Déclin des médias et du français: n’insistez pas

médias, français
Mauvaises nouvelles? Où ça? L'affiche de la Semaine québécoise des médias en avril 2019.
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Publié 06/08/2024 par François Bergeron

En tant que journaliste francophone, je suis particulièrement sensible à deux sujets d’actualité… que je veux traiter le moins souvent possible: le déclin du journalisme et le déclin du français.

Qui souhaite étaler ainsi ses difficultés sur la place publique? OK si ça peut aider à renverser la vapeur… mais est-ce le cas?

Il n’y a rien de plus déprimant que de rapporter de nouvelles statistiques sur la baisse des revenus publicitaires des médias d’information au profit des Google ou Facebook, ou montrant que des entreprises de presse disparaissent ou réduisent leurs effectifs, ou indiquant que la confiance des citoyens envers les journalistes est au plus bas.

Humiliant

Et rien de plus humiliant que de demander aux gouvernements d’intervenir.

Les médias sont censés être indépendants et servir de contre-pouvoirs aux gouvernements (entre autres), pas en dépendre pour leur survie, encore moins leur appartenir. Leur indépendance, leur intégrité et leur crédibilité – je devrais dire «notre», car je m’inclus là-dedans – s’en trouvent érodées.

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Vivement de nouveaux modèles économiques ou virages technologiques pour relancer le journalisme!

Des nouveaux médias dansent déjà sur la tombe des anciens, mais ce sont généralement de plus petites organisations vouées à l’analyse et l’opinion plutôt qu’à la nouvelle et l’enquête. Elles visent donc davantage à compléter l’offre des médias traditionnels plutôt qu’à les remplacer.

Mais c’en est sans doute fini du média généraliste; les citoyens s’informent de plus en plus auprès de multiples sources spécialisées.

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Les médias évoluent. Photo: Médias d’Info Canada

Dévalorisation

Même torture du côté du français. Qui pense que c’est une bonne idée d’annoncer à la ronde que la proportion de francophones ne cesse de diminuer au Canada, ou que Montréal s’anglicise, ou que de plus en plus de nos jeunes parlent un sabir extra-terrestre? Ce n’est pas ça qui va motiver les prochaines générations à étudier, lire et chanter en français, pour perpétuer la francophonie.

Ici, tout n’est pas perdu. Le gouvernement du Québec a lancé cette année une grande offensive, impliquant six ministères, pour «inverser le déclin» du français dans la province.

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On veut influer sur l’immigration et sur les contenus numériques, ce qui n’est pas utopiques. Mais aussi sur «la dévalorisation du français» chez les jeunes et sur «l’état de la mobilisation sociale» à l’égard de la vitalité de la langue française: des considérations subjectives difficilement mesurables.

Indicateurs

Les indicateurs démolinguistiques motivant l’initiative québécoise sont loin d’être catastrophiques. Ils ne devraient pas être présentés comme tels.

  • La proportion de personnes «dont le français est la langue maternelle» a décliné de 81% à 76% en dix ans… Oui, à cause de l’immigration; ça n’implique pas que les immigrants ne peuvent pas être francisés.
  • La proportion de personnes «qui parlent principalement le français à la maison» est passée de 83% à 79%… Même cause; et où est le problème que des Arabes parlent arabe à la maison? Ils sont aussi francophones, et leurs enfants vont à l’école française.
  • La proportion de personnes «qui utilisent le plus souvent le français au travail» a diminué de 82% à 80%… Peut-être parce que les Québécois ont de meilleures jobs d’envergure pancanadienne ou internationale?
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Les pratiques culturelles chez les Québécois francophones selon l’OQLF.

Riche anglosphère

Le tableau des «pratiques culturelles chez les francophones» n’est pas décourageant. De fortes majorités de Québécois continueraient de s’informer, lire, écouter de la radio et de la télévision, aller au théâtre, au concert et au cinéma principalement en français! Je m’attendais à pire.

Mais surtout, je ne pense pas que mon appréciation de la culture anglophone – métissage nécessaire et enrichissant en Amérique du Nord et dans le monde moderne – équivaut à un reniement de ma culture francophone.

Les deux cultures sont en compétition pour notre temps d’écoute et de lecture, mais rien n’empêche d’aimer les deux.

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Auteurs

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

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