La grammaire a les nuances d’une grand-mère

Emmanuelle Erny, Charlotte au pays des mots
Emmanuelle Erny, Charlotte au pays des mots, roman, Ottawa, Éditions L’Interligne, coll. Vertiges, 2024, 72 pages 21,95 $.
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Publié 21/09/2024 par Paul-François Sylvestre

L’idée est originale: faire voyager Alice dans un autre pays tout aussi merveilleux, celui des mots et de la grammaire. Emmanuelle Erny change le nom d’Alice et nous concocte Charlotte au pays des mots, un court roman où la nuance est la chasse gardée de tout un chacun.

D’un devoir de grammaire, Charlotte se retrouve aspirée dans un monde où elle doit négocier avec les noms, articles, adjectifs, verbes, adverbes et pronoms pour retrouver son chemin. Ceci permet à la romancière de souligner la richesse et les mécanismes de notre langue.

L’ambition des pronoms

Histoire, ici, est un personnage. Chaque pronom se rue à son assaut, espérant avoir le privilège de la remplacer. Pourquoi? Parce qu’un pronom est un mot flou aux contours indistincts. «Tant qu’ils ne remplacent aucun nom, ils ne sont personne.»

Emmanuelle Erny connaît la grammaire française sur le bout des doigts. Elle aime donner toutes sortes d’exemples, comme celui d’une conjonction de subordination: «Alors qu’elle rentrait chez elle, elle a été enlevée par un vaisseau spatial.» Arme redoutable, alors que soumet une phrase à une autre.

Trois groupes de verbes

Les verbes occupent une place de choix dans ce roman. Pas étonnant puisqu’ils forment trois groupes. Ceux du premier «ont vraiment un -er de famille». Ils sont faciles et réguliers; nous aimons les conjuguer.

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Ceux du deuxième groupe sont plus difficiles à cerner. Comment faire le tri? Ils doivent participer (participe présent) avec un «s» à la gauche. Finir devient finissant; partir n’a pas cette «ssuvité».

Les verbes du troisième groupe sont hétéroclites : -oir, -aire, -eindre, -ir, -soudre. L’auteure souligne que Charlotte a déjà dit à sa prof de français que la langue française se porterait mieux sans ce troisième groupe. Erreur! Ils sont «la dentelle des verbes».

Être et avoir sont des verbes totalement irréguliers. Et ils en sont fiers. «Sans nous, les temps composés de décomposent, […] rien que des temps simples… autant dire simpliste. Nous sommes la richesse des autres, leur subtilité, leurs nuances.»

Tests de grammaire

Vous vous souvenez des tests de grammaire, de la difficulté à décliner un verbe au subjonctif…? On y fait allusion avec le verbe teindre. Que j’eusse teint se transforme en que je teignisse. Occasion pour Emmanuelle Erny de s’adonner à un beau jeu de mot : « teindre nous en fait voir de toutes les couleurs », ce qui provoque un éclat de rire chez Charlotte.

Il ne m’a pas été facile de lire ce roman en raison de la mise en page. Le caractère sans sérif est tellement petit qu’il faut presque une loupe pour capter les mots. Ils sont parfois tellement serrés sur une ligne que l’espace entre eux se voit difficilement.

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De plus, il n’y a pas de chapitres; tout est présenté dans un seul bloc d’environ 50 pages, pas de sous-titres, pas de pauses pour respirer, pour adopter un nom, un pronom, un verbe, un adjectif, un adverbe.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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