Violence domestique et santé mentale des papas

Un refuge pour hommes à Toronto fête son 4e anniversaire

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Il y a à Toronto un refuge pour hommes victimes de violence domestique. Photo: iStock.com/EyeEm Mobile GmbH
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Publié 15/06/2025 par Charles-Antoine Rouyer

Pour la fête des Pères cette année, un papa torontois va célébrer le 4e anniversaire de l’ouverture d’un refuge pour hommes victimes de violence domestique, lors d’un barbecue ce dimanche 15 juin.

Justin Trottier, le cofondateur du Centre canadien pour les hommes et les familles (CCMF) qui gère ce refuge, célébrera aussi sa récente médaille du roi Charles III récompensant ses plus de dix années de travail à aider les hommes en détresse.

«La violence domestique envers les hommes existe. Mais on n’en parle pas», résume Justin Trottier, le directeur général du CCMF, fondé en 2014.

«Pour un père qui cherche un lieu d’accueil avec ses enfants, il y a un gros manque d’hébergement d’urgence. Alors les pères sont souvent séparés de leurs enfants», ajoute Justin Trottier, dont l’organisme a également ouvert un refuge pour hommes à Calgary l’an dernier.

Le refuge torontois est une maison de 3 000 pieds carrés de 10 chambres à coucher avec salle de bain privée. Le refuge de Calgary est un immeuble de 10 000 pieds carrés de 11 appartements.

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Justin Trottier
Justin Trottier à la remise de sa médaille du Roi Charles III par le sénateur Patrick Brazeau à Ottawa le 9 juin. Photo: Simon Gardner Photography

Plus souvent des relations hétéros

«La plupart du temps, les hommes fuient la violence familiale, en général de la part de leur épouse. Cela peut-être des couples du même sexe, mais ce sont surtout des hommes hétérosexuels qui fuient les violences de leur conjointe», précise Justin Trottier.

Selon Statistique Canada en 2019, 2,7% des hommes ont été victimes de violences conjugales, soit 279 000 hommes. En comparaison, 4,2% des femmes ont été victimes de violences conjugales, soit 432 000 femmes.

Par contre, 80% des victimes de violences entre partenaires intimes ne l’ont pas signalée à la police. Seulement 22% des femmes et 14% des hommes l’ont déclarée, précise Statistique Canada.

Sujet tabou

«C’est la première fois que j’entendais parler [de ce refuge pour hommes]», confie Serge Paul, un Torontois membre du groupe des hommes alliés de l’organisme Oasis Centre des femmes.

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Serge Paul.

«J’ai été très agréablement surpris, parce que déjà c’est un sujet tabou au niveau des femmes, et je pense que c’est un sujet encore plus tabou au niveau des hommes. Même si les femmes sont beaucoup plus victimes de violence domestique, c’est peut-être encore plus tabou pour les hommes, parce que dans la société on est censé être le sexe fort.»

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Plutôt que de tabou, Rob Whitley, professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill, parle d’angle mort pour expliquer pourquoi la violence domestique envers les hommes est méconnue.

«Il existe un angle mort, particulièrement lorsque nous parlons des hommes victimes de violence conjugale», explique Rob Whitley, auteur du livre La santé mentale au masculin – Notions essentielles.

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Repercussions de la violence entre partenaires intimes sur les victimes.

Stéréotypes dépassés

«Je pense que cela est probablement lié à des stéréotypes dépassés sur les hommes. Les femmes sont souvent présentées comme des victimes et les hommes comme des agresseurs dans les relations hommes-femmes. Ces stéréotypes ont été perpétués par Hollywood et par les médias parfois, et la société dans son ensemble les a intériorisés.»

Rob Whitley
Rob Whitley.

Le silence règne également autour de cette question. «Beaucoup d’hommes victimes de violences domestiques ne signalent pas leur situation à la police. Le problème est donc sous-estimé en termes de gravité», souligne Rob Whitley.

«Un autre facteur est que les hommes sont plus individualistes. Il y a donc moins d’organisations où les hommes se réunissent pour tenter de faire reconnaître ce problème», poursuit le chercheur montréalais.

