La boîte bleue privatisée en 2026

Le cycle de vie complet de nos emballages sera-t-il pris en compte?

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Un camion de l'entreprise de ramassage des déchets GFL à Toronto. Photo: iStock.com/typhoonski
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Publié 20/10/2025 par Charles-Antoine Rouyer

Votre boîte bleue va changer le 1er janvier 2026 partout en Ontario. De nouveaux articles seront acceptés au recyclage: tubes de dentifrice, déodorants, emballages de crème glacée. En coulisses, les municipalités passent la main aux producteurs d’emballages.

Mais cette transition entraînera-t-elle un recul du taux de recyclage, déjà faible?

En effet, à peine la moitié (53,1%) du contenu des boîtes bleues était récupérée en Ontario en 2021, selon l’agence ontarienne Resource Productivity and Recovery Authority.

La transition est déjà en marche. Les Torontois ont peut-être déjà remarqué un auto-collant noir apparu récemment sur leur boîte bleue. Il recouvre le nom de la municipalité par l’adresse internet de Circular Materials.

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Le nouvel auto-collant sur les boîtes bleues de Toronto. Photo: Charles-Antoine Rouyer, l-express.ca

Un nouvel organisme

Circular Materials est l’organisme à but non lucratif, créé et financé par les producteurs d’emballages, qui gérera collecte sélective, tri et revente des matériaux recyclables, dans toute la province.

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«En tant qu’organisation axée sur la mise en place de systèmes de recyclage améliorés, nous veillons à ce que davantage de matériaux soient intégrés dans l’économie circulaire, ce qui profite à la fois aux personnes et à l’environnement», annonce Circular Materials.

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Allen Langdon, de Circular Materials.

Allen Langdon, le chef de la direction de l’organisme précise que «notre objectif est d’assurer une transition en douceur pour les Torontois. Le calendrier du service de collecte ne changera pas.»

En effet, l’entreprise privée GFL, qui assurait le service de collecte pour la Ville, conservera le contrat. Mais en cas de problème, le 311 de la Ville ne viendra plus à la rescousse.

La liste unique d’emballages acceptés partout en Ontario sera un gros avantage, estime Virginia Maclaren, professeure-adjointe émérite à l’Université de Toronto et spécialisée dans l’étude des déchets et des rejets.

«Actuellement, toutes les municipalités ne collectent pas les mêmes matériaux, ce qui crée de la confusion chez les résidents. Une liste unifiée permettra de mener une campagne de communication à l’échelle de la province», explique Virginia Maclaren.

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D’autres nouveaux articles, tels que les gobelets de boissons chaudes et fraîches, les emballages noirs, les emballages de jus surgelés, seront acceptés.

incinérateur
L’incinérateur de Brampton. Photos: captures d’écran d’une vidéo d’Emerald Energy.

Responsabilisation des producteurs

Ce nouveau mode de gestion est appelé responsabilité élargie des producteurs. Autrement dit, le producteur est responsable de la gestion des emballages qu’il produit.

En théorie, si les producteurs doivent payer le recyclage, ils s’efforceront de réduire les coûts et revendre plus de matériaux. Dans le passé, les producteurs remboursaient la moitié des coûts aux municipalités. À Toronto, le programme coûtait 50 millions $ à la Ville en 2022, qui recevait 29 millions $ des producteurs.

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Virginia Maclaren, de l’Université de Toronto.

Mais attention, prévient Virginia Maclaren. «Si les producteurs n’atteignent pas leurs objectifs de recyclage, et si ceux-ci ne sont pas rigoureusement appliqués, les municipalités se retrouveront avec davantage de matières recyclables dans les déchets qu’elles devront envoyer en décharge.»

Ce qui pourrait être très coûteux. Sans dire qu’avec un taux de contamination de 30%, près d’un tiers des matériaux collectés finissent déjà à la décharge.

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Une autre lacune importante selon l’universitaire: les immeubles résidentiels ne sont pas suffisamment visés. «Un tiers de tous les immeubles collectifs ont recours à des services de collecte privés. Et les immeubles collectifs (appartements et copropriétés) représentent environ 55% des logements à Toronto.»

À Toronto, le taux de détournement (bac vert compris) pour les maisons individuelles en 2024 était de 61,4% et de 27,3% pour les immeubles à logements multiples, selon la municipalité.

Privatisation, mais pas déréglementation

Le gouvernement ontarien continue de dicter les règles du jeu. Mais la réglementation a été trop assouplie disent les critiques.

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Karen Wirsig, de Environmental Defence.

Karen Wirsig, spécialiste des plastiques à Environmental Defence, explique que «le récent affaiblissement de la réglementation provinciale signifie que la grande majorité des emballages plastiques continuera d’aller à la décharge ou être incinérés.»

«Le programme ontarien de la boîte bleue est une occasion ratée de réellement rendre les producteurs responsables de tout le cycle de vie de leur emballage», résume Karen Wirsig.

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Recyclage par… incinération?

Les producteurs pourront comptabiliser comme recyclage l’incinération de 15% des matériaux collectés, s’inquiète Karen Wirsig.

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Emily Alfred, de TEA.

Même son de cloche du côté du Toronto Environmental Alliance (TEA). «Les producteurs ont fait pression sur le gouvernement de l’Ontario pour baisser les cibles de recyclage, repousser le calendrier, qualifier l’incinération de ‘recyclage’, assouplir l’application de la loi et réduire les sanctions», prévient Emily Alfred, responsable de campagne au TEA.

«Les municipalités seront toujours responsables de la collecte dans les espaces publics, comme les parcs», rappelle Emily Alfred.

Interrogée sur ces critiques, Circular Materials répond seulement avoir des projets de recherches pour innover.

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Le taux de recyclage (récupération) d’à peine 50% en Ontario. Image: rpra.ca
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Le taux de recyclage en baisse depuis 10 ans en Ontario. Image: rpra.ca

Les autres «R» plus écologiques?

D’ailleurs, le recyclage est le moins vertueux des «Quatre R»: réduire, réparer, réutiliser, recycler. À l’image de la consigne des bouteilles de bière, car fabriquer du verre neuf consomme aussi beaucoup d’énergie.

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«Une lueur d’espoir à l’horizon», souligne Karen Wirsig, «est que les producteurs de boissons cherchent à développer leur propre programme, en utilisant un système de consigne pour récupérer leurs contenants».

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