Haïti: «Avec trois millions d’enfants à risque, l’avenir du pays n’est pas assuré»

Appel à la solidarité de la communauté internationale

Save The Children Haïti
Une mère et ses enfants, victimes de la violence des gangs armés, abrités dans une école servant de camp de déplacés. Photos: Save The Children.
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Publié 23/08/2024 par Annik Chalifour

600 000 familles ont dû se déplacer, dont 114 000 vers le Sud d’Haïti en raison de la situation d’intense violence sévissant dans la capitale. 80% de la zone métropolitaine de Port-au-Prince est sous l’emprise des gangs armés.

«Depuis trois semaines, la route depuis Gressier vers le Sud est bloquée par les gangs. Cette situation entraîne la mise en place improvisée de nombreux camps de déplacés dans la capitale assaillie», témoigne la directrice humanitaire et partenariats de Save The Children en Haïti, Gaby Breton.

«Des milliers d’enfants et leurs familles se voient contraints de survivre dans des conditions misérables, occupant des cours d’écoles surpeuplées, bureaux, centres sportifs et même des églises désertées au cœur de Port-au-Prince assiégée», dit-elle à l-express.ca.

Gaby Breton, directrice humanitaire et partenariats chez Save The Children Haïti.

Pauvreté, famine, violence

Les données validées par l’ONU indiquent qu’en moyenne, cinq enfants ont été tués ou blessés chaque semaine durant les six premiers mois de cette année.

«Cette situation fragilise la vie de milliers de familles déjà victimes d’une extrême précarité économique; le marché de l’emploi est inexistant. La vie économique est en chute libre», , souligne Gaby Breton.

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«De nombreux enfants souffrent de malnutrition sévère en plus d’être privés de scolarité ((les écoles servent de camps et d’autres sont restées fermées durant la dernière année), tout en évoluant dans un climat de violence chronique acharnée.»

Camp de déplacés, École Nationale Argentine Bellegarde, Port-au-Prince.

Dépistage de malnutrition 

Selon une nouvelle évaluation du Programme Alimentaire Mondial (PAM), la faim a atteint des niveaux sans précédent en Haïti causée par l’aggravation de la crise sécuritaire.

Dans ce contexte, Save The Children opère un programme de nutrition visant à gérer la situation de famine à laquelle sont confrontés trois millions d’enfants déplacés.

Près de cinq millions de personnes – soit près de la moitié de la population du pays – font aujourd’hui face à une situation de faim aiguë et luttent pour se nourrir.

L’UNICEF précise que 850 000 enfants haïtiens de moins de 5 ans (66%) souffrent d’anémie, un marqueur de la carence en fer.

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Dépistage de la malnutrition dans la Grand ‘Anse.

Pour gérer la situation à son niveau, Save The Children favorise une approche en partenariat avec une entité haïtienne, utilisant les ressources humaines locales et leurs connaissances du milieu. Cette politique de gestion permet de mieux agir avec les maigres ressources financières dont l’ONG dispose.

«Nous collaborons avec l’Institut du Bien-Être Social et le ministère de la Santé publique et de la Population dans le but de dépister les cas de protection et de malnutrition. Dans le cadre de nos projets, des cours de cuisine aux mamans sont offerts, incluant des aliments à haute valeur nutritive», précise Gaby Breton.

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Une maman nourrissant sa fillette victime de malnutrition.

Rattrapage scolaire

Outre le programme de nutrition, Save the Children œuvre au renforcement de la qualité de l’éducation en Haïti.

L’organisation a dû même voler au secours d’élèves déplacés quittant Port-au-Prince en raison de la violence des groupes armés pour se rendre dans le Sud du pays et la Grand ’Anse.

En collaboration avec PRODEV, un organisme haïtien apolitique et sans but lucratif, Save the Children a pu jusqu’ici contribuer au progrès du système éducatif haïtien dans le cadre de ses zones d’intervention et la mise en oeuvre de ses programmes.

