la rétine de l’oeil causé par le diabète et pouvant causer la cécité.
  9. Désigne toutes les maladies des vaisseaux sanguins ou des vaisseaux lymphatiques.
  10. (1871-1954) Spécialiste en agriculture du New Jersey
  11. (1867-1937) Botaniste américain
  12. Les espèces de bleuets sauvages les plus communes au Canada sont de trois sortes : Vaccinium angustifolium, V. angustifolium f. nigrum et V. Myrtilloides.
  13. Dolbeau-Mistassini est considéré comme la capitale mondiale du bleuet. La ville se trouve sur la rivière Mistassibi, un tributaire du lac Saint-Jean. Pour les amateurs du petit bijou bleu, on y célèbre chaque année le Festival du bleuet.
  14. Cette province produit 93 % des bleuets cultivés au Canada. Certains bleuets cultivés peuvent être jusqu’à quatre fois plus grosses que les sauvages. Mais ces dernières sont plus savoureux. Il en existe une trentaine de variétés.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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