Énième mission multinationale en Haïti: une solution de façade?

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La salle du Conseil de sécurité de l'ONU. Photo: Nations Unies
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Publié 10/10/2023 par Annik Chalifour

Le Conseil de sécurité de l’ONU a donné son sceau d’approbation, lundi 2 octobre dernier, à l’envoi d’une mission multinationale de maintien de la paix en Haïti.

Cet article présente les points de vue émis par trois organismes haïtiens – l’organisme de défense des droits Sant Karl Levêque, le Bureau des avocats internationaux (BAI), le Centre d’analyse et de recherche en droit de l’homme (CARDH) – recueillis lors d’entrevues menées par Le National de Port-au-Prince.

Nous mentionnons aussi les avis de l’ambassadeur du Canada à l’ONU, Bob Rae, président du groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social (ECOSOC) sur Haïti, et du général à la retraite Carlos Alberto dos Santos Cruz, commandant de la force de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) de 2007 à 2009.

Et les réactions de citoyens haïtiens.

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La une du dernier numéro du National, un hebdo haïtien.

Prendre son destin en main

«Une mission multinationale pourrait apporter une solution de façade, mais rien de plus», a déclaré le coordonnateur général du Sant Karl Levêque, Jean-Gardy Maisonneuve.

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Sant Karl Levêque estime qu’il incombe aux Haïtiens de faire front commun pour sortir le pays de cette impasse occasionnée par l’hégémonie des gangs.

«Il revient à la population de prendre son destin en main pour sauver la patrie», a martelé M. Maisonneuve, qui opte pour le renforcement de la Police nationale d’Haïti et des Forces armées d’Haïti.

Pourquoi dépenser autant d’argent

Le BAI ajoute que «plusieurs déploiements multinationaux antérieurs n’ont été bénéfiques qu’aux étrangers».

«Pourquoi dépenser autant d’argent alors qu’il y a d’autres moyens pour rétablir la paix? Nous avons les forces de l’ordre, pourquoi ne pas les former et les équiper afin qu’ils puissent remplir leur tâche valablement?»

Rétablir la sécurité et professionnaliser la police

«Il faudra clairement définir le mandat de cette mission multinationale et les mécanismes pour éviter les dérives qu’on a connues avec la MINUSTAH», soutient le CARDH.

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«La priorité de cette mission devrait fondamentalement se baser sur deux axes majeurs: le rétablissement de la sécurité et la professionnalisation de la police.»

Mission non traditionnelle

Selon notre ambassadeur Bob Rae, «il ne s’agit pas d’une mission de maintien de la paix typique ou traditionnelle. La situation à laquelle nous sommes confrontés est très différente.»

«La relation très étroite avec le travail du BINUH – la mission politique spéciale des Nations Unies en Haïti – sera un élément clé de notre compréhension de ce qui doit être fait.»

«Il s’agit d’un contexte très complexe d’où l’importance d’être conscient de toutes les variables du pays», a réitéré le général Carlos Alberto dos Santos Cruz.

«Il faut comprendre la position des partenaires locaux et du gouvernement local. La solution dépend des Haïtiens, du gouvernement et du public travaillant en Haïti.»

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Bob Rae
Bob Rae.

Les gangs de rue: on ne sait pas qui est qui

Selon le général, «quatre ou cinq mois seront nécessaires pour organiser la mission sur le terrain; gérer l’arrivée de tous les contingents; instaurer la collaboration avec l’ensemble des unités de police».

«La première étape consiste à savoir comment opérer avec la Police nationale d’Haïti. Car le problème des gangs de rue est très sensible. Ils sont au milieu de la population. Ils n’ont pas d’uniformes. On ne sait pas qui est qui. D’où la priorité d’établir un service de renseignements local ultra efficace.»

«Les Kényans se sont mobilisés, ce qui est d’une importance capitale», d’affirmer Bob Rae.

«Nous tous, qui avons contribué à l’amélioration de la police nationale haïtienne, les soutiendrons. Il s’agira d’un effort multinational.»

Mentionnons que le Canada prévoit l’envoi d’agents de la GRC en Haïti pour la formation technique.

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Pas seulement un problème de sécurité

«Par ailleurs, les intervenants internationaux doivent comprendre que le problème n’est pas uniquement celui de la sécurité publique, mais aussi un problème politique», a souligné le général dos Santos Cruz.

«C’est un problème d’administration publique, de performance gouvernementale. De nombreuses organisations internationales sont sur place, mais leur coordination est très mauvaise.»

«Il s’agit d’une intervention policière pour soutenir les efforts haïtiens déjà en place et qui doit s’accompagner d’une action plus forte en matière de développement et d’aide humanitaire», de conclure Bob Rae.

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Les 10 départements d’Haiti.

Souffrance, doute et conscience patriotique

Certains citoyens haïtiens déclarent que la crise actuelle est le résultat d’une mal gouvernance répétée, sans politique pertinente de développement pour assurer la bonne marche du pays, rapporte Le National.

D’autres réfutent l’idée du déploiement des troupes étrangères, arguant que les précédentes missions ont contribué à l’instabilité que connaît le pays et causé de nombreux torts à la société haïtienne.

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Ils appellent à une conscience patriotique et à un réel compromis des acteurs politiques afin de trouver une solution durable à la crise.

Des milliers dont plus de 200 000 déplacés disent être épuisés de vivre avec la peur au ventre…

Résultats attendus

L’ensemble de ces diverses opinions accentuent l’importance de spécifier qui sont les parties prenantes impliquées dans cette mission; qui sont les entités imputables; et quels sont les résultats attendus dans un temps imparti.

«On jugera l’arbre d’après ses fruits», selon un membre de la diaspora haïtienne de Toronto.

Souhaitons qu’Haïti ne soit pas (encore) retenue captive de l’aide humanitaire.

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