L’Ontario français fait face à des défis existentiels

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Des participants réunis en visioconférence lors de l’Assemblée citoyenne de l’AFO, le 2 décembre, dans le cadre des États généraux de l'Ontario français. Capture d'écran: Hamza Ziad, l-express.ca
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Publié 09/12/2025 par Hamza Ziad

Devant un recul démographique quantifiable et un risque d’assimilation à moyen terme, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a jugé nécessaire de lancer, au printemps dernier, des «États généraux de l’Ontario français»: un processus de consultation, de réflexion et de décisions en huit étapes qui s’étirera jusqu’en 2027.

Entre 1991 et 2021, résumait-on dans un rapport présenté à son congrès d’octobre, la proportion de francophones est passée de 5,5% à 4,6% de la population ontarienne, malgré une croissance en nombre absolu. Parallèlement, la transmission intergénérationnelle du français demeure fragile: 67% seulement des enfants la reçoivent, et ce taux descend à 33% dans les familles exogames, alors qu’il s’élevait à 57% en 1971.

À ces indicateurs s’ajoute un défi migratoire majeur: près de 580 000 nouveaux arrivants francophones seraient nécessaires d’ici 2050 pour maintenir la vitalité linguistique.

Fatigue

«J’entends les mêmes inquiétudes partout en Ontario: le climat politique changeant, les défis de financement et une fatigue bien réelle dans nos communautés», explique Peter Hominuk, directeur général de l’AFO. «C’est pour cela que l’AFO a décidé d’agir et de lancer les États généraux au lieu de rester immobile.»

Au-delà de l’analyse, l’AFO entend créer un espace de réflexion collective, propice à l’émergence de solutions structurantes et durables pour l’avenir du fait français en Ontario.

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Participants au Congrès annuel de l’AFO en octobre 2025. Photo: AFO

Renforcer le réflexe franco

Selon Denis Vaillancourt, président de l’AFO en 2010, le «réflexe franco» relève d’abord de gestes individuels. Il invite à se demander ce qu’il est possible de faire, en complément des actions institutionnelles, pour maintenir une présence francophone dans la vie courante.

«Vous avez tous des ordinateurs et travaillez tous avec des logiciels, mais combien d’entre vous ont le système Microsoft en français?», questionne-t-il, évoquant l’usage des interfaces linguistiques comme exemple concret.

Il souligne également l’importance de consulter les sites gouvernementaux en français, l’option étant toujours disponible, estimant que ces choix contribuent à renforcer la visibilité linguistique sans recourir à des actions militantes plus formelles.

Denis Vaillancourt exprime l’espoir que les travaux des États généraux permettront de proposer des pistes d’action et des outils pratiques. «J’espère que l’AFO pourra nous donner des astuces et de bonnes pratiques pour renforcer le réflexe franco au sein de la communauté», indique-t-il.

Au récent congrès de l’AFO 2025: la députée provinciale France Gélinas, le président de l’AFO Fabien Hébert et le DG Peter Hominuk. Photo: AFO

Financement des organismes

Le financement des organismes communautaires francophones demeure, depuis plusieurs années, l’un des enjeux les plus sensibles du secteur. Les ressources financières limitées, la rareté des sources de soutien et, dans certains cas, l’obligation de partager une même enveloppe entre plusieurs partenaires réduisent la portée des projets.

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Cette réalité se manifeste notamment dans le cadre du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO), où les montants octroyés peuvent s’avérer insuffisants lorsque plusieurs organismes déposent une demande conjointe.

Amikley Fontaine, fondateur et PDG de la Fondation Sylvenie Lindor, appelle à un financement accru, en particulier pour les organisations chargées de l’accueil et de l’intégration des nouveaux arrivants. Il soulève aussi la question de la présence politique dans l’espace francophone torontois.

«Il y a une sous-ministre des Affaires francophones qui est totalement absente de la communauté francophone à Toronto. J’espère qu’elle viendra à notre rencontre bientôt», affirme-t-il, exprimant l’attente d’un dialogue plus direct entre institutions et terrain.

Peter Hominuk et Fabien Hébert lors du Congrès annuel de l’AFO 2025. Photo: AFO.

Moins de sièges, moins de poids politique

Sur le plan politique, la perte d’influence constitue également un défi important pour la communauté francophone, notamment dans le Nord de l’Ontario: en 2025, le redécoupage électoral a éliminé une circonscription, et Marc Serré a été défait dans Sudbury-Est–Manitoulin–Nickel Belt.

«Nous avons moins de voix au Parlement, donc moins de représentativité là où se prennent les décisions», souligne Éric Boutilier, agent de liaison communautaire au sein de l’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario (AFNOO).

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Selon lui, les enjeux du Nord se distinguent du reste de la province en raison du vieillissement de la population et de l’exode des jeunes, qui affaiblissent progressivement le tissu communautaire.

De son côté, Fabien Hébert observe que la voix des Franco-Ontariens s’amenuise lorsque des circonscriptions perdent leurs élus, comme ce fut le cas en 2025, réduisant leur poids décisionnel. Il rappelle également que le Nord n’est pas une destination privilégiée par l’immigration, ce qui accentue la fragilité démographique et accélère le vieillissement de la population.

PGF Consultants (2024). Portrait de la situation francophone en Ontario. Rapport de consultation réalisé pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

Des données pour mieux revendiquer

«J’encourage toute la communauté francophone à s’outiller des statistiques préparées par l’AFO, car il y a des données très importantes à retenir», affirme Joanne Gervais, présidente de l’ACFO Sudbury.

Elle retient notamment un chiffre marquant présenté lors du congrès: bien que la population francophone de l’Ontario représente environ 4% de la province, elle génère près de 10% du PIB ontarien. «C’est énorme», souligne-t-elle, voyant dans cette donnée un levier stratégique à mieux exploiter.

Joanne Gervais estime que ces statistiques devraient être mises de l’avant plus fréquemment, notamment dans la rédaction de demandes de subvention ou dans les démarches de revendication. Selon elle, les organismes francophones gagneraient à s’appuyer sur ces indicateurs pour renforcer leur argumentaire et rappeler leur apport concret à la vitalité économique et sociale de la province.

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Écouter pour agir

Présente en tant qu’observatrice à l’assemblée citoyenne des États généraux de l’AFO, le 2 décembre, Roxanne Hotte, directrice des politiques et des services ministériels au ministère des Affaires francophones, insiste sur l’importance de distinguer l’écoute de l’action.

«Moi, j’écoute pour agir, et à la suite de ce type de rencontres, je tiens des réunions avec mon équipe ainsi qu’avec la haute direction du ministère pour partager ce que j’ai entendu», explique-t-elle.

Elle ajoute que ces échanges permettent de mieux évaluer les pistes d’intervention gouvernementale. «Cela nous permet de déterminer ce que nous pouvons mettre en place à court, moyen ou long terme pour la communauté.»

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