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Les femmes se sont organisées

«En revanche, dans les années 1960, un mouvement de femmes s’est très bien organisé et a fait pression pour obtenir des services destinés aux femmes. Je me réjouis qu’elles l’aient fait et qu’elles aient réussi. Mais les hommes n’ont pas eu de mouvement équivalent», conclut Rob Whitley.

La société civile commence toutefois à s’organiser, poursuit Rob Whitley, citant l’Association des pères séparés au Québec – qui offre de l’aide en ligne hors province, dit-il. Il cite aussi le court-métrage Briser l’isolement», où des pères québécois se confient sur leurs difficultés psychologiques après une séparation.

«Au Canada, un homme sur six seulement obtient la garde des enfants dans les cas de séparations qui vont jusqu’au tribunal», rappelle Rob Whitley.

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Violence entre partenaires intimes.

Les hommes souffrent en silence

Le CCMF de Justin Trottier offre ainsi des services d’aide juridique aux pères en cours de séparation. Car beaucoup d’hommes «souffrent en silence», rappelle Justin Trottier. «Les hommes peuvent trouver ça difficile d’admettre qu’ils ont besoin d’aide» ajoute-t-il, ce qui peut mener jusqu’au suicide.

Une récente étude à l’Université de Colombie-Britannique pour le compte de l’Institut Movember pour la santé des hommes rappelle que les hommes se suicident trois fois plus les femmes.

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«Les hommes ne parlent pas de leur souffrance psychologique. Ils ont peur d’être jugés comme étant faibles et des répercussions professionnelles», confirme Rob Whitley.

La santé mentale des hommes

«Et le système médical favorise la thérapie par la parole – une thérapie que préfèrent les femmes. Les hommes préfèrent se guérir par des activités», explique Rob Whitley, citant l’association Men’s Sheds Canada où des hommes peuvent se retrouver autour d’activités de plein-air ou de bricolage pour s’entre-aider.

Un rappel que si la santé biomédicale des hommes, des maladies cardiaques aux problèmes de prostate, est moins ignorée, les déterminants de la santé psychosociale masculine demeurent encore dans l’ombre.

Alors, en cette fête des Pères, Rob Whitley recommande de dire aux papas en détresse: «il y a des services pour vous. Vous n’êtes pas seul. Il existe des groupes d’hommes et de pères comme soutien.»

«Et prenez soit de vous: l’exercice physique, le sommeil, la routine, les amis sont bons pour la santé mentale. Il est très difficile de combler un vide si l’on est séparé de ses enfants. Mais il est important de faire des activités qui seront bénéfiques pour votre bien-être.»

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Victimes de violence-familiale déclarées par la police.

La violence domestique et ses impacts sur la santé

La violence domestique est un grave problème de santé publique, selon l’Agence de santé publique du Canada. Elle peut se manifester sous différentes formes, y compris la violence physique et sexuelle, la violence psychologique et l’exploitation financière. La santé mentale des personnes ayant subi de la violence de la part d’une ou un partenaire intime peut souvent être affectée.

La violence entre partenaires intimes (VPI) peut se produire dans une variété de contextes:

  • dans le cadre d’un mariage, d’une union de fait ou d’une relation amoureuse;
  • peu importe le sexe et l’orientation sexuelle des partenaires;
  • n’importe quand pendant une relation, voire après la relation;
  • entre partenaires vivant ou non sous le même toit, qui ont ou non des relations sexuelles.

La VPI prend diverses formes:

  • contrôle coercitif;
  • harcèlement criminel (traque);
  • maltraitance émotionnelle ou psychologique; exploitation financière (aussi appelée violence économique);
  • violence physique;
  • coercition reproductrice;
  • violence sexuelle;
  • violence spirituelle;
  • VFS [violence fondée sur le sexe] facilitée par la technologie (aussi appelée cyberviolence).

La VPI peut avoir des répercussions très graves qui peuvent de surcroît durer longtemps. Ces répercussions peuvent être:

  • physiques (y compris des blessures mineures à graves, des problèmes de santé à court ou à long terme, une maladie liée au stress);
  • psychologiques ou émotionnelles (y compris des troubles mentaux, dont la dépression, l’anxiété ou le trouble de stress post-traumatique, des sentiments de honte, du stress et de la peur);
  • un déclassement social et financier (y compris la réduction de ses moyens financiers, des salaires perdus, des conséquences professionnelles et des coûts de services juridiques).

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