La boîte bleue souffle ses 25 bougies

C'est bien, mais beaucoup reste à faire

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Publié 25/04/2006 par Charles-Antoine Rouyer

La boîte bleue célèbre son 25e anniversaire cette année. Ce bac en plastique, qui incarne les efforts de recyclage et de collecte sélective des déchets, est né en Ontario. La boîte bleue a ainsi valu un prix des Nations Unies à notre province en 1989, pour sa contribution au combat contre la pollution.

Mais un quart de siècle plus tard, le bilan est certes bon, mais bien insuffisant. L’Ontario tarde à passer à la vitesse supérieure, soit de la version «Recyclage 1.0» à «Recyclage 2.0».

En effet, la boîte bleue et le recyclage demeurent la partie émergée de l’iceberg, des excès de consommation et de pollution du monde industrialisé, dont l’empreinte écologie reste disproportionnée sur notre planète bleue, la terre. À l’occasion du Jour de la terre qui a eu lieu le 22 avril dernier, dressons donc le bilan de ce quart de siècle de recyclage.

La première boîte bleue au monde a vu le jour à Kitchener, en Ontario, en 1981. Ce partenariat public-privé s’inspirait à l’époque du ramassage des liasses de vieux journaux. Le choix de la couleur bleue pour ce bac plastique est loin d’être poétique (l’azur, l’espoir) et symbolique (la terre, planète bleue recouverte d’océans).

La couleur bleue résiste tout simplement très bien aux rayons ultra-violet du soleil et permet d’être visible en toutes saisons, se détachant sur le blanc en hiver ou sur le vert en été, explique Brenda Gies, Directrice générale de Waste Diversion Ontario, un nouvel organisme responsable du réacheminement des déchets en Ontario.

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«La boîte bleue est un pas dans la bonne direction», reconnaît Brenda Gies. Mais elle convient également que le bac bleu donne aussi une fausse bonne conscience aux citoyens. En effet, combien d’Ontariens vont déposer leur carton de lait dans leur boîte bleue le matin, pour monter dans leur grosse voiture à six ou huit cyclindres («SUV») fort polluante, et jeter tasses à café en papier ou styro-mousse et autres emballages à midi, convaincus toutefois d’être de bons éco-citoyens?

Pour l’heure, l’Ontario recycle 55 % des divers produits pouvant être recyclés dans la boite bleue. L’objectif du gouvernement ontarien est de 60 % pour 2008, sans qu’aucun objectif de réduction de la totalité de nos déchets ne soit annoncé. Des programmes de recyclage pour les pneus automobiles, les appareils électroniques (ordinateurs principalement) ainsi que les huiles de moteur sont toutefois en cours de préparation.

Le gouvernement ontarien encourage aussi les municipalités à imposer un plafond de trois sacs poubelles par foyer par ramassage. En 2004, l’Ontario a recyclé 1,5 millions de tonnes de matériaux: 75% des journaux et magazines, 63% du verre, 50% des emballages en papier, à peine 46% de l’acier (boites de conserves) et 40% de l’aluminium (cannettes de boissons) et seulement 18% des matières plastiques, selon Waste Diversion Ontario (WDO).

Le coût total du recyclage s’est élevé à près de 193 millions $ en 2004 pour l’ensemble de la province, précise WDO. La revente des matériaux recyclés a rapporté 73 millions $, pour un coût net de 111 millions $.

Les municipalités ont réglé la moitié de la facture et le secteur privé de l’autre moitié, via l’organisme Stewardship Ontario (Gérance Ontario). Stewardship Ontario existe depuis la Loi ontarienne de 2002 sur le réacheminement des déchets, obligeant ainsi les entreprises qui produisent ces déchets de s’acquitter de la moitié des coûts de réacheminement, soit, à terme, une manière d’inciter le secteur privé à réduire les déchets en amont, par une conception de ses produits plus écologique.

