Van Gogh appartenait à une autre dimension

Van Gogh, Karen Olsen, Vincent et Gabrielle
Karen Olsen, Vincent et Gabrielle, roman, Ottawa, Éditions David, coll. Voix narratives, 2021, 262 pages, 25,95 $.
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Publié 31/10/2021 par Paul-François Sylvestre

Le nom de Gabrielle Berlatier demeure assez peu connu, sauf par ceux pour qui la vie de Vincent Van Gogh (1853-1890) n’a point de secrets. Adolescente, Gabrielle a reçu l’oreille que l’artiste s’est tranchée.

Dans le roman Vincent et Gabrielle, publié aux Éditions David, Karen Olsen raconte les années de Van Gogh à Arles, deux ans avant sa mort.

Gabrielle à 90 ans

Olsen avertit ses lecteurs: l’intrigue qui sert de trame à ce roman est une histoire vraie. Mais l’auteure a pris la liberté d’interpréter ce vécu réel pour en faire une œuvre de fiction.

La narratrice est Gabrielle, à 90 ans, et son récit comporte 37 chapitres, le nombre d’années que Van Gogh a vécues.

En un si court laps de temps, l’artiste néerlandais a marqué notre imaginaire en produisant près de 900 tableaux et plus de 1 000 dessins. «Sa seule folie était d’avoir aimé trop passionnément son travail et l’humanité.»

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Le nom Van Gogh est rarement mentionné dans le roman. Il est presque toujours question de M. Vincent. Karen Olsen décrit comment l’artiste est devenu, au cours de ses deux années à Arles, «la bête noire d’une foule haineuse, stupide et superstitieuse».

Van Gogh, la laideur personnifiée

La romancière nous montre un Van Gogh au dos voûté, habillé en épouvantail. «Il est vraiment la laideur personnifiée. Il détourne toujours le regard quand on le croise. S’il fixe quelque chose, ses yeux sont pénétrants, semblables à ceux d’un aigle. Nous avons tous peur de lui.»

On retrouve, bien entendu, plusieurs références à des toiles de l’artiste. C’est le cas de cet autoportrait avec chapeau de fourrure de lapin sur la tête enrubannée d’un pansement, pareil à un soldat cachant ses blessures de guerre.

«Son visage exprimait à la fois résignation et apaisement. Sur ses traits tirés et son regard lointain, je lisais une profonde lassitude. Pourtant, au coin de la bouche, sa pipe témoignait du calme et de la tranquillité retrouvés.»

Au sujet de la scène de vergers en fleurs, Van Gogh dit que la nature lui raconte quelque chose, qu’elle lui parle et qu’il note ses paroles.

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C’est ainsi que les couleurs d’un tableau deviennent calmes et paisibles, «à tel point qu’on a l’impression de pouvoir y pénétrer et d’éprouver la même joie et la même sérénité qu’il ressentait en les peignant…»

Enthousiasme pour les fleurs

Quand Van Gogh décide de peindre le portrait de Gabrielle, la mère et la jeune fille offrent des bouquets de tournesols à l’artiste.

Il va évidemment créer une série de portraits de ces gerbes.

«Je peins ces fleurs avec l’enthousiasme d’un Marseillais qui mange de la bouillabaisse.»

Six toiles de tournesols ont été réalisées lors de son séjour à Arles en août 1988. Pourquoi en avoir produit autant? «J’ai voulu montrer tous les stades de leur évolution. Tu vois, en bouton, épanoui, fané et enfin en graine. C’est le passage du temps, allant de la vie à la mort.»

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Un fois le tableau de Gabrielle terminé, il prend le titre La Mousmé, 1888 (huile sur toile, 73,3 x 60,3 cm). La couverture du livre reproduit cette œuvre qui se retrouve aujourd’hui dans la National Gallery of Art à Washington.

Au sujet de ce portrait, Gabrielle fait remarquer qu’il y a des choses et des êtres qu’on ne peut jamais posséder.

«Alors, au lieu de s’entêter, il vaut mieux ne pas essayer de les retenir. C’était vrai aussi pour M. Vincent. Il appartenait à une autre dimension, à un autre monde.»

Relation tendue entre Van Gogh et Gauguin

Quelques chapitres du roman portent sur la venue de Paul Gauguin chez son «ami» Van Gogh.

Je mets le mot ami entre guillemets, car les deux hommes auront une relation extrêmement tendue. Van Gogh admire presque tout ce que Gauguin produit, mais ce dernier est cruel envers son hôte.

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Il se plaît à dire que son collègue a seulement un œil pour les grosses taches de couleurs sur ses toiles. «Je n’arrive plus à composer avec le caractère difficile de cet homme.»

Karen Olsen nous montre comment les mouvements du pinceau de Van Gogh étaient «pareils à ceux d’un chef d’orchestre dirigeant une symphonie que lui seul pouvait entendre».

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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