Occupation du centre-ville: le Service de police d’Ottawa a «erré»

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Déploiement de policiers à Ottawa dans les derniers jours de l'occupation du centre-ville par les camionneurs. Photo: Inès Lombardo, Francopresse
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Publié 21/10/2022 par Émilie Gougeon-Pelletier

Le Service de police d’Ottawa (SPO) a «erré» dans l’évaluation de la longueur du séjour des camionneurs, a admis la cheffe adjointe de la police d’Ottawa, Trish Ferguson, lors de son témoignage devant la Commission sur l’état d’urgence.

Aux commandes de la section des incidents majeurs durant l’occupation du centre-ville, Patricia (Trish) Ferguson a avoué que c’était une erreur de la part du SPO de ne pas reconnaître que les participants du «Convoi de la liberté» allaient rester plus longtemps qu’un seul week-end.

Il a fallu «réévaluer»

Trish Ferguson a fait savoir que son service de police avait développé un plan «standard» qui prévoyait le départ des protestataires après la fin de semaine du 29 et du 30 janvier.

Mme Ferguson affirme que le lundi 31 janvier, à la suite du premier week-end de manifestations, la police municipale a réalisé que les participants étaient toujours au centre-ville et qu’il fallait «pivoter» et «réévaluer» le plan pour les faire quitter les lieux.

«Est-ce qu’on a erré dans l’évaluation de cela? Clairement, oui», a fait savoir Mme Ferguson lors de son passage devant la commission, jeudi.

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Pourtant, la Police provinciale avait procuré des renseignements, une semaine avant l’arrivée des camionneurs, voulant qu’ils n’avaient pas l’intention de quitter les lieux de sitôt.

En route vers Ottawa, le convoi coopérait

La Commission sur l’état d’urgence, présidée par le juge Paul Rouleau, est chargée d’examiner les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration par le gouvernement fédéral de l’état d’urgence, en vigueur du 14 au 23 février dernier.

La cheffe adjointe Ferguson dit qu’au moment où le convoi de camionneurs roulait vers la capitale, son service recevait des informations de la part d’autres services policiers disant que le groupe coopérait plutôt bien avec les forces de l’ordre.

Avec du recul, le SPO aurait dû observer avec «plus de crédibilité les renseignements de la PPO à propos de la possibilité d’une durée ‘à long terme’ du convoi», a admis la cheffe adjointe.

Elle juge que ça aurait aussi été «utile» que le SPO prévienne le public qu’il y avait une «forte possibilité» que le groupe qui se dirigeait vers Ottawa allait rester plus longtemps qu’une simple fin de semaine.

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Pas de plan

Une semaine après l’arrivée des manifestants, la police n’avait toujours pas mis à jour son plan.

Un document présenté jeudi fait état de 533 accusations en lien avec le «Convoi de la liberté», en date du 12 mars.

Ces accusations variées comprennent des crimes violents, des voies de fait, y compris à l’endroit de policiers, de port d’armes et la plus récente concerne l’entrave à une arrestation.

Mme Ferguson a aussi confirmé que des menaces à la bombe ont été proférées contre des hôpitaux, que des menaces de mort ont été faites contre des personnalités publiques et que ces événements ont nécessité des ressources policières.

Les mesures d’urgence ont été «utiles», a affirmé la cheffe adjointe, mais «pas nécessaires» pour mettre fin à l’occupation du centre-ville.

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Confusion et frustration

Devant la commission, jeudi, le directeur des opérations pour l’Est de l’Ontario de la PPO, Craig Adams, a constaté que la police d’Ottawa a perdu le contrôle du convoi le 29 janvier, soit deux jours après leur arrivée.

«SPO était dans un état de confusion», on se «criait des ordres les uns aux autres et aux agences partenaires», et on avait «du mal à déterminer son plan opérationnel», a témoigné M. Adams.

Dans un rapport conjoint daté du 10 février à propos de la gestion de cette crise par la police municipale, la PPO et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont fait état de mauvaises communications, d’une réponse non basée sur les renseignements, d’un commandement non qualifié, d’une stratégie réactive, agressive et risquée et d’un manque de communications et de collaboration.

La police montée et la police provinciale parlaient aussi d’un «moral bas», de «frustration» et d’un «épuisement physique et mental menant à de mauvaises décisions».

Mme Ferguson a déclaré être presque entièrement d’accord avec cette évaluation.

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Les préoccupations de Trish Ferguson et d’autres services policiers concernant le leadership de Peter Sloly se sont accrues au cours de l’occupation, a témoigné la cheffe adjointe.

Désaccords sur les négociations avec les camionneurs

Les possibles négociations avec les protestataires faisaient partie des désaccords qu’elle a eus avec l’ex-chef de la police d’Ottawa – elle croyait qu’il fallait le faire, et M. Sloly n’était pas d’accord.

Celui-ci aurait même dit qu’il allait «écraser» quiconque s’oppose ou interfère à son plan d’intervention, lors d’une réunion tenue le 9 février.

La cheffe adjointe a néanmoins souligné que le chef Sloly faisait face à beaucoup de pression.

Mercredi, Diane Deans a soutenu que le SPO était plongé dans la tourmente et a fait état de «luttes intestines» et d’une «insurrection» à l’endroit du chef Sloly.

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Trish Ferguson est la première membre du SPO à confirmer ce contexte de «tourmente» au sein du service de police.

Nouveau leadership contesté

L’exécutif du SPO a connu des changements importants après que Peter Sloly a été nommé comme chef en octobre 2019.

Plusieurs dirigeants d’expérience ont quitté le SPO en raison de frustrations liées au nouveau leadership.

Le service policier municipal était aussi sous pression pour diverses raisons, y compris la pandémie, le suicide d’un collègue et les confrontations avec les mouvements Black Lives Matter et «Defund the police».

Mme Deans a confié à la commission mercredi que M. Sloly, le premier chef noir de l’histoire du SPO, avait fait face à du racisme au sein du corps policier.

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Manque de personnel

Par ailleurs, le manque de personnel représentait «le talon d’Achille» du SPO au cours de l’occupation du centre-ville, selon Mme Ferguson.

Les effectifs étaient «à genoux», a-t-elle indiqué, ajoutant qu’après des mois de pandémie, «c’est comme si nous avions couru un marathon et qu’on nous avait imposé un sprint dans les derniers 100 mètres avec un charge de 200 livres sur le dos», a métaphorisé la cheffe adjointe.

Un document du 31 janvier affirme d’ailleurs que la dotation en personnel était à des «niveaux critiques», en particulier la nuit, et que ce manque de main d’œuvre exposait le SPO à un «risque énorme».

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