Étienne Brûlé huguenot?

Champlain, Étienne Brûlé
L'historien Joseph Graham (au centre), entouré de Rolande Smith et Danièle Caloz de la Société d'histoire de Toronto, et de Mathieu Torres et Gilles Marchildon du Collège Boréal.
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Publié 08/11/2023 par François Bergeron

On sait depuis peu qu’Étienne Brûlé, le guide et interprète de Samuel de Champlain chez les Premières Nations, loin d’être un jeune compagnon que le gouverneur de la Nouvelle-France aurait pris sous son aile, était un homme d’affaires marié qui possédait du bien en France.

Rassurez-vous, notre héros a bel et bien vécu et voyagé chez les Autochtones à partir de 1610 jusqu’à sa mise à mort par les Hurons en 1632, contribuant puissamment à l’expansion de la colonie.

Résistance franco-ontarienne
La statue du coureur des bois Étienne Brûlé dans le hall d’entrée de l’école secondaire torontoise qui porte son nom.

Une théorie

Mais voilà qu’on suggère qu’il était peut-être aussi huguenot (protestant) ou qu’il partageait l’idéal de liberté religieuse des huguenots, au grand dam de Champlain et de ses alliés catholiques.

C’est du moins une théorie plausible, selon l’historien québécois Joseph Graham, auteur de l’essai Insatiable Hunger (2021) sur les guerres de religions en Europe et les vagues de colonisation de l’Amérique.

Joseph Graham était le conférencier invité de la Société d’Histoire de Toronto (SHT) le 1er novembre au nouveau campus du Collège Boréal à la Distillerie. Une cinquantaine de personnes y ont assisté en personne et une trentaine en ligne.

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Étienne Brûlé
Insatiable Hunger, de Joseph Graham.

Tentatives de colonies protestantes

«Tout au long des années 1500 et jusqu’au début des années 1600», résume-t-il, «les protestants, persécutés en France, ont tenté à plusieurs reprises, à divers endroits, d’établir une colonie fondée sur la liberté religieuse chrétienne» (c’est-à-dire entre catholiques et protestants, excluant juifs, musulmans et païens).

Québec aurait représenté un quatrième espoir pour les protestants. Mais aussi un quatrième échec, malgré l’intérêt d’Étienne Brûlé, en raison de l’obstruction de Champlain.

Avant Québec, des explorateurs protestants avaient tenté de s’installer sur l’île Saint-Christophe dans les Antilles, sur l’île Villegagnon au large de Rio de Janeiro au Brésil, et en Floride.

Hautement spéculatif

Tout cela reste très spéculatif en ce qui concerne Samuel de Champlain et Étienne Brûlé.

On sait que le style de vie du coureur des bois, chez les «sauvages» aux moeurs moins coincés que ceux des Européens, déplaisait à Champlain. Joseph Graham en déduit qu’Étienne Brûlé était plus libéral, moins religieux, et donc peut-être plus proche des protestants que des catholiques.

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C’est plutôt mince comme preuve, admet-il.

Champlain, Étienne Brûlé
Une cinquantaine de personnes sont venues au Collège Boréal entendre l’historien Joseph Graham. Une trentaine de personne ont suivi la conférence en ligne.

Rapports hommes femmes

Les rapports entre les hommes et les femmes, très différents chez les Autochtones, représentaient un frein à leur évangélisation.

«Les femmes n’appartenaient pas aux hommes», explique l’historien. «Elles pouvaient avoir de multiples partenaires. Ce n’est qu’une fois enceinte qu’une femme choisissait un homme pour de bon. C’était un honneur pour un homme d’être choisi comme futur père et époux.»

Dans les villages autochtones, les femmes s’occupaient surtout de l’agriculture, les hommes de la chasse et des travaux de construction.

Choc économique

Joseph Graham est connu pour son analyse du système économique du «don» ou du troc, en vigueur chez les Premières Nations, qui a été malmené par le système européen d’économie de marché.

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Le choc des civilisations autochtone et européenne a été culturel et religieux, mais aussi économique, dit-il, comme d’autres entreprises de colonisation européenne en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.

Des représentants de Premières Nations d’Amérique envoyés en France à l’époque de Champlain sont d’ailleurs revenus désillusionnés à la vue des écarts de richesses en Europe, «impensables chez les Autochtones» selon l’historien.

Auteurs

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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