La condition humaine à travers l’âme haïtienne

Haïti, haïtienne, Guy Bélizaire, Mémoire vagabonde
Guy Bélizaire, Mémoire vagabonde, nouvelles, Oshawa, Éditions Terre d’accueil, 2023, 166 pages, 24,95 $.
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Publié 27/09/2023 par Paul-François Sylvestre

Je vous ai déjà parlé de Guy Bélizaire lorsqu’il a publié son premier ouvrage intitulé À l’ombre des érables et des palmiers. Il récidive avec Mémoire vagabonde, un recueil de quinze nouvelles aux accents haïtiens.

Né à Cap-Haïtien en 1957, l’auteur vit au Québec depuis plus de quarante ans. Il a beau croire que «seul le silence exprime les mots appropriés» dans certaines situations, cela ne le rend pas pour autant avare de mots. Il sait les ciseler finement, au propre comme au figuré.

Goudougoudou

Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 à Port-au-Prince est appelé Goudougoudou. Massillon est un de ceux qui se fait amputer un membre «parce qu’on n’avait ni le temps ni les moyens de faire mieux ou pour éviter la gangrène».

La nouvelle qui porte son nom explique comment la vie continue quand même, comment il faut montrer du courage. «Il faut apprendre à vivre ainsi et remercier quand même le ciel de pouvoir encore respirer et de voir chaque jour le soleil se lever.»

Dans la nouvelle Le bouton (de chemise), un homme trompe son épouse, car c’est au-dessus de ses forces de vaincre la tentation, «de maîtriser ce volcan placé entre ses jambes qui était devenu un prolongement de son cerveau». L’auteur cite Gabriel García Márquez: «Le cœur possède plus de chambres qu’un hôtel de putes.»

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Punch final

Une nouvelle n’indique pas toujours le lieu de l’action, mais un mot ou une expression permet de le deviner. Lorsqu’on lit «Mais dites-moi, simonak!», on est de toute évidence au Québec. Les succursales de la «Société des alcools» le confirment plus loin.

J’aime les nouvelles qui ont un punch final, qui se terminent de façon inattendue. Guy Bélizaire n’a pas souvent recours à cette technique, mais lorsqu’il s’y prête, c’est toujours avec brio. Dans la nouvelle intitulée Le cambrioleur, le verbe prendre a plus d’un sens: prendre un coup et être pris qui croyait prendre.

Dans L’amour est un combat, la surprise tient au fait que le même chauffeur de taxi conduit le même passager à Port-au-Prince et à Montréal. Parfois on devine le punch une page avant la fin, mais cela ne rend pas La belle visite des parents et du frère moins étonnante…

Si vous aimez les chiens, je vous préviens que Les yeux de pompon risque de vous faire vivre des émotions qui vont du remerciement à la déception en passant par le reproche et le pardon. Le dénouement de cette nouvelle en étonnera certains…

Touche haïtienne

La grande majorité des textes a une touche haïtienne. On rencontre un personnage appelé Jésus Dieudonné et on apprend que les politiciens véreux sont appelés «grands mangeurs».

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Quelques nouvelles incluent des passages en créole haïtien, parfois les paroles d’une chanson et même la lettre d’un Chinois à sa dulcinée en Haïti.

J’ai une préférence pour les nouvelles brèves. L’auteur a un penchant, lui, pour des textes plus longs. Cela lui permet, dans un cas, d’agir en détective. Le protagoniste ne sait pas que la personne recherchée a un jumeau qui n’existe qu’à moitié…

Guy Bélizaire aime nous entraîner dans toutes sortes de péripéties qui sont souvent de fausses pistes. Cela lui permet de nous obliger à nous pencher sur la condition humaine et les vicissitudes de la vie tout en nous invitant à repenser l’humain au cœur de la société.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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