Un stationnement de 400 M$ à la Place de l’Ontario

Un stationnement pour automobiles de cinq étages à la Place de l’Ontario, qui bloquera la vue du lac, coûtera 400 millions $ aux contribuables. Pourtant, la station de métro de la nouvelle ligne Ontario sera située non loin de là.

Cette principale modification au réaménagement du site a été annoncée par Doug Ford le 24 juin. Elle n’a pas tardé à s’attirer de nombreuses critiques.

La taille imposante de l’édifice au bord du lac est préoccupante, selon l’urbaniste torontois Ken Greenberg. «C’est le mauvais projet au mauvais endroit: un projet surdimensionné, disproportionné et mal situé. Il bloquera la vue.»

Priorité à l’automobile

Pourquoi investir dans un éléphant blanc en matière de mobilité, s’interroge Ken Greenberg, membre d’Ontario Place for All qui milite pour la protection des espaces verts publics sur le site.

«Cela va réduire à néant 40 ans d’urbanisme dans le secteur riverain. À commencer par la priorité à la voiture, alors qu’il y a eu un énorme investissement dans les transports en commun [à proximité]: la nouvelle ligne de métro, une station Go et le tramway en site propre le long du lac. Ce sera une congestion automobile garantie et des émissions garanties.»

Le bail de 95 ans pour le méga spa sur l’île Ouest, conclu avec l’entreprise privée autrichienne Therme, oblige la province à construire le stationnement. La version précédente envisageait un garage souterrain de 2 500 places. Mais le site au bord du lac a été aménagé sur du remblai pour un sous-sol très humide, ce qui rendait la construction souterraine très coûteuse.

En décembre 2024, la vérificatrice générale de l’Ontario a critiqué le manque de transparence de l’octroi de ce contrat et l’explosion du coût à 2,2 milliards $ pour le contribuable. Le gouvernement n’aurait pas non plus vérifié que la société Therme n’exploitait qu’un seul spa, au lieu des six indiqués dans sa proposition, selon le New York Times.

Doug Ford se lave les mains des inquiétudes sur la viabilité de l’entreprise Therme. «Le financement du spa de la Place de l’Ontario, ce n’est pas mes affaires», a-t-il déclaré, en ajoutant que l’immense complexe aquatique et son stationnement attireraient les touristes. «Vous verrez, cela deviendra probablement l’endroit numéro 1 où les gens prendront des photos.»

Des structures de cinq et dix étages

Le premier ministre de l’Ontario a précisé qu’une butte paysagée camouflerait l’édifice de cinq étages hors sol. Mais l’immense serre de verre du parc aquatique du méga spa, culminant à dix étages, bloquera aussi la vue du lac.

Pour Chris Glover, député provincial de Spadina–Fort York «les contribuables ontariens accordent à Therme une subvention de 2,2 milliards $ pour construire leur spa privé sur un parc public. Maintenant, nous allons également payer pour la construction et l’accès à un stationnement à but lucratif pour aller dans un spa à but lucratif aménagé dans notre parc.»

La mairesse de Toronto, Olivia Chow, a expliqué avoir proposé de construire le stationnement de l’autre côté du boulevard Lakeshore, sur le site municipal de l’exposition nationale, pour éviter de bloquer la vue.

La co-présidente d’Ontario Place for All, Ann Elisabeth Samson, a souligné l’importance de préserver la vue du lac dans le secteur riverain. «Avec ce garage, la province crée une nouvelle barrière entre la ville et le lac dans une ville qui est déjà honteusement coupée de son front de lac.»

Contraste Est-Ouest

«C’est une solution digne des années 1950», résume l’urbaniste Ken Greenberg. «Ce serait comme installer une chaudière à mazout dans une maison passive [à haute performance énergétique] toute neuve.»

Comparant l’anachronisme du stationnement hors sol avec la modernité du réaménagement de l’embouchure de la rivière Don, Ken Greenberg conclut: «Pensons à l’ironie aux deux extrémités du centre-ville. Ces deux projets complètement différents qui sont mis en place nous laisseraient croire que nous sommes sur deux planètes différentes.»

Adoption accélérée

Plus préoccupant encore, selon Ken Greenberg, est le volet législatif des Progressistes-Conservateurs de Doug Ford. «Ils ont adopté une loi qui les place au-dessus de la Loi», rappelle Ken Greenberg. La Loi de 2023 sur la reconstruction de la place Ontario a soustrait le projet de toute évaluation environnementale et de toute responsabilité juridique en cas de poursuite.

Doug Ford a imposé ce réaménagement de l’ancien complexe de divertissement, fermé en 2012 devant la baisse d’affluence. Depuis 2017, l’île Ouest, où est prévu le méga spa, était un espace vert public où on pouvait se promener dans une forêt de 800 arbres ou aller nager depuis une petite plage de galets.

La Province a ordonné la coupe à blanc de cette forêt urbaine, rasée en pleine nuit en novembre 2024. La destruction de cet écosystème a déplacé des coyotes vers Liberty Village où deux animaux ont finalement dû être abattus par la Ville.

5000 emplois

D’autres nouveaux aménagements annoncés dans la partie Est du site comprennent un grand forum, un pavillon culturel autochtone: une cabane dans une structure ressemblant à un arbre. D’autres équipements déjà annoncés incluent la plage, un accès pour des embarcations, un promontoire, des espaces événementiels et une marina réaménagée.

Le projet créera jusqu’à 5 000 emplois, construction et exploitation compris, a indiqué Doug Ford. Il est important d’investir en cette période d’incertitude économique en raison des droits de douane américains, a rappelé Kinga Surma, la ministre de l’Infrastructure.

Mais de nombreuses voix ont suggéré d’aménager ce méga spa ailleurs à Toronto… et de ne pas gaspiller l’argent des contribuables.