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«La boîte bleue a de toute évidence ouvert les yeux des gens et les a sensibilisés», résume Clarissa Morawski, associée de CM Consulting, un cabinet-conseil spécialisé en réduction des déchets. «C’est une bonne chose. Cela a aussi amené le grand public à prendre conscience d’autres questions concernant les déchets, comme par exemple de ne pas jeter de produits domestiques dangeureux, voire même d’économiser de l’énergie».

Pourtant, la spécialiste en réacheminement et réduction des déchets confirme qu’il faudrait aller plus loin. «L’un des problèmes de la boîte bleue est que les gens oublient les deux autres R, soit réduire et réutiliser. Les gens pensent être des environnementalistes hors pair lorsque leur boîte bleue est pleine. Alors qu’en réalité le recyclage consomme beaucoup d’énergie», rappelle Clarissa Morawski, qui précise, par exemple, que l’Ontario (et la régie des alcools, la LCBO) tarde à encourager les consignes sur les bouteilles, ce que fait déjà la Colombie-Britannique.

«Le verre recyclé a pu être contaminé et doit être revendu sur des marchés de moindre qualité […] plutôt qu’être recyclé pour faire de nouvelles bouteilles.» La LCBO devrait aussi prendre exemple sur les «Beer Store» à ce titre.

Sans parler des canettes d’aluminium des boissons gazeuses… Mais pour les supermarchés qui seraient obligés de réceptionner les canettes vides, cela impliquerait plus de travail et davantage d’espace d’entreposage…

Ainsi la boîte bleue est un effort louable, mais insuffisant. En effet, la boîte bleue intervient en aval, après la consommation et la production de déchets, en permettant de limiter certes les répercussions sur l’environnement (consommation de ressources naturelles et d’énergie), soit le «Recyclage 1.0».

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Toutefois, il faut en priorité remonter en amont, à la source de la consommation, en réduisant la consommation de ressources naturelles, en repensant la conception des produits et éviter, par exemple, les produits jetables (tasses à café réutilisables, bacs en plastique dans les supermarchés plutôt que sacs) et se concentrer sur le service que rendent les produits (mobilité plutôt que automobile, par exemple) soit le «Recyclagle 2.0» qui implique … moins de recyclage et plus de réduction et de réutilisation.

Renseignements : Conseil ontarien du recyclage: www.rco.on.ca, Waste Diversion Ontario: www.wdo.ca, Stewardship Ontario: www.stewardshipontario.ca, Empreinte écologique: www.rprogress.org/

Et la boîte verte?

À Toronto et dans certaines autres municipalités de la province, la famille des boîtes de recyclage compte une petite dernière: la boîte verte. (Rappelons que boîte bleue et boîte grise ne font plus qu’une à Toronto, où la collecte a été fusionnée depuis près d’un an, pour faire de la place dans les camions de ramassage pour la boîte verte.)

Les foyers torontois peuvent à présent recycler leurs déchets organiques, soit le bon vieux compostage, via la boîte verte. Enfin presque tous.

Les immeubles d’appartements demeurent une ombre au tableau, la trappe à ordure n’étant pas équipée pour le tri sélectif, avec toutefois une trentaine de projets pilotes à Toronto pour tenter de résoudre ce problème. Les immeubles représentent plus de la moitié des logements à Toronto.

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En 2005, la boîte verte a tout de même permis à la Ville de réacheminer 18 % des déchets organiques et 22 % des autres déchets grâce à la boîte bleue, pour un total de 40% de la totalité des déchets domestiques (soit 346 000 tonnes réacheminées pour 525 000 tonnes envoyées dans un dépotoir au Michigan…), selon Tim Michael, directeur du réacheminement des déchets à la Ville de Toronto. Les maisons unifamiliales ont ainsi réacheminé 53 % de leurs déchets alors que les immeubles d’appartement, seulement 13 % des leurs…

En Ontario, selon Waste Diversion Ontario, sur les 4,3 millions de foyers, près d’un tiers (1,3 millions) sont des immeubles d’appartements.

Charles-AntoineRouyer est journaliste indépendant spécialisé en santé et environnement.

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