Chez Marie-Hélène Sarrasin, écrire un roman, c’est entretenir un potager

Marie-Hélène Sarrasin, Douze arpents
Marie-Hélène Sarrasin, Douze arpents, roman, Montréal, Éditions Tête première, 2023, 208 pages, 22,95 $.
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Publié 19/07/2023 par Paul-François Sylvestre

Dans son premier roman intitulé Douze arpents, Marie-Hélène Sarrasin offre une galerie de personnages originaux et attachants. Une intrigue extrêmement bien ficelée tient le lectorat captif du début à la fin.

À la frontière du réalisme magique, la romancière nous plonge dans un récit d’enquête qui se trame sur deux époques se faisant écho, tantôt en 1937 tantôt en 2016-2017. Quatre sections regroupent les chapitres: Printemps, Été, Automne et Hiver.

De la librairie à la ferme

La protagoniste Marine perd son emploi de libraire à Terrebonne. Quelques semaines plus tard, sa grand-mère décède. Marine hérite d’une fermette à Saint-Didace, aux abords de la rivière Maskinongé.

Ses amis disent qu’elle va vivre au fin fond d’un trou. «Cela manque de nuance, mais ce n’est pas loin de la réalité.»

Marine ne voit jamais sa voisine ailleurs que dans son potager, même les jours de pluie.

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Chacun des gestes de Rose bat au rythme des saisons. Les dates deviennent «la fois où l’hiver s’est entêté jusqu’à la fin avril» ou «l’année où le sol a gelé à la Saint-Jean-Baptiste».

Marie-Hélène Sarrasin bêche, sarcle, arrose…

Marie-Hélène Sarrasin n’écrit pas un roman, elle le bêche, le racle, le sarcle, l’ensemence, le désherbe, le sarcle, le fertilise et l’arrose.

Comme les légumes mêlés aux fines herbes d’un potager, les vies de tous les résidents sont imbriquées les unes dans les autres.

Saint-Didace a ses commères qui connaissent le village «comme si elles l’avaient tricoté». Elles mesurent les visages, «jaugent le vacillement de la moralité ambiante» et «cousent des tissus de mensonges» comme une courtepointe.

Toutes les histoires du village sont contenues sous leur chapeau.

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Commérages et manigances

Si les commérages sont pires que le chiendent, les hommes, eux, manigancent sur le parvis de l’église et conspirent à l’auberge. Ils entrechoquent leurs verres car «la connivence se boit à petites gorgées». Chacun fait tourner ses idées dans son verre, avec les glaçons.

La protagoniste a deux enfants qui se ballotent sur des balançoires, «au gré du vent qui traverse le moulin à rumeurs».

Lorsque Marine rencontre une voisine enceinte, la romancière écrit: «un enfant à naître, des tomates, des poivrons et une amitié prête à germer ballottent au même rythme que la bedaine».

Un roman à siroter

J’ai lu Douze arpents à petites doses, comme si je sirotais un vin capiteux.

J’imaginais les villageois dressés dans deux camps: pour ou contre le tracé d’un chemin de fer en 1937, pour ou contre un projet immobilier au bout de leur rang en 2017. La prose de Marie-Hélène Sarrasin a été savoureuse à chaque gorgée.

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Marie-Hélène Sarrasin

Née à Saint-Didace, Marie-Hélène Sarrasin vit à Saint-Gabriel-de-Brandon et enseigne la littérature au cégep régional de Lanaudière à Joliette.

Avant de se tourner vers le roman, elle a publié trois recueils de poésie aux Écrits des Forges: Géographie en courtepointe (2012), Maison transatlantique (2015) et Nos banlieues (2020). L’ancrage dans le territoire est au cœur de sa démarche.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

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