Poussière et farine

Le confinement et les sens: le goût... ou le manque de

Le confinement a suscité des vocations en cuisine.
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Publié 16/06/2020 par Lise Marie Baudry

Je n’ai jamais autant mangé de malbouffe, de plats livrés ou à emporter que depuis le début du confinement.

Pas d’appétit. Pas envie de faire la cuisine. Devoir moral d’encourager les petites et grosses entreprises (ça, c’est une excuse, quoique je suis très généreuse en pourboires ces temps-ci).

Pizza et burgers

Comme tout le monde, je me faisais livrer une pizza de temps à autre. Mais pas une fois par semaine comme c’est le cas en ce moment. Je commande toujours une grosse salade comme accompagnement pour me sentir plus vertueuse.

Je résiste encore et toujours aux envahisseurs de chaînes américaines. (Je n’ai même pas jeté un coup d’œil au Burger King qui est à 20 mètres de la Sagrada Familia à Barcelone.)

Inspiré de la pizza.

Cuisinière de résistance

Je me considère comme une assez bonne cuisinière. Pas 5 étoiles. Mais ce je fais est bon, bien présenté, je m’adapte aux besoins de mes invités et j’aime cela.

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Mais je suis une cuisinière de résistance familiale. Je veux dire par là que je n’ai JAMAIS appris à faire les petits plats bonne femme dont tout le monde sembler se régaler en temps de pandémie.

Oui, bien sûr, j’ai mangé du pâté chinois1, du macaroni à la viande, le rôti de palette de Jeannette avec un sachet de soupe à l’oignon Lipton. La recette Châtelaine pour de la sole congelée anéantie par une boîte de crème de céleri Campbell’s. À ce jour, je déteste la crème de céleri.

Pâté chinois

Souvenirs

Bon, on en revient au confinement. Je lis, j’entends, je vois que bien des gens réagissent au confinement en se retournant vers la musique, les films, la nourriture de leur enfance et adolescence parce que cela est rassurant, confortable, fiable dans un climat d’incertitude. Je comprends.

Je mange des hectolitres de soupe. En canne, en sachet, en bocaux, en pochette-dont-on-coupe-le-coin. Et j’achète des œufs durs à l’épicerie. Parce qu’on s’entend: faire cuire un œuf dur, ça prend du temps, des ingrédients, un équipement sophistiqué. Bref, la pénurie de farine et de levain ne m’a aucunement affectée.

Crêpe bien garnie.

Nourriture exotique

Je me compte chanceuse que mon restaurant tibétain préféré continue à produire des plats à emporter.

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Je me demande quand je pourrai me gaver à nouveau de nourriture éthiopienne – est-ce que nous pourrons un jour encore manger avec nos doigts dans un restaurant un plat partagé? Ce ne sera pas la même chose de déchirer l’injera avec des gants de plastique.

Y’a plus de sashimi. Y en aura-t-il à nouveau un jour? Ce n’est pas les rouleaux californiens en carton des supermarchés qui les remplaceront. Pourra-t-on encore faire griller des viandes crues à notre table dans un resto coréen? Qui veut me faire un bon couscous?

Il y a encore dans mon quartier – origine oblige – de la bonne nourriture d’Europe de l’est qui tient bien au corps. Mais des cabbage rolls et du bigos (kapusta en ukrainien), des pierogies et des pelmenyi (en sibérien)2, ce n’est pas la nourriture d’été idéale. À moins de vouloir faire osmose avec le béton du plancher du balcon.

De la nourriture et prendre et à manger avec les mains…

Gastronomie torontoise

L’avenir de la gastronomie torontoise me semble morose.

Cela fait longtemps que j’en fais la réputation en attaquant avec acharnement les préjugés montréalais (dont je trouve la réputation surfaite en matière de restauration et l’éventail plus étroit en termes de variétés et de prix – je ne suis pas populaire à ce sujet).

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Bon, maintenant, ce sera triste partout. On pourra essayer d’être le moins-plus-pire.

Je remarque que les conversations téléphoniques sociales sont longues. Avant, on se parlait 20 minutes et on se disait: Je vais te raconter le reste quand on se verra au resto, ou quand tu viendras luncher.

Quand va-t-on pouvoir à nouveau se réunir au resto?

Le téléphone remplace le bistro

Maintenant, les conversations téléphoniques durent 1 heure, 90 minutes. Et on parle des restos où on aimait aller.

Les conversations passées sont arrimées à des endroits spécifiques. «Oui, je me souviens, tu as dit cela quand on était au Bistro Machinchouette en octobre dernier.»

On fait des paris cyniques sur les dates de réouverture et sur la disparition de certains endroits préférés. On s’ennuie même du Mandarin!

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On a les papilles en confinement.

1 Oui, je sais le pâté chinois c’est: steak-blé-d’inde-patates.

2 Accroissement du vocabulaire à travers la cuisine.

À litre aussi dans cette série sur le confinement et les sens:

Le son : Le silence et la fureur

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La vue: Comportements démasqués

Le sens de la désorientation

Auteur

  • Lise Marie Baudry

    Lise Marie Baudry œuvre depuis plus de 30 ans dans la francophonie ontarienne et torontoise. Elle a notamment été directrice générale du Centre francophone de Toronto. Ses opinions n'engagent qu'elle-même.

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