Roman en sept poupées gigognes

Suzanne Aubry, Le Portrait
Suzanne Aubry, Le Portrait, roman, Montréal, Éditions Libre Expression, 2023, 288 pages, 29,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 04/11/2023 par Paul-François Sylvestre

Autrice de la saga Fanette (dix tomes vendus à plus de 110 000 exemplaires), Suzanne Aubry signe Le Portrait, une brillante fiction qui tient à la fois du roman psychologique et du roman policier.

L’action se déroule entre 1912 et 1931. Cherchant à échapper à son existence monotone d’institutrice dans une école de rang, Clémence Deschamps, 22 ans, devient la gouvernante de Tristan, garçon de 11 ans à la santé fragile, dans une maison cossue d’un docteur à Outremont (Montréal).

Outre la gouvernante, le docteur Charles Levasseur a une ménagère et un homme à tout faire qui doivent lui obéir aveuglement. Clémence est saisie par le portrait d’une belle femme au regard et à la chevelure d’ébène. La ménagère lui explique qu’il s’agit de la défunte épouse de son maître, Jeanne Valcourt.

Un don étrange

La gouvernante a la profonde conviction que le destin l’a menée auprès du garçon maladif et solitaire pour lui venir en aide. Elle apprend que Tristan a un étrange don: il peut voir les âmes des personnes décédées.

Elle découvrira que les enfants possèdent parfois une plus grande capacité que les adultes à s’adapter aux pires malheurs…

Publicité

Après seulement quelques jours au service du docteur Levasseur, Clémence se rend compte que le mystère entourant la mort de la mère de Tristan demeure on ne peut plus opaque.

Chaque fois qu’elle croit découvrir un élément de réponse, une nouvelle interrogation surgit. Clémence se fait dire de laisser le passé en paix, «sinon il risque de vous mordre».

Mystères opaques

Suzanne Aubry nous tient en haleine avec brio. À chaque chapitre, une nouvelle strate s’ajoute aux mystères déjà opaques qui planent sur la luxueuse demeure d’Outremont et sur ses occupants, telles des poupées gigognes.

Le roman est construit comme la matriochka russe. Il est divisé en sept parties ou poupées. La première partie décrit l’arrivée de Clémence et le mystère de la mort de Jeanne, mère de Tristan.

On assiste ensuite à une série de flash-backs qui nous ramènent à 1912, puis 1919 et de nouveau en 1931.

Publicité

Le personnage du docteur Levasseur fait froncer les sourcils. Sous le vernis de ses bonnes manières se cachent une âpreté et une dureté étonnantes, voire effarantes. Avec sa belle-famille, il se montre disert, spirituel et amusant, mais avec sa femme il redevient «le Charles vindicatif, blessant, sombre».

Épouse prisonnière

En acceptant d’épouser Charles Levasseur, Jeanne Valcourt avait posé une condition: sa sœur jumelle Isabelle devait vivre avec eux.

Ses plans sont déjoués puisque Isa est placée à Saint-Jean-de-Dieu, hôpital psychiatrique bien connu à Montréal. Jeanne devient rapidement une épouse prisonnière, vivant continuellement «dans la crainte de déplaire à son mari, de susciter sa désapprobation, voire son courroux».

Avec environ une demi-douzaine de personnages, la romancière réussit à tisser une solide intrigue où feindre l’obéissance permet aux plus soumis de vaincre les forces autoritaires, voire meurtrières.

Autrice de plusieurs romans, d’un recueil de contes et de nombreuses pièces de théâtre, Suzanne Aubry a été présidente de l’Union des écrivaines et écrivains québécois de 2017 à 2023.

Publicité

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur