Le français au Québec: en déclin ou «pas trop pire»?

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Le ministre québécois Jean-François Roberge avec ses collègues Christine Fréchette (Immigration), Bernard Drainville (Éducation), Mathieu Lacombe (Culture) et Pascale Déry (Enseignement supérieur). Photo: gouvernement du Québec
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Publié 30/04/2024 par François Bergeron

«Les chiffres sont là, ce n’est pas une question d’interprétation ou d’émotion: depuis 20 ans au Québec, le français comme langue de travail a reculé; le français comme langue parlée à la maison a reculé; le français comme langue maternelle a reculé; le français comme langue de consommation culturelle a reculé; le français comme langue de consommation commerciale a reculé… Il n’y a aucun indicateur qui n’est pas rouge.»

C’est ce que confiait à l-express.ca le ministre québécois de la Langue française et de la Francophonie canadienne, Jean-François Roberge, en marge d’un événement plus festif où l’optimisme était de mise: le lancement de la Semaine de la francophonie de Toronto le 18 mars à l’Université de l’Ontario français.

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Quelques indicateurs du déclin du français au Québec en 20 ans. Source: OQLF

Un Plan

Un mois plus tard, ce 28 avril, il dévoile le Plan du gouvernement du Québec pour inverser ce «déclin» du français. Cinq autres ministres collaboreront à la mise en oeuvre de ses neuf priorités, à laquelle sont alloués 603 millions $ pour cinq ans.

Ce qui se passe au Québec sur le front du français aurait des répercussions sur le moral de la francophonie canadienne hors Québec. Celle-ci est elle-même confrontée – comme le Québec – à un déclin démographique en pourcentage de la population canadienne, quoique pas en nombres absolus.

«Mais en démographie c’est le pourcentage qui compte», indique le ministre Roberge.

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Le Plan tient compte des «cinq principales tendances qui ont eu, au cours des dernières années, le plus d’incidence sur la vitalité du français au Québec»:

  • La croissance et le profil linguistique de la population immigrante.
  • La place limitée des contenus francophones sur les plateformes numériques.
  • La fréquentation d’établissements d’enseignement supérieur anglophones.
  • La dévalorisation du français chez les élèves et les étudiants.
  • L’état de la mobilisation sociale à l’égard de la vitalité de la langue française.

Pratiques culturelles

Pourtant, selon les statistiques de l’Office québécois de la langue française (OQLF) sur les «pratiques culturelles» des Québécois, la situation est loin d’être désespérée.

Les francophones (langue maternelle), qui comptent encore pour 76% de la population de la province, consomment beaucoup plus de produits francophones qu’anglophones.

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Les pratiques culturelles chez les Québécois francophones selon l’OQLF.

Malgré l’accessibilité d’une offre anglophone abondante sur le continent et dans le monde, de grosses majorités de Québécois francophones disent ne consommer que des journaux (87%), livres (79%), radio (79%), télévision traditionnelle (78%), théâtre (73%), cinéma (64%) en français. À cela s’ajoutent les 10 à 15% de francophones qui disent consommer ces produits «autant en français qu’en anglais».

Les Québécois francophones sont moins nombreux à ne consommer que du contenu francophone sur les plateformes de diffusion (52%) et dans les jeux vidéo (49%).

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Enfin, fouetter l’engouement pour la chanson québécoise serait un enjeu ici. En effet, 21% des Québécois francophones n’écouteraient que de la musique francophone, contre 40% «autant en français qu’en anglais» et 37% uniquement en anglais.

La musique francophone du Québec est pourtant formidable, comme nous le rappelle chaque fois la disparition de géants comme Karl Tremblay ou Jean-Pierre Ferland.

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Les pratiques culturelles chez les Québécois allophones (essentiellement des immigrants récents) selon l’OQLF.

Les «allophones» du Québec (personnes dont la langue maternelle n’est pas le français ni l’anglais: principalement des immigrants récents) se tournent plus souvent vers l’anglais. Mais bon nombre d’entre eux consomment tout de même beaucoup de produits culturels francophones ou «autant en français qu’en anglais»: journaux (67%), radio (50%), télévision traditionnelle (51%), livres (46%), cinéma (39%)…

Le «déclin» est réel statistiquement, mais la société québécoise évolue maintenant dans un environnement plus mondialisé. Pourrait-on même inverser l’argument: est-il sain que d’aussi grosses majorités de Québécois consomment si peu de médias de la culture dominante sur la planète?

Les priorités

Le Plan pour la langue française du gouvernement du Québec identifie neuf priorités.

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Priorité 1 : Effectuer annuellement le suivi des indicateurs de la situation linguistique au Québec.

Priorité 2 : Augmenter le pourcentage de personnes issues de l’immigration économique connaissant le français, notamment en exigeant la connaissance du français dans tous les programmes d’immigration économique.

Priorité 3 : Accélérer l’obtention de la résidence permanente pour les étudiants internationaux diplômés de programmes francophones.

Priorité 4 : Augmenter la francisation des travailleurs temporaires étrangers, notamment en l’exigeant pour les séjours de plus de trois ans, sauf pour les travailleurs agricoles étrangers.

Priorité 5 : Augmenter l’offre culturelle francophone et son accessibilité.

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Priorité 6 : Augmenter la disponibilité et la mise en valeur des contenus francophones dans l’environnement numérique.

Priorité 7 : Attirer et retenir un plus grand nombre d’étudiants internationaux francophones et «francotropes» (dont la langue maternelle n’est pas le français, mais dont la culture d’origine a des affinités avec le français: Arabes, Vietnamiens, Congolais, Camerounais, Sénégalais, Roumains…).

On propose notamment ici de réviser la formule de tarification des droits de scolarité des étudiants canadiens et internationaux en faveur des francophones et francotropes.

Priorité 8 : Améliorer la maîtrise du français des élèves et des étudiants québécois. On veut notamment actualiser les programmes d’études de français, langue d’enseignement, et sensibiliser les élèves à la lecture.

Priorité 9 : Renforcer l’attachement des Québécois à la langue française et favoriser son rayonnement.

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Plusieurs actions pourront cocher ces cases: de la promotion des publications scientifiques en français aux efforts de communications, en passant par «le développement économique avec les communautés francophones canadiennes et étrangères».

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Le plan du Groupe d’action pour l’avenir de la langue française au Québec, dévoilé le 28 avril par le ministre Jean-François Roberge.

Objectifs

La vision du gouvernement du Québec s’articule autour d’exigences comme:

  • L’immigration doit contribuer à la vitalité de la langue française.
  • La culture francophone doit être davantage accessible et découvrable.
  • Les établissements d’enseignement supérieur doivent attirer davantage d’étudiantes et d’étudiants francophones et francotropes.
  • La maîtrise du français chez les jeunes doit être priorisée.
  • La langue française doit être un point d’ancrage et un vecteur d’échange pour favoriser sa valorisation et son rayonnement.

Le gouvernement souhaite suivre de près l’évolution des indicateurs de la situation linguistique au Québec. Il mettra en place «un tableau de bord dont les indicateurs faciliteront le pilotage ainsi que le suivi de la vitalité de la langue française au Québec».

Auteurs

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

  • l-express.ca

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