L’eau au Canada est-elle bien gérée?

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Le Canada est confronté à des défis croissants en matière de gestion d’eau douce. Photo: Stephany Hildebrand
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Publié 10/11/2024 par Camille Langlade

L’économie canadienne repose en grande partie sur l’eau. Mais la ressource demeure fragile et des voix s’élèvent pour repenser la gestion de l’or bleu au pays, alors que la demande ne cesse de croître.

«On habite dans un pays où on pense qu’on a toute la richesse de l’eau autour de nous, sauf qu’on ne la gère pas bien», estime Soula Chronopoulos, la présidente d’AquaAction, une organisation dédiée à la santé de l’eau douce en Amérique du Nord.

Industries, agriculture, logements, transport, énergie… «Dans notre économie, tout se passe par l’eau», poursuit-elle. Mais l’offre ne suit pas toujours la demande. «La population grandit au Canada, on construit et on n’a pas assez d’eau pour approvisionner ces bâtiments.»

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Soula Chronopoulos. Photo: courtoisie

Une consommation industrielle accrue

Selon un rapport de Statistique Canada publié en juillet 2024, les industries continuent d’être les principaux consommateurs d’eau au pays.

En 2021, un peu plus des deux tiers (69,5%) de toute l’eau utilisée par les industries au Canada ont servi à la production, au transport et à la distribution d’électricité. Viennent ensuite les cultures agricoles (6,2 %) et l’élevage (4,8%).

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La consommation d’eau dans le secteur agricole a augmenté de 30,9 % entre 2019 et 2021, une période qui coïncide avec de faibles niveaux de précipitations, notamment dans les Prairies.

Sensibiliser, «une bataille difficile»

En Saskatchewan, Al Birchard, agriculteur bio, accorde une place importante à la préservation et la restauration des milieux humides.

«Ils contribuent grandement à l’atténuation des inondations et des sècheresses […] et présentent de nombreuses caractéristiques écologiques dont beaucoup de gens, parmi les agriculteurs et le grand public, ne sont pas conscients», rapporte le représentant régional de l’Union Nationale des Fermiers (UNF).

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Al Birchard. Photo: courtoisie

«Nous examinons de près le projet d’irrigation de plusieurs milliards de dollars», ajoute-t-il en faisant référence aux travaux titanesques autour du lac Diefenbaker annoncés en 2020 par le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, mais qui sont loin de faire l’unanimité.

Un projet qui, d’après Al Birchard, coûtera bien plus que les 4 milliards $ prévus et ne bénéficiera qu’à seulement 1% des agriculteurs de la province.

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L’agriculteur regrette que les administrations provinciales ou municipales n’accordent pas assez d’attention à la conservation de l’eau. «Elles s’intéressent davantage à l’eau en tant que ressource, ce qui signifie qu’il faut l’utiliser d’une manière ou d’une autre.»

«Si l’UNF a une politique en matière d’irrigation et de préservation des milieux humides, ce n’est pas le point de vue le plus répandu. […] C’est donc une bataille difficile que de sensibiliser le grand public et les ordres de gouvernement.»

La Saskatchewan ne dispose pas à ses yeux d’une politique de gestion de l’eau complète et appropriée. «Les politiques qu’ils envisagent et qu’ils mettent en œuvre n’impliquent pas toujours des évaluations environnementales», regrette-t-il.

Une gestion «très divisée»

Pour le responsable des politiques canadiennes à l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, Maxime Hayet, les industries et les municipalités doivent travailler «comme partenaires et pas seulement comme adversaires», afin de réduire leur consommation en eau.

«Cette ressource va devenir de plus en plus rare et donc chère, donc il faut qu’on se prépare à ça», alerte-t-il.

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Maxime Hayet. Photo: courtoisie

Inclure les communautés autochtones à la table des négociations demeure aussi essentiel, insiste le directeur de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, Jérôme Marty, elles qui «ont été souvent mises de côté». «On ne peut pas avoir une bonne gestion des ressources aquatiques aujourd’hui sans l’implication des Premières Nations.»

