Le silence et la fureur

Le confinement et les sens: le son

Silence vs musique métal. Premier commentaire de Lise Marie Baudry sur le confinement et nos cinq sens: le son.
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Publié 12/06/2020 par Lise Marie Baudry

Avec respect envers William Faulkner

Ce printemps, c’est râpé pour les petits pois verts.

Il y a beaucoup eu d’écrits sur le confinement sanitaire pendant cette crise de la CoViD-19. Beaucoup de commentaires sur la disparition du smog, l’isolement, l’appréciation de la nature.

Beaucoup aussi sur le silence. Ah, ce silence assourdissant pour les citadins. Ah, le délicieux piaillement des oiseaux le matin, le midi. Ah, la chanson langoureuse des bourgeons qui croissent et éclatent. Ah, le murmure cristallin des feuilles poussant dans les arbres.

Les sons bigarrés des couleurs printanières. Le roucoulement des pas d’écureuils sur la pelouse harmonieuse. La tintinnabulation des pissenlits. La bise si chère à Lafontaine qui siffle entre mes deux oreilles.

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Je ne suis pas loin de High Park et je vous jure que j’ai entendu les cerisiers fleurir de mon balcon.

Cacophonie

Je ne suis pas amatrice de cacophonie. Mon condo est près d’une bretelle du Gardiner, longée par des rails de GO et celles des tramways. Le bruit de la circulation faisait partie du fond sonore de ma vie urbaine. Est-ce cela me manque? Pas vraiment. Quoiqu’au début du confinement, c’était une perte de repères quotidiens.

Oui, j’apprécie le silence. Je me réjouis que mes amis, famille et concitoyens se roulent avec volupté dans ce silence.

J’entends et je lis à propos des retours aux sources. Le plaisir de redécouvrir la musique de l’enfance, par exemple. Ou celle qu’écoutaient nos parents et grands-parents. L’internet est plein de vidéos jouissifs d’orchestre en quarantaine et de parodies de chansons célèbres (allez voir les Goguettes).

Métal

Pourtant, depuis quelques semaines, il m’est venu un autre besoin. Auquel je ne m’attendais pas. Je suis généralement une fan finie de CBC Radio. Dans ma voiture. Mais maintenant il n’y a qu’un seul sujet. À longueur de journée. Et voilà que j’ai eu besoin d’entendre autre chose. Je ne me suis pas rabattue sur ICI Musique ou JazzFM, comme dans le passé.

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Non, j’ai me suis découvert un irrépressible besoin de heavy metal. Très très fort. Je n’ai jamais été metalhead. Jamais acheté un disque ou assisté à un concert métal ou grunge. Mais là, peut-être pour déplacer la fureur dans ma tête, j’ai besoin de Rage Against The Machine.

Aaaahhhh, ces paroles incompréhensibles hurlées par des gorges catharreuses. Aaaaahhhh, ce manque d’harmonie total. Aaaah ces guitares triturées, malmenées et ces batteries suppliciées. Aaaaahhhhhh, quel délice. À part bien sûr les textes d’Amy Lee. Merci Evanescense.

Je redécouvre, surprise, que j’aimais bien Headstones et Big Sugar, deux groupes locaux disparus. Écoutez Diggin’ a hole à fond la caisse, ça vous rape le confinement.

Tendresse et poésie

Aucune envie d’écouter Véronique Sanson. Je veux Anthrax1. Brassens, Léveillée, Ferrat, Moustaki? Vade retro! Patricia Kaas, Diana Krall, Maurane, Marjo… Je passe.

La jovialité forcée de Fugain, la tendresse de Félix, la poésie d’Harmonium, le trémolo de Julien? Rien à cirer.

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Et la grande amoureuse de blues que je suis a déjà assez les bleus pour trouver du réconfort chez Etta, Nina, la magnifique Shakura (ne pas confondre avec Shakira) ou autres.

Maintenant qu’il fait assez chaud pour baisser les fenêtres en voiture, cela doit être intéressant de voir cette petite madame aux cheveux gris qui headbang dans sa voiture proprette en allant faire l’épicerie.

Thérapie

Est-ce que cela va durer? Sais pas. Pour le moment, ça me fait du bien, ça me calme. Et oui, vous avez bien lu: ça me calme. Ça remplace mon envie d’hurler. Une métal-thérapie. En attendant. Mieux.

Un jour je retournerai vers ma déesse Angélique. D’ici là: Vive Metallica!

1 C’est pas vrai, j’aime pas Anthrax. Ni Guns’ and Roses. Ni Slayer.2

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2 Au moins je sais faire la différence entre Iron Maiden et Iron Butterfly. Si, si. J’aime ni l’un ni l’autre.

À litre aussi dans cette série sur le confinement et les sens:

Le goût : Poussière et farine

La vue: Comportements démasqués

Le sens de la désorientation

Auteur

  • Lise Marie Baudry

    Lise Marie Baudry œuvre depuis plus de 30 ans dans la francophonie ontarienne et torontoise. Elle a notamment été directrice générale du Centre francophone de Toronto. Ses opinions n'engagent qu'elle-même.

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