Quel monde léguons-nous à nos enfants?

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De quel monde hériteront nos enfants? Photo: iStock.com/Vasyl Dolmatov
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Publié 01/02/2025 par Michèle Villegas-Kerlinger

Inondations et sécheresses de plus en plus fréquentes, feux de forêt plus nombreux et dévastateurs que jamais, vagues de chaleur qui fracassent des records année après année, ouragans si forts qu’on envisage maintenant d’ajouter une catégorie 6 à leur classification… et la liste ne s’arrête pas là! Les désastres naturels engendrés par les changements climatiques deviennent monnaie courante malgré les efforts louables de plusieurs pays, de certaines entreprises et de nombreux citoyens. L’état actuel de la planète laissant présager des défis de taille à l’avenir, une question se pose: de quel monde hériteront nos enfants?

Surconsommation et surpopulation

Les changements climatiques actuels sont, en grande partie, le résultat de deux facteurs majeurs qui ont vu le jour il y a déjà quelques centaines d’années, mais dont la vitesse s’est accélérée au cours des dernières décennies.

Un de ces facteurs est la surconsommation à grande échelle de biens et d’énergie comme en témoigne le graphique suivant:

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Le gaz naturel, le pétrole et le charbon comblent actuellement 80% des besoins mondiaux en énergie. Photo: le blogue Our Finite World de Gail Tverberg

L’autre facteur est l’explosion démographique dans certains pays du monde. Le tableau qui suit illustre explicitement la croissance fulgurante de la population mondiale au cours des derniers siècles.

Plus de personnes signifient plus de consommation, quoiqu’il existe des pays et des individus qui consomment beaucoup plus que d’autres.

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La population mondiale a dépassé les 8 milliards d’individus en 2022. Elle n’était que de 1 milliard en 1800. Photo: l’ONG française Save4Planet

Une planète aux ressources limitées

Bien qu’il y ait des gens qui vivent comme si les ressources du monde étaient illimitées, nous vivons sur une planète dont les réserves sont en train de diminuer à vue d’œil. L’épuisement de ces ressources aujourd’hui signifie leur manque pour nos enfants demain.

Il existe plusieurs manières d’expliquer l’importance de cet enjeu, mais je n’en aborderai que deux.

La «tragédie des biens communs» est un concept de l’économiste britannique William Forster Lloyd et date de 1832. Pourtant, ce n’est qu’en 1968, lors de la parution d’un essai de Garrett Hardin intitulé The Tragedy of the Commons, que le concept a gagné en popularité.

Prenant l’exemple d’un pâturage communal, que les bergers peuvent utiliser pour faire paître leur bétail, Hardin illustre son concept en tenant pour acquis que chaque éleveur voudra garder son bétail le plus longtemps possible dans le pâturage afin de maximiser ses profits. Mais le gain de quelques individus se fait au détriment de la collectivité. C’est un peu l’idée de chacun pour soi. Le résultat est la destruction de la ressource, ou du pâturage dans cet exemple, ce qui ne profite à personne.

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La quantité de ressources qui serait encore à la disposition du monde. Photo: Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, France

Une autre façon de visualiser la surconsommation est de consulter le Jour du dépassement. C’est le jour de l’année où l’on dépasse la capacité de nos ressources naturelles à se renouveler.

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On peut comparer ce concept à une carte de crédit. Tant qu’on paie la carte chaque mois, tout va bien. En revanche, si on laisse un solde débiteur sur la carte chaque mois, on peut accumuler à la longue une dette non négligeable. C’est ce que nous faisons depuis des années, et notre dette avec mère Nature est astronomique:

Le jour du dépassement d’un pays comme l’Équateur en 2024: le 24 novembre.

Le jour du dépassement du monde en 2024: le 1er août.

Le jour du dépassement du Canada en 2024: le 15 mars.

On pourrait dire que le Canada est très mauvais élève en la matière, ayant dépassé la capacité de renouvellement de ses ressources en moins de trois mois et vivant neuf mois et demi, pour ainsi dire, à crédit par rapport à ses ressources naturelles. De tels excès compromettent sérieusement l’avenir des générations futures.

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Le «Jour du dépassement» arrive de plus en plus tôt dans l’année, selon les calculs de l’ONG Global Footprint Network. Photo: Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, France

L’impact de l’explosion démographique au Canada

Le deuxième facteur qui contribue aux changements climatiques et qui risque de compromettre sérieusement l’avenir de nos jeunes est l’augmentation de la population.

Pour mieux comprendre l’impact de l’augmentation exponentielle assez récente au Canada, il faut faire quelques calculs. Prenons, par exemple, l’année 2022-23. Voici quelques chiffres selon Statistique Canada:

  • Population totale du Canada = 39. 229 105.
  • Nombre de naissances = 357 903.
  • Nombre de décès = 330 379.
  • Nombre d’immigrants = 468 817.
  • Nombre d’émigrants = 35 337.

Pour trouver les taux de natalité, de mortalité, d’immigration et d’émigration, il suffit de diviser ces chiffres par la population totale du pays et de multiplier chaque résultat par 1 000:

  • Taux de natalité = 9,1.
  • Taux de mortalité = 8,4.
  • Taux d’immigration = 11,95.
  • Taux d’émigration = 0,9.

La deuxième étape consiste à soustraire le taux de mortalité de celui de natalité, et le taux d’émigration de celui d’immigration :

  • Taux d’accroissement naturel (soit le nombre de naissances moins les décès) = 0,7.
  • Taux de migration net (soit le nombre d’immigrants moins les émigrants) = 11,05.