«Le problème de la gestion de l’eau au Canada, c’est qu’elle est très divisée, au niveau municipal, provincial et fédéral», ajoute-t-il. Une division qui selon lui peut entraîner des complications.

Il prend l’exemple des Grands Lacs. «Dans ce cas, on a des lois qui peuvent être différentes d’un côté ou de l’autre des frontières, et entre les provinces et les États. Il n’y a pas une règle qui s’applique partout pour gérer le système et c’est de cela qu’on aurait probablement besoin.»

«On n’a pas de lois qui règlementent le relargage des nutriments dans l’environnement, à la place, on a des guides de bonnes pratiques», illustre-t-il.

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Les Grands Lacs vus d’un satellite en orbite. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Différences régionales et culturelles

«Il y a des différences régionales. Une approche unique pour relever les défis liés à l’eau douce au Canada ne fonctionnerait pas», contredit le directeur par intérim des partenariats autochtones, des relations externes et des communications à Environnement et Changement climatique Canada, Remi Gosselin.

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«Il y a aussi des différences culturelles et sociétales», renchérit-il, en faisant notamment référence aux peuples autochtones, «qui ont un lien profond avec l’eau, qui est aussi au cœur de leur vie culturelle, spirituelle et sociale».

Précisément, selon lui, toutes ces divergences et ces besoins particuliers mettent en évidence la nécessité d’un effort national pour gérer la ressource de manière coordonnée. «Les activités liées à l’eau douce relèvent de plus de 20 ministères et agences fédérales.»

Il cite la création à cet effet de l’Agence de l’eau du Canada, qui finance plusieurs initiatives visant, entre autres, à restaurer les milieux aquatiques et à améliorer la qualité de l’eau douce dans des milieux sensibles.

«On essaie de commencer à établir des relations avec le secteur industriel, ajoute Remi Gosselin. Les conversations sont vraiment à la tendre enfance. On n’est pas nécessairement rendus à l’étape des solutions, mais c’est sûr qu’on considère ça comme étant un groupe qui fait partie de nos intervenants clés. Donc, on travaille à bâtir cette relation-là.»

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Pour Jérôme Marty, il est impératif d’inclure les Premières Nations à la table des négociations liées à l’eau. Photo: Stephany Hildebrand

Des gouvernements qui n’en font pas assez?

Si Soula Chronopoulos salue la volonté du gouvernement fédéral et d’une partie des provinces et territoires de s’attaquer au problème de la gestion de l’eau et d’investir pour y remédier, elle déplore toutefois un manque d’engagement de la part des décideurs politiques.

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«L’eau n’est pas aussi sexy que le carbone», lâche-t-elle, en faisant allusion à certains discours politiques.

Pourtant, «il s’agit d’une menace pour l’agriculture et d’un problème de santé», rappelle la présidente d’AquaAction.

«Ce n’est pas seulement un problème climatique et environnemental. Cela va plus loin. Nous ne vivons que trois jours sans eau […] J’espère que le fédéral à un moment donné finira par le voir comme ça.»

«Le Canada pourrait et devrait être leader dans ce secteur […] De combien de Jasper [ville albertaine ravagée par un incendie à l’été 2024, NDLR] de plus avons-nous besoin pour comprendre qu’il nous faut faire quelque chose? De combien de Jasper avons-nous besoin avant d’agir?»

«Il y a des guerres qui commencent autour de l’eau»

Selon elle, il est primordial de prendre conscience de tous ces enjeux liés à l’eau, aussi bien dans la sphère publique, médiatique, que politique.

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«Nous avons besoin de mettre ça dans les médias. Les médias ne parlent pas de ça; des personnes qui n’ont pas accès à de l’eau potable ou de bonne qualité. On ne parle pas des polluants ou des microplastiques dans notre eau que nous buvons actuellement.»

«Il y a déjà des guerres qui commencent autour de l’eau ou le manque d’eau.» Si le Canada n’est pas encore concerné, il reste une «cible», prévient-elle.

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