Les romans traitant de l’Holocauste abondent, la fiction étant parfois plus éloquente que la réalité. Les historiens donnent les faits, les romanciers y greffent des sentiments, des états d’âme. Voilà ce que La Vie en fuite de John Boyne réussit avec brio.
Dès les premières pages et plusieurs fois au fil du roman, il est question d’un lieu qui n’est nommé que par l’expression l’Autre Endroit. Il est ainsi question de «Berlin, l’Autre Endroit, Paris, Sydney, Londres». Le lieu précis n’est révélé qu’à la fin du roman, mais on devine bien avant qu’il s’agit d’un camp de concentration durant la Seconde Guerre mondiale.
Guerre et après-guerre
Les chapitres alternent entre les années de guerre et d’après-guerre, d’une part, et le présent, presque quatre-vingts années plus tard, d’autre part. La narratrice est Gretel, une Allemande qui a douze ans lorsque la guerre prend fin. Chaque étape de sa vie est hantée par ce que son père SS a fait de sang-froid.
Pour survivre jusqu’à presque 90 ans, Gretel doit mentir sur son passé tous les jours, dans chaque ville où elle élit domicile. «Si tu racontes une histoire assez souvent, elle devient vérité.» Elle ne se voit pas avouer les secrets de son passé, la vraie vérité sur son enfance.
«Berlin, Paris et l’Autre Endroit m’apparaissaient comme des lieux appartenant à un univers différent, un cauchemar dont j’étais sortie.» Son passé est presque intégralement «construit sur l’esquive, la tromperie, l’instinct consistant à me protéger avant de protéger les autres».