Pour la troisième étape, on additionne les deux taux précédents pour trouver le taux d’accroissement de la population: 0,7 + 11,05 = 11,75.

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Finalement, pour savoir combien d’années il faudra pour que le Canada double sa population, on recourt à la règle de 70 en divisant 70 par le taux d’accroissement: 70 ÷ 11,75 = 6 ans.

Aujourd’hui, la population du Canada est d’environ 41 millions d’habitants. Penser qu’elle pourrait atteindre 82 millions vers 2031, si rien ne change, peut sembler un peu exagéré. Et pourtant, ce sont les calculs utilisés par les démographes. Quelles en seront les conséquences d’une hausse si importante et si rapide pour les générations futures?

Et la crise du logement?

Peut-être un des secteurs les plus affectés par la hausse de la population, et qui risque d’hypothéquer sérieusement l’avenir de nos enfants, est le prix des logements. Il s’agit d’une préoccupation croissante chez les jeunes, à un point tel que certains envisagent l’avenir avec le plus grand pessimisme.

En effet, à 2 500 $ par mois pour un appartement d’une chambre à Toronto et à 3 400 $ pour un deux chambres, sans parler du prix moyen d’une maison, qui oscille autour d’un million de dollars, le logement n’est pas à la portée de tout le monde.

Il est vrai que se loger à l’extérieur de Toronto est un peu moins cher. Mais encore là, les prix dépassent souvent le 30% du revenu recommandé par la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

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Les gouvernements et des organismes indépendants parlent de l’urgence de construire environ 3,5 millions nouveaux logements d’ici 2031. Mais peut-on bâtir assez vite et à des prix raisonnables pour satisfaire la demande toujours croissante? Le prix des matériaux de construction, le manque de main-d’œuvre et la forte demande laissent planer des doutes quant à la faisabilité de tels projets.

Un des facteurs responsables de la pénurie du logement est le fait que, comme dans presque tous les pays développés du monde, la plupart des Canadiens préfèrent vivre dans les grandes villes.

Pour protéger les zones périphériques de ces villes, comme la ceinture verte qui entoure la grande région de Toronto, on commence à privilégier la construction à la verticale, ou en hauteur, à la construction à l’horizontale, mieux connu comme «l’étalement urbain», qui empiète sur les espaces verts vitaux adjacents.

La construction en hauteur est peut-être une solution, mais les prix des logements ne diminuent pas pour autant, et la densité ne fait qu’aggraver la pression sur les infrastructures existantes, comme les routes et les services.

Étant donnée la crise du logement actuelle et la pression de construire des millions de logements, une autre question se pose: peut-on construire indéfiniment?

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La ceinture verte censée être protégée autour de Toronto, avec le sentier Bruce qui va de Queenston à Tobermory.

Le Canada, un grand désert arctique

Un fait important à considérer pour les générations futures est la biocapacité de la planète. La biocapacité, selon le Petit Robert, est un «indicateur chiffré (calculé en hectares) qui évalue la capacité d’un écosystème à reconstituer ses réserves et à absorber les déchets issus de leur consommation».

Des gens mal informés pourraient avoir l’impression que le Canada, un pays immense, jouit de ressources presque illimitées capables de faire vivre une très grande population.

S’il est vrai que le Canada est le plus grand pays du monde après la Russie, il est tout aussi vrai que 44% du territoire fait partie du Bouclier canadien, c’est-à-dire de la roche. Les basses terres du Saint-Laurent et des Grands Lacs, où se concentre la plus grande partie de la population, ne constituent que 2% des terres canadiennes.

Encore plus grave est la disponibilité des terres agricoles. Les meilleures, de classe 1, ne représentent que 0,5% de toutes les terres canadiennes et sont situées le long du Saint-Laurent, parfois sous le béton et l’asphalte de nos villes.

Les bonnes terres, où un grand nombre de cultures peuvent encore pousser, occupent environ 4,5% du territoire. Les terres aux limitations sérieuses (courte saison de croissance, etc.), représentent 8,2% du territoire canadien alors que les terres de classe 7, jugées inutiles pour l’agriculture, comptent pour 86,8% de toutes les terres au Canada.

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Certains optimistes pensent que le réchauffement de la planète ouvrira le Grand Nord à l’agriculture et, éventuellement, à la naissance de nouvelles villes. Mais c’est sans tenir compte de l’acidité de la mince couche de terre qui couvre le Bouclier canadien et qui, bien qu’adéquate pour les conifères, est tout à fait impropre à la plupart des cultures.

Des pistes de solution

Alors, que faire pour protéger l’héritage de nos enfants? En somme, il faut apprendre à vivre selon les limites environnementales du pays et de la planète.

Un bon début serait de limiter nos dépenses en biens et en énergie en séparant nos besoins de nos désirs. Le recyclage, c’est bien, mais la réutilisation est meilleure. Et la réduction, soit le refus d’acheter d’une manière irréfléchie et irresponsable, est de loin la meilleure option pour notre bourse, le pays et la planète.

Une autre mesure incontournable est de repenser au nombre de personnes qui s’installent au Canada. En limitant notre demande en énergie, en services et en biens, individuellement et collectivement, on diminuera notre empreinte écologique.

En freinant notre propre consommation et le nombre de consommateurs, nous limiterons notre impact sur l’environnement et notre contribution aux changements climatiques. C’est ainsi que nous serons mieux placés pour léguer à nos enfants un héritage digne de ce nom.

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Auteurs

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

  • l-express.ca

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