La nature comme stratégie de santé publique en ville

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Le Toronto Music Garden au bord du lac. Photo: Charles-Antoine Rouyer, l-express.ca
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Publié 05/05/2025 par Charles-Antoine Rouyer

L’espèce humaine est devenue une espèce urbaine, avec 58% de la population mondiale qui vit en ville et près de 70% d’ici 2050. Au pays, 3 Canadiens sur 4 (74,8%) vivent en milieu urbain. Parallèlement, la nature est bonne pour la santé des êtres humains, concluent de plus en plus d’études scientifiques.

Devant ces constatations, des universitaires se proposent d’aider les municipalités à ramener plus de nature en ville comme stratégie de santé publique et de promotion de la santé. C’est la mission de la Chaire d’excellence en recherche du Canada Une seule santé urbaine, à l’Université de Montréal.

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Evelyne de Leeuw. Photo: Université de Montréal

«La recherche conclut que les gens sont en meilleure santé lorsqu’ils sont exposés à la nature», résume Evelyne de Leeuw, la titulaire de la Chaire.

«Les docteurs prescrivent de l’exercice. Et à présent, les docteurs prescrivent la nature», résume l’universitaire spécialisée en santé publique et en science politique.

Bienfaits multiples

Les bienfaits de la nature pour la santé sont multiples, confirme Danijela Puric-Mladenovic, professeure à l’Université de Toronto spécialisée en écologie du paysage et foresterie.

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«Le contact avec la nature est important pour la santé humaine. C’est par exemple important pour le microbiote des enfants. Les espaces verts permettent aussi de faire de l’exercice.»

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Danijela Puric-Mladenovic. Photo: Université de Toronto

Mais tous les quartiers ne sont pas égaux face à la nature, observe Danijela Puric-Mladenovic. «À Toronto, nous avons des ravins [vallées des rivières]. Mais tous les Torontois n’y ont pas accès. Qui a le temps de traverser la ville en voiture pour y aller.»

La nature procure des avantages directs et indirects, précise Kim Statham, directrice du service de foresterie urbaine de la Ville de Toronto.

«On sait que l’existence de zones naturelles et d’espaces verts dans les centres urbains favorise l’activité physique, réduit le stress, favorise la récupération cognitive et renforce l’interaction et la cohésion sociales.»

Santé locale et planétaire

Evelyne de Leeuw souligne que la nature urbaine contribue à la santé humaine localement, mais aussi à la santé planétaire, pour des villes durables.

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Par contre, la nature peut aussi avoir des effets néfastes, reconnaît la chercheure. «La nature n’est pas toujours entièrement bénéfique pour nous. La nature peut entraîner des inondations.»

«Les êtres humains ont créé les villes pour vivre plus confortablement, et nous avons développé une relation conflictuelle avec la nature», poursuit la chercheure.

«La nature peut générer des maladies» ajoute-t-elle. Pensons aux tiques porteuses de la maladie de Lyme. «Mais elle peut aussi générer de l’ombre et nous avons besoin d’un couvert forestier pour réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain.»

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Beaucoup de Torontois viennent admirer les cerisiers en fleurs dans High Park, comme ce samedi 3 mai. Photo: Charles-Antoine Rouyer, l-express.ca

Espaces verts rafraîchissants

Kim Statham confirme: «Les espaces verts contribuent à rafraîchir certaines zones par temps chaud et à améliorer la qualité de l’air. Ces facteurs conduisent ensuite à des améliorations de la santé et du bien-être grâce aux espaces verts, tels que la réduction de l’obésité, de la morbidité psychiatrique, des maladies cardiovasculaires et l’amélioration de l’issue des naissances.»

Ville de Toronto
Kim Statham. Photo: Ville de Toronto

La nature peut ainsi aider les villes face aux changements climatiques, rappelle Kim Statham. «La forêt urbaine de Toronto fournit chaque année 55 millions $ en services et avantages écosystémiques. Des services tels que l’élimination de la pollution atmosphérique, la réduction du ruissellement des eaux pluviales et la séquestration du carbone contribuent tous à la résilience climatique.»

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Les solutions basées sur la nature, comme des villes-éponges contre les inondations, permettent d’intégrer la nature à l’urbanisme, indique Evelyne de Leeuw.

Nouveaux quartiers

«À Toronto, on a réaménagé un cours d’eau urbain [l’embouchure de la rivière Don]», note la chercheure, qui cite dans la foulée l’exemple du réamenagement d’un hippodrome à Montréal.

Ce nouveau quartier Namur-Hippodrome conservera 14 hectares d’espaces verts publics et bénéficiera d’infrastructures vertes pour la gestion des eaux de pluie. Il sera relié au parc du Mont-Royal, «un puit de biodiversité», par le corridor écologique Darlington.

Sur l’île de Montréal toujours, un futur écoquartier, le Carré Laval, abritera un parc régional centré autour d’un grand lac aménagé dans une ancienne carrière.

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Le parc Grange, non loin de l’AGO. Photo: Charles-Antoine Rouyer, l-express.ca

Attention aux espèces envahissantes

Mais attention à ne pas introduire d’espèces exotiques envahissantes, prévient Evelyne de Leeuw, originaire des Pays-Bas et qui a longtemps vécu en Australie.

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«En Australie, on a planté des platanes pour faire de l’ombre, comme dans le Sud-Est de la France. Mais cela a entraîné des conséquences néfastes sur la biodiversité locale plus adaptée aux eucalyptus».

À Toronto, l’érable de Norvège planté le long des axes routiers est aujourd’hui une espèce envahissante que l’on arrache dans certains espaces verts.

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Le parc Downsview, dans le Nord-Ouest de Toronto. Photo: Charles-Antoine Rouyer, l-express.ca

Cartographier la biodiversité

Un des projets de la Chaire de recherche Une seule santé urbaine illustre comment les technologies numériques pourraient épauler les décideurs municipaux avec une cartographie de la biodiversité locale.

«Nous avons une équipe transdisciplinaire qui applique l’intelligence artificielle pour superposer des données satellites, tout en intégrant la science citoyenne dans les quartiers, grâce au réseau de sites sentinelles pour les insectes de l’organisme Espace pour la vie, qui comprend l’Insectarium.»

Au bout du compte, la salutogénèse, comment rester en bonne santé, continue de rester dans l’ombre des soins de la maladie, estime Evelyne de Leeuw.

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«Il faut créer un nouveau récit de la santé positive et du bien-être pour les êtres humains et pour la planète». Sa pierre à l’édifice est à présent de ramener la nature et l’écologie urbaine au cœur des stratégies en santé publique.

infrastructures vertes
Schéma de la nouvelle embouchure de la rivière Don et les édifices sur la nouvelle île au centre. Illustration: Waterfront Toronto

Historitour

Charles-Antoine Rouyer animera une visite guidée de la nouvelle embouchure de la rivière Don, le samedi 10 mai, pour le compte de la Société d’histoire de Toronto. Départ à 13h30 du Keating Channel Pub & Grill, 2 Villiers Street.

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