Une fin de vie n’est pas toujours finale

fin de vie, Monique Hauy, Je mens, songe et m’en tire
Monique Hauy, Je mens, songe et m’en tire, roman, Ottawa, Éditions David, collection Voix narratives, 2023, 248 pages, 24,95 $.
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Publié 03/02/2024 par Paul-François Sylvestre

Bienvenue au Paradis sur terre, résidence pour les personnes âgées, la où le mot mort est interdit, banni, proscrit, tabou. Dans le roman Je mens, songe et m’en tire, de Monique Hauy, on dit plutôt qu’une personne est partie, nous a quittés, a changé de domicile. Si quelqu’un trépasse, on tient ça mort.

C’est à cette résidence montréalaise qu’Emma est animatrice en loisirs. Pour joindre les deux bouts, elle propose à des résidentes de rédiger leur biographie. L’une d’elles, la très gentille madame Cohen, est trouvée sans vie dans sa chambre.

Mort suspecte

Les rumeurs vont bon train au sujet de cette mort suspecte. La police enquête sur un éventuel méméricide.

Emma a écrit la biographie de madame Cohen et passe maintenant à celle de madame Jolibourg. Ses clientes lui ouvrent leur cœur, «des cavernes d’Ali Baba remplies de trésors… Elles se délivrent en me livrant leurs secrets».

Emma a déjà soumis des manuscrits à des éditeurs, mais ses écrits ne correspondaient pas à leurs créneaux. «J’étais un écrivain qui écrivait en vain. Ou une écrivaine qui n’avait pas de veine.»

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Jeux de mots

Vous avez sans doute remarqué que Monique Hauy adore jouer sur les mots. Le roman est truffé de pirouettes stylistiques. Une coiffeuse coupe les cheveux en quatre. Quelqu’un sent la force lui revenir en force. Une célibataire endurcie est celle qui ne s’endure pas. Une femme peut être déçue et déchue.

Certaines tournures sont plus recherchées, comme le titre Je mens, songe et m’en tire. Voici un autre exemple: «sa ceinture sous le ventre ne sert à rien, ne serre rien». Ou encore: «je ne suis pas née dans une éprouvette, je suis plutôt un bébé éprouvé».

Un jeu de mot peut avoir une connotation sexuelle, surtout lorsque s’exprime un résident iranien qui apprend le français. Le mot beaucoup devient beaucu et les enfants vont jouir dans le parc. Il préfère les propositions aux prépositions.

Le policier qui mène une enquête sur la mort de madame Cohen s’appelle Marchand. Un garçon de dix ans l’appelle «le Marchand de justice . Pas très plausible, à mon avis. J’avoue, aussi, que les jeux de mots sont à ce point nombreux qu’ils ont fini par m’agacer.

Paradis ou Enfer?

Revenons à Emma… et à ses petits vieux. Elle parle, rit et joue avec eux. Elle les écoute et les console. Elle est aux petits soins pour eux. Madame Cohen était comme une grand-mère pour Emma, qui a été adoptée, qui n’a pas connu ses origines, du moins pas encore…

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Le roman consacre plusieurs pages à la directrice de la résidence, et explique comment elle a réussi en très peu de temps à transformer le Paradis sur terre… en un univers d’enfer (le jeu de mots terre-univers est de moi).

Elle tient chaque employé à l’œil. Elle interdit à Emma d’écrire des biographies sous prétexte que cela sert à extorquer de l’argent aux résidentes. Elle va jusqu’à faire disparaître un cadavre qui ternirait sa réputation de bonne gestionnaire.

En bout de ligne, c’est à travers des interactions avec les personnes âgées qu’Emma en vient à faire face à ses tourments, à affronter certaines vérités qui remettent en question sa propre identité.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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