Quand la langue maternelle est celle des signes

Pascale Beauregard, Muette
Pascale Beauregard, Muette, roman, Montréal, Éditions Boréal, 2023, 224 pages, 24,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 27/12/2023 par Paul-François Sylvestre

Pascale Beauregard est née de deux parents sourds. Sa langue maternelle est la langue des signes puisque sa mère lui parlait de cette façon. Beauregard nous offre le roman Muette, une réflexion sur le pouvoir du silence familial.

La narratrice est Catherine qui, à la différence de sa mère et de son père, est dotée de l’ouïe et de la parole, tandis que ses parents sont catégorisés par la société comme «sourds-muets». Elle devient leur porte-voix, leur machine à dire.

Vouloir parler

Au fil du temps, Catherine a assimilé un mélange de signes familiaux, de signes institutionnels et de signes naturels. Elle croit être née pour empêcher la communication d’échouer. Or, dans ce roman, «il y a ceux qui voudraient parler, mais ne le peuvent pas, il y a ceux qui le peuvent, mais ne le souhaitent pas».

À leur façon, les parents de Catherine ne sont pas muets puisqu’ils gesticulent «tels d’affreux pantins». La mère de Catherine accompagne ses gestes «de grands mouvements de lèvres tout en produisant d’étranges cris d’oiseaux, de longues plaintes lancinantes évoquant de sinistres hululements».

Catherine souhaiterait une pause bien méritée, une délivrance de son éternel devoir de parler, de traduire, d’interpréter les pensées de ses parents en tout temps. Mais comme dans une comédie vaudevillesque, des voix traversent ses pavillons. Et c’est sans compter la surdité émotionnelle.

Publicité

Lecture déroutante

L’autrice écrit que Brodeur était le nom de jeune fille d’un personnage, puis ajoute: «quoi de mieux pour une romancière en mal de vérité?» Elle brode à qui mieux mieux toute une panoplie de situations mettant en scène la grand-mère de Catherine et ses arrière-grands-parents.

La lecture de Muette est souvent déroutante. Une phrase peut s’étendre sur 42 lignes, un paragraphe sur trois pages. Il y en a même un de 53 lignes, sans ponctuation, qui n’utilise que les mots «je veux la paix je dis moi demande la paix».

Je signale, en passant, que «forniquer, copuler, baiser» remplissent plusieurs pages. Il y a même un passage sur un frère pédophile dans une institution pour sourds-muets.

Saint-Jean-de-Dieu

J’ai appris, en passant, que «quatre-vingt-cinq» était jadis une expression qui signifiait «placer, mettre en institution». Il s’agit d’une référence au numéro de la ligne d’autobus qui menait autrefois à l’asile Saint-Jean-de-Dieu.

Muette est le premier roman de Pascale Beauregard. Comme c’est souvent le cas pour une personne qui se lance dans l’écriture romanesque, elle a résisté à élaguer son texte, à aller à l’essentiel. Résultat: j’ai dû me forcer pour tout lire bien que sauter un chapitre n’aurait rien changé.

Publicité

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur