Toronto au pied du mur… de déchets

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Un camion de ramassage des ordures de la Ville de Toronto. Photo: archives l-express.ca
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Publié 16/01/2025 par Soufiane Chakkouche

Avec une population et une économie en constante croissance, la quantité de déchets produite par Toronto ne cesse d’augmenter. La capacité de son unique dépotoir arrivera à saturation dans moins de 10 ans, rappelait récemment la mairesse Olivia Chow.

La situation pousse la Ville à chercher urgemment des solutions de substitution, mais cela est loin d’être du goût de tout le monde!

830 000 tonnes, c’est la quantité de déchets que produit Toronto annuellement, soit près de 300 kg par habitant. Or, seulement 54% de ces détritus sont recyclés ou compostés, bien loin des 70% fixés pour 2010 sous l’administration de l’ancien maire David Miller.

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Le site d’enfouissement de déchets Green Lane, au Sud de London. Photo: Google

Green Lane bientôt débordée

Cette cible non atteinte est l’une des raisons pour lesquelles la seule décharge de Toronto commence à montrer des signes de saturation. Selon les responsables de la Ville, elle sera pleine d’ici 2034 ou 2035 au plus tard, ce qui oblige à explorer d’autres options.

Pour rappel, les déchets de la Ville-Reine sont acheminés au dépotoir de Green Lane (dont la Ville est propriétaire depuis 2007) situé à quelque 200 kilomètres à l’Ouest de Toronto, au Sud de London, et ce, après avoir été rassemblés dans des stations de transferts.

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«La Ville étudie actuellement diverses options pour gérer les déchets de Toronto, notamment l’exploration de décharges privées et publiques, ainsi que l’étude de la faisabilité d’un agrandissement de la décharge Green Lane, le tout en prenant en compte les aspects environnementaux, sociaux et financiers», révèle Charlotte Ueta, directrice par intérim des politiques, de la planification, de la sensibilisation et des services de gestion des déchets solides au sein de la mairie.

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44% des déchets solides de Toronto sont envoyés au site d’enfouissement de Green Lane. Source: Ville de Toronto, Waste Strategy

Consultations publiques

Dans ce cadre, la Ville a lancé des consultations publiques dans le but de rafraîchir sa politique de gestion des déchets pour les 10 années à venir.

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Charlotte Ueta. Photo: courtoisie

«La Ville est en train de mettre à jour sa stratégie de gestion des déchets à long terme (Waste Strategy) qui inclut des consultations publiques. La première phase de ces consultations [ndlr: effectuée sous forme de sondage en ligne en décembre dernier], parmi les trois prévues, a permis de collecter des idées pour réduire et détourner les déchets des décharges», étaye Charlotte Ueta.

Parmi les alternatives présentées dans ces questionnaires, on trouve la solution consistant à incinérer les déchets. En effet, lors de la deuxième consultation prévue au printemps 2025, les Torontois seront invités à se prononcer sur l’enfouissement versus l’incinération.

L’incinération de la discorde

Bien que, selon Charlotte Ueta, la Ville de Toronto ne fait pas appel, pour l’instant, au procédé d’incinération pour éliminer ces déchets, le fait que cette option figure dans les consultations publiques ne laisse pas la place au doute quant à sa probable utilisation future, ce qui incite déjà certains acteurs environnementaux à monter au créneau.

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Karen Wirsig. Photo: courtoisie

«En théorie, c’est possible d’incinérer les déchets de Toronto, mais cela est très malsain, parce que cette méthode est un grand gâchis au niveau de la santé humaine et de l’environnement, car très polluante», fait remarquer Karen Wirsig, cheffe du programme principal plastiques à Environmental Defense.

Et de poursuivre: «Les données de l’incinérateur de Brampton montrent qu’il y a un énorme pourcentage des déchets verts qui y sont incinérés, ce qui crée beaucoup d’émission de gaz à effet de serre qui est mal ou très peu mesurée pour l’instant, alors qu’on pourrait les utiliser comme compost

Le rapport de référence sur les déchets et le recyclage en Ontario 2023 de l’Association des municipalités de l’Ontario (AMO) abonde dans ce sens. En effet, le document souligne que les déchets organiques représentent 46% de la composition des déchets résidentiels d’un ménage ontarien moyen, contre 44% pour le Canada.

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46% des déchets organiques et 34% des déchets papier de l’Ontario sont rééutilisées. Pour les autres matériaux, ça ne dépasse pas 5%. Source: Association des municipalités de l’Ontario

Questions de santé publique

De plus, la militante évoque une potentielle menace hautement cancérigène pour les animaux et les êtres humains habitant à proximité de ces incinérateurs.

D’après elle, le danger est dû aux «énormes quantités de plastique qui y sont brûlées, alors que le plastique ne devrait jamais se trouver dans un incinérateur, sans parler du mercure qui est très dangereux, sachant que le mercure n’est pas détruit par la combustion même avec la technologie la plus avancée qu’on connaisse».

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À titre informatif, il existe déjà deux incinérateurs gérés par des entreprises privées, l’un à Brampton et l’autre dans la région de Durham.

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Deux à trois millions de tonnes de déchets de l’Ontario sont acheminées au Michigan et en Ohio. Source: Association des municipalités de l’Ontario

Une variable nommée Trump

Le torchon commence donc à brûler entre les militants écologistes et les autorités locales, et il est fort probable qu’il brûlerait jusqu’à consumation dans un avenir proche, et ce au niveau de toute la province!

La situation est d’autant plus vulnérable qu’environ un tiers des besoins de l’Ontario en matière d’élimination des déchets sont satisfaits par des sites d’enfouissement se situant à New York, au Michigan et dans l’Ohio, selon l’AMO.

Cela veut dire que, sur un énième coup de tête, le président élu Donald Trump pourrait stopper ces exportations de déchets ou, au meilleur des cas, augmenter les tarifs douaniers s’y appliquant. Rien n’est certain à ce stade, mais la situation actuelle des relations géopolitiques tendues entre les deux pays s’y prête grandement.

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