Champlain: personnage clé de la Nouvelle-France… oublié des Français!

Hypothèses sur cette disparition avec quatre historiens

Champlain
L'acteur québécois Maxime Leflaguais a interprété Samuel de Champlain dsns la série du groupe média TFO «Le rêve de Champlain», d'après l'essai de David Hackett Fisher.
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Publié 15/01/2020 par Mélissa Salé

Connaissez-vous le fondateur de la ville de Québec et de la Nouvelle-France au début du 17e siècle: Samuel de Champlain? Chez nous, la réponse est plus souvent oui: Champlain est un héros, l’un des personnages les plus illustres de l’histoire du Canada.

En France, malheureusement, la réponse est non. Champlain y est plutôt un illustre inconnu.

La statue La rencontre, au parc Champlain-Wendat, à Penetanguishene, commémorant la visite de Samuel de Champlain en 1615.

Navigateur

Originaire de Brouage, ancienne commune du Sud-Ouest de la France près de l’Atlantique, Samuel de Champlain fut militaire, navigateur, cartographe, ethnologue, illustrateur, écrivain… et gouverneur d’un immense territoire.

Aucun sondage ne le démontre, mais ça se vérifie de façon anecdotique: la plupart des Français ignorent qui est Champlain.

Ce que nous confirme Éric Thierry, professeur français spécialisé dans l’histoire de l’Amérique du Nord et de la Nouvelle-France.

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«Je travaille sur Champlain, mais quand j’en parle à mes collègues, il y en a beaucoup qui ne connaissent pas du tout. En France, il est vraiment inconnu, mis à part dans la région d’où il est originaire.»

Autoportrait de Samuel de Champlain, seule image contemporaine de l’explorateur.

Pour comprendre pourquoi Samuel de Champlain est si peu connu des Français, quatre historiens nous ont apporté des éléments de réponse: Jérôme Grondeux, doyen du Groupe Histoire et Géographie de l’Inspection générale de l’Éducation nationale française; Geoffrey Grill, professeur d’histoire géographie au Lycée français de Toronto; David Hackett Fischer, professeur d’histoire et auteur américain de l’essai Le rêve de Champlain; et Éric Thierry.

Perte de la Nouvelle-France

Pour Éric Thierry et David Hackett Fisher, la perte de la Nouvelle-France en 1760, par les colonisateurs français au profit des colonisateurs britanniques, pourrait être une première réponse à notre question.

David Hackett Fisher, auteur de l’essai Le rêve de Champlain, adapté en série «docu-fiction» par TFO en 2015.

«C’est une colonie que la France a perdue, et après les liens se sont beaucoup distendus», affirme Éric Thierry.

Surtout, les Français auraient davantage tendance à se souvenir de leur deuxième empire colonial que de leur premier.

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«Champlain appartient au premier empire colonial français, qui a existé avant la Révolution. Ensuite il y en a eu un deuxième, sous la République, à partir du 19e siècle, en particulier en Afrique et en Indochine. C’est surtout ce deuxième empire colonial qui a marqué les Français.»

Enfin, Éric Thierry fait remarquer que «la figure du colonisateur est une figure qui reste encore décriée en France. Il y a eu des livres sur Champlain, des biographies de Champlain au 20e siècle, mais après la Seconde Guerre mondiale, ça disparaît complètement».

Corridor patrimoine
Un circuit touristique, La Route Champlain, suivra le chemin parcouru en Ontario par l’explorateur et fondateur de la Nouvelle-France en 1615 et 1616.

Absent des programmes scolaires

Une autre hypothèse, qui est peut-être liée à la première: Samuel de Champlain ne fait pas partie des programmes et manuels scolaires français, favorisant ainsi son oubli dans la mémoire collective.

«L’histoire de la Nouvelle-France est passée complètement sous silence. En France, quand les élèves étudient la colonisation, ils étudient le deuxième empire colonial, mais jamais le premier», souligne Éric Thierry.

Jérôme Grondeux explique cette absence des manuels scolaires par le fait que «les programmes ne descendent qu’épisodiquement à un niveau de précision biographique».

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Toutefois, «les enseignants choisissent des exemples de parcours individuels pour illustrer les évolutions historiques. S’il n’est pas explicitement mentionné dans les programmes, Champlain peut ainsi trouver place dans les cours d’histoire.»

Carte de la Nouvelle-France dessinée par Samuel de Champlain.

Omission involontaire

Même s’il semble que les enseignants français peuvent décider à titre individuel de parler de Samuel de Champlain dans leur cours, la chose n’est pas aisée.

Geoffrey Gill: «Je ne pense pas que cette méconnaissance de Champlain soit volontaire ni consciente. Les programmes d’histoire sont déjà extrêmement denses et chargés. Il est simplement impossible de tout voir.»

Il ajoute que «le rôle de Champlain, étant essentiel dans la création de la Nouvelle-France, il est naturel qu’il soit un personnage important de l’histoire de l’Acadie, du Québec et du Canada, et qu’une place spéciale lui soit réservée dans les curriculums canadiens. Mais son rôle est moins central pour l’histoire de France.»

Samuel de Champlain et son guide Étienne Brûlé arrivant chez les Hurons-Wendats de la Baie Georgienne en 1615.

Un effet de mode?

Selon David Hackett Fisher, la disparition de l’histoire coloniale du Canada dans la mémoire collective française n’a pas toujours été vraie, en particulier à l’époque du général Charles de Gaulle avec son fameux «Vive le Québec libre!» en 1967.

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Il y aurait donc comme des effets de mode.

«Depuis le 18e siècle et la conquête britannique du Canada, puis lorsque le mouvement pour le Québec indépendant a perdu de son élan après le référendum de 1995, je pense que les Français regardent dans une direction différente, plus vers l’Europe», explique-t-il.

Samuel de Champlain, dans une production théâtrale d’élèves d’un lycée de Champigny-sur-Marne (à l’est de Paris) sur le coureur des bois Étienne Brûlé, qui a tourné en Ontario en 2017.

Si tel est le cas, alors peut-être que l’histoire de Samuel de Champlain et de la Nouvelle-France reviendra au goût du jour, comme l’espère Éric Thierry.

«L’avantage, c’est que le Québec est assez à la mode en ce moment en France, même parmi les jeunes. Il y a beaucoup de jeunes qui vont faire une partie de leurs études au Canada ou même qui sont tentés par l’immigration au Canada. Ce sera peut-être une façon de redécouvrir l’histoire de l’Amérique française.»

Monument de Samuel de Champlain sur la terrasse Dufferin à Québec.

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