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«Les enseignants faisant partie des projets de Save the Children en Haïti opérés par PRODEV, s’assurent de procurer un environnement communautaire permettant aux enfants de se recréer en sécurité, tout en pouvant se rattraper sur le plan scolaire (1ère à la 6e année). Une collation est offerte (souvent le seul repas de la journée pour ces enfants)», explique Gaby Breton.

«On aimerait pouvoir leur offrir mieux et permettre à plus d’enfants de bénéficier de ces opportunités, mais les moyens financiers manquent tandis que nombre d’enfants se déplacent de Port-au-Prince presque tous les jours», déplore-t-elle.

Un enfant dessinant un cellulaire.

Transferts monétaires 

«Les milliers de familles déplacées se sont réfugiées chez d’autres membres de leur famille logés dans les provinces du Sud. Ayant délaissé tous leurs biens, ces familles déplacées se retrouvent complètement démunies», constate Gaby Breton.

«Cela crée un lourd fardeau additionnel pour les familles d’accueil déjà éprouvées par l’économie locale gravement déficiente.»

«Dans le but de favoriser l’autonomie financière de ces familles déplacées, Save The Children fournit un transfert monétaire leur permettant de répondre à leurs besoins prioritaires et même de démarrer une activité lucrative, aussi modeste soit-elle.»

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«Les Haïtiens étant très créatifs et résilients et ayant aussi l’esprit très entrepreneurial, le montant reçu permet à beaucoup d’entre eux de se remettre à flot en attendant que la situation de la crise s’améliore.»

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Famille bénéficiaire des projets de Save The Children dans la Grand ’Anse et le Sud.

Partenariats locaux essentiels

Save The Children est opérationnel en Haïti depuis de nombreuses années.

Ses programmes se caractérisent par une approche-terrain appliquée en partenariats essentiels avec des organisations nationales.

«En plus de l’Institut du Bien-Être Social et PRODEV, nous collaborons notamment avec le Centre de formation et de recherches en appui psychosocial (CFRAPS) et le RFEO (Rassemblement des Femmes Engagées de Ouanaminthe).»

«Nous opérons dans les départements du Nord et Nord-Est, le département de l’Ouest incluant Port-au-Prince, et les départements du Sud et de la Grand’ Anse dans le Grand Sud », cite Gaby Breton.

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Les besoins étant énormes face à la crise, Save the Children compte développer encore plus de partenariats avec d’autres associations locales en lien avec ses nombreux programmes et projets aux bénéfices des plus vulnérables, particulièrement les enfants.

L’équipe actuelle de SC en Haïti comprend 104 employés locaux et cinq expatriés.

L’humanitaire Gaby Breton est originaire de Bellechasse, une municipalité du Québec située dans la région de la Chaudière-Appalaches.

Avant de se joindre à Save The Children en Haïti, elle a œuvré en Haïti auprès de Développement Desjardins International et la Croix-Rouge américaine.

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Gaby Breton en consultation avec Luckner Guerrier, gestionnaire de projet PRODEV, œuvrant en collaboration avec Save The Children dans le Sud.

Solidarité internationale indispensable

Les défis sont immenses: la gestion de l’insécurité, le retour à la paix civile, la relance socio-économique, l’organisation des élections démocratiques (il n’y a pas eu d’élections en Haïti depuis huit ans).

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«Nous souhaitons que la communauté internationale entende notre appel à la solidarité humanitaire et que les autorités haïtiennes parviennent à venir à bout de la crise sécuritaire.»

«Il faut définitivement plus de solidarité internationale. C’est un appel à la conscience collective. Trois millions d’enfants haïtiens sont aujourd’hui à risque! Et avec trois millions d’enfants à risque, l’avenir du pays n’est pas assuré», réitère Gaby Breton.

Save The Children se joint au plaidoyer des ONG internationales présentes en Haïti témoignant au nom de la population en détresse.

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Le quartier Fort National, au centre de Port-au-Prince. Photo: Annik Chalifour (2014).

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