Recherche de stabilité pour le Programme de contestation judiciaire

Programme de contestation judiciaire
L’Université d’Ottawa a reçu le mandat d’assurer l’administration du Programme de contestation judiciaire sous l’ancien premier ministre Stephen Harper. À l’époque, ce programme s’appelait le Programme d’appui aux droits linguistiques. Photo: Julien Cayouette, Francopresse
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Publié 23/05/2024 par Marianne Dépelteau

Le Programme de contestation judiciaire (PCJ), qui aide à faire valoir les droits de la personne et les droits en matière de langues officielles au Canada, est soumis aux changements des vents politiques depuis sa création. Le Parlement pèse présentement le pour et le contre d’un projet de loi qui inscrirait le Programme dans les lois canadiennes.

Le projet de loi sur le Programme de contestation judiciaire (projet de loi C-316) vise à pérenniser ce programme, qui fournit un soutien financier aux Canadiens et Canadiennes se présentant devant les tribunaux pour faire valoir certains droits constitutionnels et quasi constitutionnels.

Le programme a toujours été «vulnérable au vent politique», lance François Côté, avocat chez Droits collectifs Québec, lors de la réunion du Comité permanent du patrimoine canadien du 9 mai.

«[Ce programme] a été aboli, rétabli, réaboli et rétabli depuis les années 1990 à plusieurs occasions, explique-t-il. Certains pourraient dire que [C-316] est une manière d’éviter que [le PCJ] ne soit laissé au seul vent politique du prochain gouvernement au pouvoir».

C–13, un premier pas

«On a déjà enchâssé, dans une certaine mesure, le PCJ» dans la modernisation de la Loi sur les langues officielles (C-13), avance François Larocque, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, en entrevue avec Francopresse.

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François Larocque
François Larocque.

La loi modernisée stipule que la personne ministre du Patrimoine canadien peut prendre des mesures telles que «fournir du financement à un organisme indépendant du gouvernement fédéral chargé d’administrer un programme dont l’objectif est de fournir du financement en vue de la présentation devant les tribunaux de causes types d’importance nationale qui visent à clarifier et à faire valoir des droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles».

«Si le Parlement a pris la peine de mettre [le PCJ] dans une loi, c’est beaucoup plus difficile pour un gouvernement de venir le couper complètement ou de couper son financement», assure François Larocque.

Une bête élitiste?

Josh Dehaas, conseiller juridique à la Canadian Constitution Foundation, a lui aussi témoigné devant le Comité permanent du patrimoine canadien, mais pour demander l’abolition de ce programme.

Programme de contestation judiciaire
Josh Dehaas. Photo: capture d’écran Francopresse

«Le programme risque de modifier la Constitution à travers les biais idéologiques du ministre responsable du programme et de ceux qui décident quels cas sont financés», dit-il.

À ce propos, Josh Dehaas fait référence au fait que l’Université d’Ottawa a été choisie par le ministère du Patrimoine canadien comme organisme indépendant responsable de la mise en œuvre et de l’administration générale du programme.

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Selon lui, le groupe d’universitaires et d’administrateurs «travaillant à l’intérieur de la bulle d’Ottawa» et «issus d’un groupe d’élite d’universitaires juristes» ne représente pas les points de vue généraux de la population canadienne sur le droit ou sur les questions d’importance nationale.

En vérité, nuance François Larocque, le choix des causes financées n’appartient pas aux employés de l’Université d’Ottawa. Cette dernière est plutôt responsable de «l’administration bureaucratique» du PCJ.

Pour le choix des causes financées, «il y a deux comités d’experts, un du côté droits linguistiques et un du côté droits de la personne, constitués de professeurs d’autres universités et d’experts de la société civile», précise François Larocque.

«Je pense que c’est un commentaire qui se veut antiexpertise», estime le professeur à l’égard du témoignage de Josh Dehaas. «Lui-même, en tant que juriste, il vit au jour le jour de son expertise. Il veut qu’on l’écoute parce qu’il est un expert en droit. Et donc pourquoi son expertise serait meilleure que celle des autres?»

En comité, Josh Deehas suggérait qu’en abolissant le PCJ, les citoyens pourraient décider de dépenser leur argent dans d’autres instances, telles que la Canadian Constitution Foundation, qui est en fait son employeur.

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Il croit aussi que l’élimination du PCJ permettrait aux débats juridiques de se faire au Parlement plutôt que devant les tribunaux, une ambition que François Larocque ne partage pas. «[On a] créé une Charte des droits et libertés qui serait contenue aux tribunaux pour justement sortir de l’arène politique ces questions fondamentales des droits des citoyens.»

Préférons-nous que les grands enjeux soient débattus au Parlement par nos élus ou devant les tribunaux par des groupes d’intérêts? Photo: Martin Lipman, Bibliothèque du Parlement

Un projet démocratique

Selon François Larocque, le PCJ «a une vision assez noble, avancée et sophistiquée sur le plan démocratique».

Le gouvernement finance «les recours judiciaires constitutionnels contre le gouvernement lui-même, fait-il remarquer. Pourquoi? Pour faire avancer la jurisprudence en matière linguistique et en matière de droit de la personne.»

Il ajoute que ce programme permet d’interpréter la Charte des droits et libertés et ainsi de créer une «boussole pour la société canadienne».

Mais comme rien n’est parfait, François Larocque reconnaît qu’il y a moyen de renforcer la transparence du PCJ, notamment en faisant connaître davantage ses activités.

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Transparence et compétences

Bien que l’organisme Droits collectifs Québec approuve ce projet de loi, il propose deux améliorations. La première serait d’ajouter un mécanisme de reddition des comptes.

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François Côté. Photo: capture d’écran Francopresse

«Le projet de loi mentionne dans son préambule l’objectif d’obliger le gouvernement à rendre des comptes, rappelle François Côté. Cela ne devrait-il pas, en toute et première logique, s’appliquer à l’administration des fonds […] eux-mêmes?»

«Une contestation constitutionnelle, poursuit-il, c’est le fait de remettre en cause la validité des lois de l’État fédéral ou d’une province. C’est l’utilisation des fonds publics pour changer les lois et politiques de l’État. Il y a un intérêt public à savoir ce qui est fait de cet argent et quelles causes il finance, tout en respectant la confidentialité des parties.»

La seconde amélioration proposée porte sur les champs de compétences. Selon François Côté, le programme ne devrait pas financer la contestation de lois provinciales.

Si le PCJ peut effectivement servir à remettre en cause une loi provinciale, François Larocque rappelle que «les provinces ont le dernier mot, grâce à l’article 33 de la Charte» qui concerne la clause dérogatoire à laquelle peuvent avoir recours les provinces afin de contourner certains droits de la Charte.

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Le projet de loi C-316 est actuellement en troisième lecture à la Chambre des communes.

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